La liberté d’expression à l’âge d’Internet

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État
Discours
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Introduction de Jean-Marc Sauvé lors de la conférence sur la "liberté d'expression en ligne" organisée par la Présidence chypriote du Conseil de l'Europe à Nicosie, à l'invitation de la Cour Suprême de la République de Chypre le 28 avril 2017

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Conseil de l’Europe

Freedom of Expression Online : Evolving European jurisprudence and standard setting activities in the digital age

La liberté d’expression à l’âge d’Internet

Nicosie (République de Chypre) - Vendredi 28 avril 2017

Introduction - Keynote Speech

de Jean-Marc Sauvé[1], vice-président du Conseil d’État

 

Monsieur le ministre de la justice,

Monsieur le président de la Cour suprême de Chypre,

Mesdames et Messieurs les juges,

Mesdames et Messieurs les directeurs,

Mesdames et Messieurs,

« (…) Pourvu que je ne parle en mes écrits, ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs »[2]. Ces propos ironiques de Figaro dans la pièce de théâtre de Beaumarchais, qui date de 1778, nous paraissent bien dépassés à une époque où la censure, au moins directe, a heureusement reculé, sans totalement disparaître, et où le développement d’internet et de la communication numérique a aboli les derniers contrôles sur l’expression publique ou privée. En permettant à chacun de diffuser librement, et presque instantanément, ses opinions et ses pensées, internet a considérablement accru les modalités d’exercice de la liberté d’expression au profit de l’ensemble des citoyens. Là où les médias dits « traditionnels » agissaient comme un filtre en fonction de leurs lignes éditoriales et de la qualité des contenus proposés, internet a permis l’émergence de plateformes numériques hébergeant, sans aucun contrôle a priori, ni intermédiation, toutes sortes de contenus émanant de personnes qui ne sont plus des professionnels de la diffusion d’opinion, mais de simples particuliers. Sur Facebook ou Twitter, mais aussi sur des sites qu’il a lui-même créés, chaque individu peut s’exprimer, diffuser des informations ou émettre des opinions et des critiques. Les propos ainsi diffusés se voient en outre octroyer une portée planétaire, aucune barrière autre que la langue ne faisant en théorie obstacle à ce que chacun puisse accéder aux contenus mis en ligne à l’autre bout du monde. Seule la surabondance d’informations limite aujourd’hui l’accès effectif à l’information. Cette « conversation mondiale sans fin », décrite par le juge américain Dalzell[3], ne favorise pas seulement la liberté d’opinion ; elle facilite également l’exercice de la liberté, contenue dans la liberté d’expression, de recevoir et d’accéder à des informations ou des idées. En cela, internet concourt à l’affermissement de l’une des libertés les plus fondamentales de l’homme[4], qui est la pierre angulaire de nos sociétés démocratiques.

Ce constat ne souffre aujourd’hui aucune contradiction sérieuse. Mais c’est sans doute cette évidence même qui justifie le thème de ce colloque. Car si le constat est simple, les conséquences qu’il implique, les enjeux qui s’y attachent et les réponses qu’il appelle sont moins évidents à appréhender. En facilitant l’exercice de la liberté d’expression et de communication, internet a accru les risques d’atteintes à certains droits fondamentaux et à l’ordre public ; il a, ce faisant, remis en cause les équilibres existants (I) et il appelle aujourd’hui une réflexion nouvelle sur le cadre juridique applicable (II).

I - Internet, en facilitant l’exercice de la liberté d’expression, a fait émerger des enjeux et des risques nouveaux qui sont, en l’état, régulés par le régime juridique applicable aux médias traditionnels.

A.  L’usage d’internet s’exerce dans certains cas au détriment de la garantie des droits et de la sauvegarde de l’ordre public.

Le droit au respect de la vie privée et familiale est l’exemple topique des risques dont l’ampleur a été accrue par le développement d’internet. Outre le traitement des données collectées via l’identité numérique de chacun, qui s’exprime à chaque opération effectuée sur internet, la liberté de communication et de diffusion de propos et d’opinions est susceptible de nuire à la réputation d’un individu – l’émetteur ou la personne visée – et de lui porter durablement préjudice dans sa vie personnelle, mais aussi professionnelle ou dans ses relations avec des entreprises d’assurance ou de crédit, par exemple. Internet encourage en effet une hypermnésie collective permise par les facilités de publication en ligne dont les effets potentiellement néfastes sont renforcés par les capacités de stockage et la puissance des traitements de données. Il devient ainsi de plus en plus fréquent que des litiges mettent en balance l’exercice de la liberté d’expression, d’une part, et la protection du droit au respect de la vie privée, de l’autre, imposant une conciliation entre ces deux droits[5]. En outre, l’exercice de la liberté d’expression sur internet peut affecter certaines catégories de personnes vulnérables, destinataires de contenus sensibles susceptibles d’avoir un impact négatif sur leur santé, leur sécurité ou leur développement[6]. Les enfants et les adolescents, qui ont accès facilement et rapidement à internet, peuvent notamment être soumis à des images ou des contenus portant atteinte à leur intégrité physique et morale ou les exposant au risque de pédopornographie ou d’abus sexuels et, partant, au respect de leur vie privée[7].

