Le juge administratif face au défi de l’efficacité

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État
Discours
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Intervention de Jean-Marc Sauvé lors de la Conférence nationale des présidents de la juridiction administrative le 29 juin 2012

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Conférence nationale des présidents de la juridiction administrative

Cité des congrès de Nantes, le vendredi 29 juin 2012

Le juge administratif face au défi de l’efficacité

Retour sur les pertinents propos d’un Huron au Palais-Royal et sur la « critique managériale »

Intervention de Jean-Marc Sauvé[1], Vice-président du Conseil d’État

L’exigence de gérer au mieux les juridictions, de les moderniser, de les mettre en capacité de répondre avec pertinence à la demande de justice, d’améliorer la qualité et la célérité de la justice rendue fait l’objet d’un large consensus dans la plupart des pays occidentaux[2]. La justice n’est en effet pas qu’une vertu ou une valeur, elle est aussi une institution et, plus particulièrement, un service public, bien que celui-ci soit d’une nature particulière, puisqu’il constitue également un pouvoir public indépendant des deux autres.

En ce sens, la justice doit être efficace, c’est-à-dire tout à la fois de qualité, bien entendu, mais également effective, terme qui désigne « la qualité de ce qui se traduit en actes réels »[3], et efficiente, dans l’acception du terme qui nous vient de l’anglais et qui désigne la réalisation d’objectifs en optimisant les moyens mis à disposition.

Ainsi défini, le thème de l’efficacité de la justice administrative est un sujet qui est exposé au risque d’une certaine banalisation, compte tenu de toutes les analyses dont il a déjà pu faire l’objet. Il ne faut toutefois pas s’y méprendre : questionner l’efficacité de la justice administrative, c’est nécessairement interroger l’acte de juger dans sa substance même. C’est également s’inscrire dans des évolutions plus générales qui affectent l’ensemble des services publics. L’efficacité de la justice administrative constitue donc un sujet vaste, complexe, non susceptible de réponses univoques, sur lequel il faut sans cesse se remettre à l’ouvrage, et je remercie les organisateurs de cette journée, la cour administrative d’appel et le tribunal administratif de Nantes, de nous le permettre.

Pour introduire une telle journée, sans doute convient-il d’interroger, en premier lieu, le rapprochement des termes d’efficacité et de justice. Ne serait-ce pas là un oxymore, voire un barbarisme, par lequel la justice serait réduite à une recherche de performance ? Il me semble bien au contraire qu’il s’agit d’une nécessité (I). Ces importants prolégomènes une fois franchis, force est de constater que la justice administrative peut aujourd’hui être regardée comme efficace, parce qu’elle est définitivement entrée dans une nouvelle ère à la suite des évolutions qui ont affecté l’office et les pouvoirs du juge (II), mais aussi parce que ce service public répond globalement à des critères multiformes de qualité (III).

I. Penser l’efficacité de la justice administrative : régression ou nécessité ?

La justice, en tant qu’institution, est singulière, car elle est bâtie autour de grands principes, d’un « ethos professionnel » propre, selon les mots de Cécile Vigour, qui tient à son indépendance et son impartialité, celle de l’institution comme celle de ses membres, mais aussi au statut particulier du droit et de la décision de justice, toujours singulière et jamais standardisée, motivée et forgée à l’issue d’une procédure qui, plus encore que l’indépendance des juges, fait l’objet d’un consensus international autour du modèle du procès équitable. Cet ethos renvoie également à une idée de qualité de la justice faisant une large place à la pondération et la lenteur et, enfin, à la difficulté à penser la justice comme une institution[4].

La juridiction administrative, peut-être plus encore que sa cousine judiciaire, a de surcroît été marquée par certaines insuffisances qui avaient pour conséquence que si elle disait avec pertinence et compétence le droit, il n’était pas réellement dans ses gènes d’être préoccupée par les incidences concrètes de ses décisions. Si elle a toujours entendu fixer des principes destinés à inspirer, voire édifier l’administration, la doctrine et les praticiens du droit, elle a historiquement manifesté une certaine indifférence pour la situation concrète du justiciable. Elle suscitait d’ailleurs chez le Huron en visite au Palais Royal cette phrase frappée du sceau du bon sens : « Nous autres, bons sauvages, nous sommes des esprits simples : nous pensons que la justice est faite pour le justiciable, et que sa valeur se mesure en termes de vie quotidienne »[5]. Le juge administratif a rompu avec la fatalité de cette indifférence. Cette première évolution est fondamentale, car elle a dessiné une transformation de l’acte de juger : à la vision abstraite de cet acte, qui consiste à dire le droit, certes au terme d’un procès, mais de manière quelque peu désincarnée, s’est ajoutée une véritable prise en considération de l’effet de la décision rendue sur les parties et la société en général ; un droit vécu, en prise sur le réel, en lieu et place d’un droit abstrait en quelque sorte[6]. Se préoccuper de la valeur de la décision « en termes de vie quotidienne », c’est, implicitement mais nécessairement, poser le postulat que l’action du juge administratif peut s’apprécier en termes d’effectivité et d’efficacité.