Internet et la liberté d’expression décuplée qu’il permet peuvent aussi accroître les risques d’atteinte à l’ordre public. D’une part, ils augmentent le risque de diffusion de contenus illicites, tels que ceux incitant à la haine raciale, à la discrimination et à la violence. C’est d’ailleurs ce qu’a relevé la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Delfi AS c. Estonie du 16 juin 2015, lorsqu’elle affirme que « la possibilité pour les individus de s’exprimer sur internet constitue un outil sans précédent d’exercice de la liberté d’expression (…) », mais que « les avantages de ce média s’accompagnent d’un certain nombre de risques. Des propos clairement illicites, notamment des propos diffamatoires, haineux ou appelant à la violence, peuvent être diffusés comme jamais auparavant dans le monde entier, en quelques secondes, et parfois demeurer en ligne pendant fort longtemps »[8]. Le développement de la cybercriminalité constitue un autre risque lié à l’essor du numérique. En effet, la délinquance traditionnelle se déplace, se développe, se renouvelle et se transforme très rapidement sur internet où elle s’exerce à l’échelle planétaire et, dans le même temps, les réseaux numériques favorisent l’émergence de nouvelles menaces pour la sécurité des biens et des personnes. La volonté du législateur français de réprimer la consultation habituelle de sites terroristes procède ainsi de la volonté d’étendre la lutte contre le terrorisme sur internet, dont le rôle dans la radicalisation des individus est souvent souligné. Une première version de la loi française vient toutefois d’être jugée non conforme à la liberté de communication protégée par notre Constitution[9], conformément à l’avis rendu sur ce sujet, dès le 5 avril 2012, par le Conseil d’État[10]. Le Conseil constitutionnel français a en effet estimé que les dispositions critiquées étaient insuffisamment précises quant aux contours de l’exception de « bonne foi » prévue par le texte, faisant ainsi « peser une incertitude sur la licéité de la consultation de certains services de communication au public en ligne et, en conséquence, de l’usage d’internet pour rechercher des informations ». Il faut également souligner que le développement d’internet et la facilité qu’il procure dans l’expression d’opinions diverses augmentent les risques de contournement, parfois involontaire, des obligations de réserve, de discrétion ou de secret qui pèsent sur certaines professions. Croyant s’exprimer dans une sphère privée ou protégée du regard public, les internautes se livrent souvent et imprudemment à des commentaires exprimant des opinions, notamment politiques, qui sont ensuite reprises, partagées ou diffusées largement et qui se retournent ensuite contre eux, soit que leurs fonctions interdisent normalement d’exprimer de telles opinions, soit que de futurs employeurs leur barrent l’accès à un emploi pour ce motif.

Le développement d’internet, parce qu’il catalyse l’exercice de la liberté d’expression, engendre ainsi de nouveaux risques qui interrogent l’équilibre traditionnel, qu’expriment les dispositifs constitutionnels, législatifs et jurisprudentiels existants, entre la liberté d’expression et ses limites.

B.  Eu égard à l’importance de la liberté d’expression dans une société démocratique, l’équilibre actuel est délibérément et justement favorable à cette liberté.

« La libre communication des pensées et des opinions est », nous dit la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen, « un des droits les plus précieux de l’Homme »[11]. Cette formule témoigne de l’importance de la liberté d’expression, qui constitue « l’un des fondements essentiels [d’une société démocratique], l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun », selon la formule de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Handyside[12]. Cette liberté, qui est un « droit hors du commun »[13], est d’autant plus précieuse qu’elle garantit en outre l’exercice effectif d’autres libertés fondamentales[14]. Le régime juridique général de la liberté d’expression a donc été transposé mutatis mutandis à l’expression par voie numérique, pour tenir compte des enjeux nés de l’utilisation d’internet. La Cour européenne des droits de l’homme a été, en particulier, très proactive dans la reconnaissance du rôle d’internet dans l’exercice de la liberté d’expression. Elle a étendu la protection de l’article 10 de la Convention à la protection des archives sur internet[15], aux informations obtenues par les journalistes sur ce réseau[16], puis à l’ensemble des informations diffusées[17]. Comme dans les médias traditionnels, la Cour reconnaît une très large portée à la liberté d’expression sur internet qui s’étend aux discours positifs[18] ou inoffensifs, comme aux propos qui heurtent, choquent ou inquiètent[19]. Cette liberté inclut aussi le droit d’accéder à l’information[20], ce qui lui confère une ampleur accrue compte tenu de la dimension planétaire et transfrontalière d’internet. En France, le Conseil constitutionnel a, de son côté, jugé, dès 2009, qu’ « eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions », la liberté de communication implique « la liberté d’accéder à ces services »[21]. Le juge constitutionnel français en a déduit qu’une autorité publique, fût-elle indépendante, ne pouvait, même après des mises en demeure, interdire l’accès à internet à des usagers qui, dans l’utilisation de cet outil, violeraient délibérément le droit de la propriété intellectuelle[22]. Eu égard à l’importance de la liberté d’expression et à l’absence de contrôle a priori des contenus sur internet, c’est donc un régime libéral et protecteur qui a été instauré. La Cour de justice de l’Union en a, en ce qui la concerne, inféré l’impossibilité d’enjoindre à un fournisseur d’accès à internet de mettre en place, pour lutter contre le téléchargement illégal, un système de filtrage généralisé de toutes les communications électroniques transitant par ses services[23].

Cependant, la protection dont jouit la liberté d’expression ne peut en garantir un exercice sans limites. L’article 10 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme invite en effet à concilier la liberté d’expression avec les autres droits ou libertés, tels que la protection du droit au respect de la vie privée et la sauvegarde de l’ordre public[24]. Ces exceptions font toutefois l’objet d’une interprétation étroite[25] et les juges européens et nationaux exercent un strict contrôle de proportionnalité sur les mesures susceptibles de porter atteinte à la liberté d’expression[26]. Ainsi, la notoriété de la personne visée, la nature des propos tenus ou des images diffusées et leur lien avec des sujets d’intérêt général justifient, le cas échéant, une protection accrue de cette liberté[27]. Le discours politique bénéficie aussi d’une protection très élevée, qui s’accompagne logiquement d’une marge d’appréciation très réduite pour les États[28]. Cette marge d’appréciation est toutefois élargie lorsque sont en cause des propos haineux[29] ou incitant à la violence[30], de tels propos n’étant pas couverts par la garantie de la liberté d’expression[31]. La Cour européenne des droits de l’homme et la législation de l’Union européenne ont aussi tenu compte de la spécificité d’internet en développant un régime de responsabilité atténuée propre aux hébergeurs de contenus et aux portails d’actualité, à condition qu’ils ne soient pas à l’origine de l’information diffusée, qu’ils n’aient pas eu connaissance de l’illégalité des contenus en cause et qu’ils mettent en place des systèmes de notification permettant de retirer rapidement les contenus illicites une fois qu’ils ont été identifiés[32]. En revanche, le retard pris par ces intermédiaires dans le retrait de commentaires incitant à la haine ou à la violence est susceptible d’engager leur responsabilité, sans que cela ne porte atteinte à leur liberté de communication[33]. En aucun cas, les mécanismes de responsabilité mis en place ne doivent cependant conduire à dissuader la liberté d’expression[34].

Alors que le régime juridique actuel résulte principalement de l’application au numérique, avec quelques adaptations, de principes qui étaient déjà applicables à la presse ou aux médias audiovisuels classiques, la spécificité du moyen de communication numérique, les enjeux et l’ampleur des risques qu’il soulève nous interpellent sur la nécessité de développer un cadre juridique plus spécifiquement adapté.

II - Sans déplacer le curseur vers une liberté amoindrie, le cadre juridique de la diffusion numérique des discours et des images doit être adapté à sa spécificité et ne pas reposer uniquement sur une régulation par la puissance publique

A.  Les enjeux liés à l’exercice de la liberté d’expression sur internet doivent, en premier lieu, faire l’objet d’une réponse coordonnée aux niveaux européen et mondial.

La transformation numérique est, à l’instar des droits fondamentaux ou des marchés financiers, une réalité transfrontalière et globalisée dont les acteurs se distinguent par leur forte extranéité. Il en découle des difficultés particulières dans la détermination de la loi applicable et de la juridiction compétente, ainsi que des risques accrus de concurrence juridique, de « forum shopping » et de contournement des garanties nationales. La dimension planétaire peut notamment favoriser la cybercriminalité et la diffusion de propos sensibles avec la possibilité pour certains internautes de se retrancher derrière la protection offerte par un pays pour diffuser des contenus considérés comme illicites ailleurs, en particulier des propos racistes ou haineux[35]. Le cas des États-Unis est à cet égard significatif, le premier amendement de la Constitution de ce pays ne prévoyant aucune limite textuelle à la liberté d’expression, qui est très strictement protégée et s’exerce par conséquent très largement[36]. Le droit pénal s’est néanmoins adapté en retenant comme l’un des critères de compétence territoriale l’accessibilité des contenus numériques depuis le territoire national. Les juridictions françaises ont, par exemple, enjoint à la société Yahoo de rendre inaccessible, depuis la France, un site vendant des objets de propagande nazie[37]. Cette injonction a été confirmée à deux reprises par la justice américaine, qui a relevé que la France pouvait adopter des lois contre la distribution d’objet de propagande nazie et que Yahoo ne pouvait s’attendre à ce que ses contenus puissent être vus dans le monde entier[38]. Néanmoins, la plus récente jurisprudence de la Cour de Cassation de France sur l’incompétence des juridictions pénales françaises pour des propos diffamatoires diffusés à partir d’un site internet localisé à l’étranger vient quelque peu tempérer l’hypothèse d’une compétence illimitée de nos juridictions en l’absence d’élément plus précis de rattachement au territoire français[39].  La décision Google Spain de la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé la nécessité d’une approche extraterritoriale du droit applicable aux contenus numériques[40]. Elle juge en effet que la circonstance que le traitement des données en litige soit effectué aux États-Unis par la société mère Google Inc., et non pas en Espagne par sa filiale Google Spain, ne permet pas d’écarter l’application territoriale de la législation européenne, dès lors que les activités publicitaires menées par la filiale espagnole et les activités de traitement de la société mère sont indissociablement liées[41]. L’arrêt Schrems de la Cour de Luxembourg illustre cette volonté d’étendre la protection des données personnelles assurée par l’Union européenne aux données conservées ou traitées dans un État tiers, comme les États-Unis, et ce quelle que soit la législation de cet État en la matière[42]. Le nouveau règlement européen relatif au traitement des données confirme aussi l’affaiblissement du critère géographique ou territorial, puisqu’il trouve à s’appliquer alors même qu’un tel traitement est effectué hors de l’Union européenne par une société établie elle-même établie hors de l’Union[43], dès lors que les personnes concernées par ce traitement sont présentes sur le territoire de l’Union. L’usage d’internet et sa portée sont universels. Le droit applicable doit donc être envisagé dans un cadre normatif universel[44]. L’Union européenne et ses membres se sont inscrits dans cette perspective qui, sans conduire à une extraterritorialité excessivement expansionniste, doit permettre de sauvegarder et de renforcer les garanties de chacun. A cet égard, le rôle de l’Union européenne est immense, car ni la France, ni la République de Chypre, ni aucun autre État européen ne peut, à lui seul, faire face aux géants de l’économie numérique.

L’Europe a aussi un rôle à jouer en influant de façon décisive sur le contenu des règles internationales et en définissant un socle commun de principes applicables. Le premier de ces principes doit être de garantir à tous et sans discrimination l’accès à internet, pour permettre à chacun d’accéder aux contenus de son choix. Le règlement européen du 25 novembre 2015 fait application de ce principe de neutralité du net aux fournisseurs d’accès à internet et aux fournisseurs de communications électroniques[45]. Il est aussi nécessaire de définir clairement et de manière uniforme la chaîne de responsabilité applicable, la transposition des principes applicables à la presse n’étant pas pertinente eu égard à la spécificité de la diffusion numérique. Les dispositions actuelles ne tiennent en particulier pas suffisamment compte du rôle croissant des plateformes, telles que les sites de partage de contenu et de vente entre particuliers ou les moteurs de recherche, et de la spécificité de leur action. Celles-ci ne peuvent être soumises à une obligation de neutralité, dès lors que leur rôle est précisément de classer et de hiérarchiser les informations pour permettre à l’internaute de trouver des contenus pertinents. Elles doivent néanmoins répondre à une obligation de loyauté envers leurs utilisateurs en indiquant leurs critères de classement ou de référencement et en assurant ces opérations de bonne foi. Cette obligation de loyauté doit, de manière générale, prévaloir dans l’ensemble des relations fondées sur l’utilisation du numérique. L’équilibre entre le droit au respect de la vie privée, en particulier à travers la protection des données, et la liberté d’expression doit en outre être précisé. Le 24 février dernier, le Conseil d’État de France a ainsi été conduit à saisir la Cour de justice de l’Union européenne de huit questions préjudicielles tendant à ce qu’elle précise sa jurisprudence Google Spain[46]. Pour aller à l’essentiel, cette jurisprudence doit-elle se traduire par l’interdiction de tout traitement des données sensibles, telles que définies à l’article 8 de la directive de 1995, ou doit-elle conduire à articuler ces dispositions avec la liberté d’expression, à laquelle concourent les moteurs de recherche, en encadrant strictement les obligations de déréférencement ? La réponse de la Cour de Luxembourg permettra de fixer précisément sa jurisprudence et d’affiner l’équilibre entre les droits et les libertés qui sont en jeu sur internet.

B.  Il est, en second lieu, nécessaire de responsabiliser les acteurs privés, car la régulation et la gouvernance d’internet ne sauraient uniquement reposer sur la puissance publique.

Les États, dont les leviers d’action classiques s’arrêtent le plus souvent aux frontières nationales, se révèlent peu aptes à répondre par leurs seuls moyens aux problématiques transfrontalières. En outre, la rapidité des mutations technologiques en matière numérique accélère l’obsolescence des dispositifs normatifs traditionnels. Les États ont donc plus fréquemment recours à des procédés nouveaux reposant sur la responsabilisation des personnes publiques ou privées et, en particulier, des intermédiaires de la société de l’information (plateformes, moteurs de recherche…). La Cour européenne des droits de l’homme envisage l’existence de ces « devoirs et responsabilités » de manière large[47]. Elle a ainsi développé la notion de « journalisme responsable », qui revêt, selon elle, une importance accrue sur internet compte tenu des flux d’information auxquels les individus sont confrontés[48]. La protection de la liberté d’expression des journalistes est subordonnée à la condition qu’ils agissent de bonne foi et qu’ils fournissent des informations « fiables et précises dans le respect de la déontologie journalistique »[49]. La même exigence de mesure pèse sur les lanceurs d’alerte. Si ces derniers doivent pouvoir bénéficier de la protection de leur liberté d’expression pour porter à la connaissance du public les faits qui leur paraissent de nature à intéresser le public et dénoncer des comportements répréhensibles, ils sont tenus d’agir « avec la vigilance et la modération nécessaires » en évitant, par exemple, de publier les noms de tiers, d’utiliser des expressions prêtant à confusion[50] ou de publier dans la presse des informations protégées par le secret lorsque d’autres moyens effectifs permettraient de remédier à la situation critiquable[51]. En matière d’expression publique en général et sur internet en particulier, le recours à des instruments de droit souple, dits de « soft law », tels que les codes de bonnes pratiques, les lignes directrices, les recommandations ou les chartes de déontologie présentant la conduite à tenir et mettant l’accent sur la responsabilité des acteurs privés et publics, doit aussi être encouragé à l’instar de ce que propose le nouveau règlement européen en matière de protection des données pour l’élaboration de codes de conduite[52], dont le respect peut ensuite être contrôlé par un organisme certifié[53]. Le Conseil de l’Europe s’est à juste titre engagé dans cette voie avec la recommandation relative à la liberté d’internet[54] et le guide des droits de l’homme des utilisateurs d’internet[55]. Ces outils visent à informer les particuliers, mais aussi les entreprises et les pouvoirs publics sur leurs droits et leurs obligations afin de promouvoir un usage responsable d’internet par l’ensemble des acteurs concernés. Plusieurs portails numériques ont aussi développé des règles internes prohibant la diffusion de certains contenus, sans que ceux-ci ne soient dans tous les cas pénalement répréhensibles[56]. Mais si ces dispositifs d’engagements volontaires et de droit souple présentent un réel intérêt, il faut aussi être lucide sur leurs limites qui tiennent à leur caractère peu contraignant et à leur effectivité parfois relative.

Le rôle de l’État et, plus largement, de la puissance publique, notamment à l’échelle européenne, doit être affirmé. Mais plutôt qu’une régulation exclusive par la puissance publique, internet appelle une co-régulation avec les acteurs privés concernés[57]. L’intérêt de ce mode de régulation souple et mixte, utilisé dans d’autres domaines – je pense en particulier aux programmes de conformité des entreprises – est particulièrement visible dans le cas d’internet. Le rôle des réseaux sociaux dans l’avènement de ce qui est décrit comme l’ère de la post-vérité est indéniable. La floraison de sites internet dédiés à la diffusion de faits alternatifs interroge même sur les limites de l’ouverture démocratique d’une société et de la liberté d’expression qui en est le fondement. Sans recourir à une régulation tous azimuts, qui serait en tout état de cause inefficace, les États et les unions d’États gardent un rôle éducatif et incitatif qui ne doit pas être sous-estimé[58]. Il leur appartient de sensibiliser les individus, en particulier les personnes vulnérables, aux risques et aux limites de la liberté d’expression sur internet.

 

« La presse est un élément jadis ignoré, une force autrefois inconnue, introduite maintenant dans le monde ; c’est la poudre à l’état de foudre ; c’est l’électricité sociale. Pouvez-vous faire qu’elle n’existe pas ? Plus vous prétendrez la comprimer, plus l’explosion sera violente »[59]. Ce constat de Chateaubriand, sur l’essor de la presse, dans ses Mémoires d’outre-tombe écrits dans la première moitié du XIXème siècle, résonne aujourd’hui d’un écho particulier avec le spectaculaire développement d’Internet. La perspective que traçait l’écrivain français est tout aussi pertinente : « Il faut apprendre à vous en servir, en la dépouillant de son danger (…) », disait-il[60]. Internet, comme avancée technique, est indéniablement porteur de progrès économiques, sociaux, culturels et politiques ; mais il présente aussi des inconvénients et des risques qu’il convient de ne pas ignorer et de conjurer, si l’on ne veut pas laisser se développer un espace de non-droit et une conversation anarchique. Il nous faut en comprendre les ressorts et développer un cadre juridique souple et adaptable qui permette à internet de continuer à soutenir l’exercice effectif des libertés qu’il favorise – la liberté d’expression, mais aussi la liberté d’entreprendre –, tout en assurant que ces actions ne portent pas atteinte à l’ordre public et à la garantie des droits d’autrui. Cette journée de débats sera l’occasion de réfléchir ensemble et d’échanger sur ces questions et je ne doute pas que nous en repartirons tous enrichis de perspectives, mais aussi d’interrogations, nouvelles.

[1] Texte écrit en collaboration avec Sarah Houllier, magistrat administratif, chargée de mission auprès du vice-président du Conseil d’État.

[2] Beaumarchais, Le mariage de Figaro, Acte V, Scène 3.

[3] « The Internet may fairly be regarded as a never-ending worldwide conversation », cité par B. Stirn dans Les libertés en question, Montchrestien, 2010, 7ème édition, p. 119.

[4]La liberté d’expression est protégée par la plupart des constitutions des pays occidentaux comme l’un des droits les plus essentiels. Art. 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Art. 10 de la Convention européenne des droits de l’homme : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations. ».

[5]Pour des exemples de telles affaires voir notamment CEDH, gr. ch., 7 février 2012, Axel Springer AG c. Allemagne, aff. n° 39954/08 et  CEDH, gr. ch., 7 février 2012, Von Hannover c. Allemagne (n°2), aff. n° 40660/08 et 60641/08.

[6] CEDH, gr. ch., 13 juillet 2012, Affaire Mouvement Raëlien Suisse c. Suisse, aff. n° 16354/06, pt. 72 : l’interdiction d’une campagne d’affichage du mouvement raëlien ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans sa liberté d’expression compte tenu de « dérives sexuelles possibles à l’égard d’enfants mineurs ».

[7] Voir pour un exemple CEDH, 2 décembre 2008, K.U. c. Finlande, aff. n° 2872/02.

[8] CEDH, gr. ch., 16 juin 2015, Delfi AS c. Estonie, aff. n°64569/09, pt. 110.

[9] CC, 10 février 2017, M. David P. [Délit de consultation habituelle de site internet terroristes], n° 2016-611 QPC, pt. 15.

[10] Le Conseil d’État avait été saisi en 2012 d’un projet de loi renforçant la prévention et la répression du terrorisme et qui prévoyait la création d’un délit de consultation habituelle de sites internet terroristes. Dans son avis du 5 avril 2012, le Conseil d’État a estimé que ces dispositions portaient une atteinte disproportionnée à la liberté de communication et ne permettaient pas de lutter efficacement contre le terrorisme. Voir sur ce point, Rapport public annuel du Conseil d’État 2013, La Documentation française, 2014, pp. 202-203.

[11] Article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

[12] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, aff. n° 5493/72, pt. 49.

[13] F. Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, PUF, 7ème édition, p. 451.

[14] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, aff. n° 5493/72 ; CC, 11 octobre 1984, Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, n° 84/181 DC, pt. 37.

[15] CEDH, 10 mars 2009, Times Newspapers Ltd c. Royaume-Uni, aff. n°3002/03 et 23676/03.

[16] CEDH, 5 mai 2011, Comité de rédaction de Pravoye Delo et Shtekel c. Ukraine, aff. n° 33014/05.

[17] CEDH, 10 janvier 2013, Ashby Donalds et autres c. France, aff. n° 36769/08.

[18] CEDH, 16 juillet 2009, Féret c. Belgique, aff. n° 15615/07, pt. 80.

[19] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, aff. n° 5493/72 ; CEDH, 18 octobre 2005, Perrin c. Royaume-Uni, aff. n° 5446/03 ; CEDH, 16 juillet 2009, Willem c. France, aff. n° 10883/05, pt. 33.

[20] CEDH, 10 mars 2009, Times Newspapers Ltd c. Royaume-Uni, aff. n° 3002/03 et 23676/03 ; CEDH, 18 décembre 2012, Yildirim c. Turquie, aff. n° 3111/10, pt. 67 ; CEDH, 16 juin 2015, Delfi AS c. Estonie, aff. n°64569/09, pt. 110. Voir notamment : CEDH, 1er décembre 2015, Cengiz et autres c. Turquie, aff. n° 14027/11, pt 52 où la Turquie a été condamnée pour méconnaissance de l’article 10 de la Convention dès lors qu’il n’existait aucun autre moyen d’accéder au contenu bloqué. A l’inverse, lorsqu’il existe d’autres possibilités d’accéder à un contenu équivalent (de la musique en l’espèce), le blocage ne méconnaît pas l’article 10 de la Convention (CEDH, 11 mars 2014, Akdeniz c. Turquie, aff. n° 20877/10, pt 25).

[21] CC, 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, n° 2009-580 DC, point 12.

[22] CC, 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, n° 2009-580 DC, point 16.

[23] CJUE, 24 novembre 2011, Scarlet Extended, aff. C-70/10.

[24] Voir par exemple, pour l’articulation entre la liberté d’expression et le droit à la libre circulation des biens, l’arrêt CJCE, 12 juin 2003, Eugen Schmidberger, aff. C-112/00.

[25] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, aff. n° 5493/72, pt. 42.

[26] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, aff. n° 5493/72, pt. 49 ; CEDH, gr. ch., 10 décembre 2007, Stoll c. Suisse, aff. n° 69698/01, pt. 101.

[27]CEDH, 24 juin 2004, Von Hannover c. Allemagne, aff. n° 59320/00.

[28] CEDH, gr. ch., 8 juillet 1999, Sürek c. Turquie, aff. n° 26682/95, pt. 62 ; CEDH, gr. ch., 7 février 2012, Axel Springer AG c. Allemagne, aff. n° 39954/08 ; CEDH, gr. ch., 23 avril 2015, Morice c. France, aff. n° 29369/10, pt. 125.

[29] CEDH, 4 décembre 2003, Gündüz c. Turquie, aff. n° 35071/97, pt. 41.

[30] CEDH, gr. ch., 8 juillet 1999, Sürek c. Turquie, aff. n° 26682/95, pt. 62.

[31] Par exemple, l’appel d’un élu à la discrimination ne participe pas à la libre discussion sur un sujet d’intérêt général (CEDH, 16 juillet 2009, Willem c. France, aff. n° 10883/05, pt. 36-38) ; la mise en ligne d’attaques personnelles qui dépassent le cadre du débat d’idées n’est pas non plus protégée (CEDH, 16 janvier 2014, Tierbefreier e.V. c. Allemagne, n° 45192/09, pt. 56).

[32] Art. 12 à 15 de la Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur.

[33] CEDH, gr. ch., 16 juin 2015, Delfi AS c. Estonie, aff. n° 64569/09, pt. 110. Les critères dégagés dans l’arrêt ont été appliqués dans l’arrêt CEDH, 2 février 2016, Magyar Tartalomszolgàltatok Egyesülete et Index.hu Zrt c/ Hongrie, aff. n° 22947/13 la Cour ayant cette fois jugé que la condamnation du portail d’actualité méconnaissait l’article 10 de la Convention.

[34] CC, 16 septembre 2011, M. Antoine J. [Responsabilité du « producteur » d’un site en ligne],n° 2011-164 QPC : le CC a émis une réserve d’interprétation à propos des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 applicables à la communication en ligne et qui peuvent entraîner la responsabilité d’un producteur en ligne.

[35] J. Auvret-Finck et P. Auvret, « Concrétisation et aménagement de la liberté d’expression sur internet en droit européen », in Libertés, justice, tolérance. Mélanges en hommage au doyen Gérard Cohen-Jonathan, Bruylant, 2004, p. 115.

[36] Premier amendement de la Constitution des États-Unis : « Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof; or abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the Government for a redress of grievances. » Voir sur ce sujet l’article C. Fried, « Liberté d’expression, liberté de pensée, libertés hors du droit ? Deux décisions controversées de la Cour suprême des États-Unis », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, n° 36, juin 2012.

[37] Ordonnance du juge des référés du TGI de Paris, 22 mai 2000. Association « Union des étudiants Juifs de France » et la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme, c. Yahoo ! Inc. Et Yahoo France.

[38] Cour d’appel fédérale du 9ème circuit des États-Unis, 23 août 2004 et 12 janvier 2006, LICRA and UEJF vs. Yahoo !, n° 01-17424. Voir aussi l’étude annuelle du Conseil d’État, Le numérique et les droits fondamentaux, La Documentation française, 2014, p. 138.

[39] Voir à ce sujet l’arrêt de la Cour de cassation française, Crim., 12 juillet 2016, n° 15-86.645 qui écarte la compétence des juridictions françaises en estimant que la seule accessibilité du contenu depuis la France ne suffit pas à les rendre compétentes en l’absence d’autres liens avec le territoire français (le prévenu, de nationalité étrangère, était poursuivi pour des propos supposés diffamatoires, diffusés en langue anglaise, depuis un site hébergé à l’étranger, portant sur le comportement professionnel au Japon de deux personnes de nationalité étrangère vivant au Japon). Voir pour une explication de cet arrêt et de la jurisprudence de la Cour de cassation l’article de J. Francillon, « Incompétence des juridictions pénales françaises pour des propos diffamatoires diffusés à partir d’un site internet localisé à l’étranger », RSC, 2016, p. 535.

[40] CJUE, gr.ch., 13 mai 2014, Google Spain SL, Google Inc. c. Agencia Española de protección de datos (AEPD), M. Costeja Gonzalez, aff. C-131/12.

[41] CJUE, gr.ch., 13 mai 2014, Google Spain SL, Google Inc. c. Agencia Española de protección de datos (AEPD), M. Costeja Gonzalez, aff. C-131/12, pt. 55-56.

[42] CJUE, gr.ch., 6 octobre 2015, M. Schrems c. Data Protection Commissioner, aff. C-362/14 : la Cour invalide une décision de la Commission européenne prise sur le fondement de la directive du 24 octobre 1995 en estimant que le dispositif de Safe Harbour, mis en place aux États-Unis, n’apporte pas une protection équivalente au régime de protection des données prévu par l’Union européenne.

[43] Art. 3 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

[44] J. Auvret-Finck et P. Auvret, « op.cit. note 36, p. 109.

[45]Art. 3 et 4 du Règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert.

[46] CE Ass., 24 février 2017, Mme Chupin et autres, n° 391000.

[47] Ainsi, un éditeur de contenus sur internet n’est pas tenu aux mêmes obligations professionnelles qu’un journaliste à condition de s’être assuré que l’article était conforme aux obligations journalistiques ordinaires (CEDH, 16 mars 2017, Olafsson c. Islande, aff. n° 58493/13, pt. 57).

[48] CEDH, gr. ch., 10 décembre 2007, Stoll c. Suisse, aff. n° 69698/01, pt. 104.

[49] CEDH, gr. ch., 10 décembre 2007, Stoll c. Suisse, aff. n° 69698/01, pt. 103. La prudence des journalistes dans la présentation de faits, notamment de ceux qui font l’objet de poursuites pénales mais n’ont pas encore été jugés, ainsi que l’intérêt général du sujet, le sérieux de l’enquête et des sources et l’objectivité des propos tenus concourent à l’exercice d’un journalisme responsable. Voir pour deux exemples récents : CEDH, 21 janvier 2016, de Carolis et France Télévisions c. France, aff. n° 29313/10, s’agissant d’un reportage portant sur la procédure judiciaire engagée par les familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001 contre des personnes soupçonnées d’avoir aidé ou financé Al-Qaïda et plus particulièrement sur le rôle supposé de certains hauts dignitaires d’Arabie Saoudite (pas de méconnaissance du principe de journalisme responsable compte tenu des précautions prises par le journaliste) ; CEDH, gr.ch., 29 mars 2016, Bédat c. Suisse, aff. n° 56925/08, s’agissant cette fois d’un journaliste ayant diffusé des éléments confidentiels du dossier d’instruction relatifs à l’état psychiatrique d’un individu poursuivi pour assassinat (méconnaissance du principe de journalisme responsable eu égard à la violation du secret de l’instruction).

[50] CEDH, 2 février 2012, Růžový panter o.s. c. République tchèque, aff.n° 20240/08, pt. 32-35.

[51] CEDH, gr.ch., 12 février 2008, Guja c. Moldova, aff. n° 14277/04, pt. 73.

[52] Art. 40 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

[53] Art. 41 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE. L’article 42 de ce règlement encourage aussi la mise en place de mécanismes de certification en matière de protection des données

[54] Recommandation CM/Rec(2016) du Conseil de l’Europe sur la liberté d’internet, accessible à < https://book.coe.int/usd/fr/librairie-en-ligne/7011-pdf-la-liberte-d-internet-recommandation-cmrec20165.html> (02.05.2017).

[55] Conseil de l’Europe, Guide des droits de l’homme pour les utilisateurs de l’internet, accessible à <http://www.coe.int/fr/web/internet-users-rights/guide> (02.05.2017).

[56] Par exemple, le site Facebook interdit aussi bien les discours d’incitation à la haine que les images de nudité. De la même manière, Google interdit d’utiliser son réseau pour diffuser de la publicité lorsque celle-ci fait la promotion de contenus incitant à la haine, à la violence, au harcèlement, au racisme, ainsi que de contenus susceptibles de choquer ou qui semblent tirer injustement profit d’autrui.

[57] J-B. Auby, La globalisation, le droit et l’État, LGDJ, 2010, 2ème édition, p. 60.

[58] J. Auvret-Finck et P. Auvret, op.cit. note 36, p. 115.

[59] Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Legrand, Troussel et Pomey, T.5, p. 197.

[60] Ibid.