Ce premier mouvement se double d’un second. Comme les autres acteurs publics, comme les autres gestionnaires de service public, la juridiction administrative est de plus en plus confrontée à la nécessité de rendre compte de son action et de la manière dont elle est gérée[7]. La doctrine a montré comment se sont progressivement implantées, acculturées, au cœur des interrogations liées à la gestion publique, les problématiques d’effectivité, de performance, de modernisation de l’État et des services publics, quels que soient les termes choisis[8]. A dire vrai, on ne voit pas bien pourquoi la justice en général, et la juridiction administrative en particulier, pourraient ou devraient échapper à une telle exigence. Pour reprendre une expression que Jacques Caillosse applique au droit mais qui, me semble-t-il, convient également à la juridiction administrative en tant qu’institution, « rien ne l’autorise à revendiquer le statut d’on ne sait quel espace intouchable, neutre et vertueux à la fois »[9]. Cela ne veut pas dire que l’activité de juger ne présente pas des spécificités irréductibles qu’il convient évidemment de sauvegarder. La justice, plus encore qu’un autre service public, ne peut courir le risque d’aliéner ce qui fait son identité et sa force à un quelconque culte du rendement ou de la performance. Mais à l’inverse, il est légitime que les acteurs de la justice se soucient de ses résultats et, pour cela, cherchent à les mesurer et à améliorer l’efficacité de l’institution. Telle est bien notre vocation, presque notre destin, et en tout cas notre devoir, en tant que femmes et hommes de justice.

La juridiction administrative est, de surcroît, en partie contrainte de s’impliquer dans la gestion et la recherche de l’efficacité. En droit interne, la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 a profondément modifié les paramètres de la gestion publique avec la fixation des objectifs, d’indicateurs et la mise en œuvre des programmes annuels de performance. La juridiction administrative, qui émarge au programme 165, n’échappe pas à la règle. Au sein de la mission « Conseil et contrôle de l’État », ce programme intitulé « Conseil d’État et autres juridictions administratives » regroupe les moyens affectés au Conseil d’État, aux cours administratives d’appel, aux tribunaux administratifs et à la Cour nationale du droit d’asile. Trois des objectifs qui y sont définis concernent le travail juridictionnel[10] ; ils s’expriment ainsi : « réduire les délais de jugement », « maintenir la qualité des décisions juridictionnelles » et « améliorer l’efficience des juridictions ». Mais la juridiction est également contrainte par des exigences européennes, notamment celles issues du premier paragraphe de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[11], qu’il s’agisse d’accès à la justice, de débat public et contradictoire, d’égalité des armes, de délai raisonnable de jugement ou encore d’exécution des décisions de justice. Il n’est pas dans mon propos, loin s’en faut, de déplorer ces évolutions. En tant que gestionnaire, il faut toutefois en prendre acte et les intégrer dans la marche des juridictions, afin de se conformer au standard de « bonne administration de la justice » et de bonne justice, tout simplement.

A l’aune de ces différents points, comment apprécier la « critique managériale », régulièrement articulée à l’encontre de la gestion des juridictions[12]? Celle-ci tend à remettre en cause l’introduction de méthodes de management, dont les racines seraient à rechercher du côté du New Public Management et qui orienteraient la gestion des services publics vers des exigences quantitatives de rentabilité, d’efficience et de performance, plus que de qualité au sens strict. Il faut reconnaître – et de ce point de vue, la critique est pertinente – qu’existe une tension, dans nos sociétés, entre la valeur « justice » et les exigences inhérentes à l’acte de justice, d’une part, et les contraintes et enjeux auxquels sont soumises les juridictions en tant que service public, d’autre part. Comme a pu le dire Paul Martens, président émérite de la Cour constitutionnelle de Belgique, qui a souligné la contradiction entre « la religion de l’efficacité économique » et « le paganisme du procès équitable », « le respect des droits de l’homme en procès n’est pas très économe ; il est même franchement dispendieux ; il est anti-managérial »[13]. Cela me conduit à un point crucial : la quête d’une justice efficace réside, d’abord et avant tout, dans la recherche d’un équilibre ou d’une conciliation entre les composantes que j’ai mentionnées – la singularité de l’acte de juger et la gestion d’un service public – qui sont autant d’exigences contradictoires. Il serait de fait tout aussi incongru de penser la juridiction en faisant l’impasse sur la question des moyens, comme s’ils étaient illimités, que de la décrire comme uniquement assujettie à un idéal productif et économique. Paul Martens a d’ailleurs lui-même relevé qu’il pouvait y avoir des alliances inattendues entre la religion et le paganisme, comme le montrerait la jurisprudence compréhensive de la Cour européenne des droits de l’hommes sur l’exigence de motivation qui a été souplement appréciée dans l’affaire Taxquet[14].

Par ailleurs, la critique managériale peut et doit certainement être entendue sur la question particulière des indicateurs. La réflexion sur les indicateurs relatifs à la qualité de la justice, qui sont bien entendu les plus complexes à formuler, devrait être approfondie. Cela a été, je n’en doute pas, l’un des objectifs poursuivis aujourd’hui par l’atelier C. Ce sujet auquel s’intéresse de près la Commission européenne pourrait aussi faire l’objet d’une réflexion de l’Association des Conseils d’État et des juridictions administratives suprêmes de l’Union européenne à la présidence de laquelle je viens d’être élu cette semaine, car il est nécessaire de développer à cet égard des approches de droit comparé.

On le voit, il est pertinent, il est légitime de poser la question de l’efficacité de la juridiction administrative qui, à mes yeux, procède de la recherche d’un juste équilibre entre des contraintes multiples et antagonistes. Sur bien des points, le constat est d’ailleurs que la juridiction administrative française est aujourd’hui bien plus efficace qu’elle ne l’était auparavant, à tel point que le Huron malicieux et incisif du professeur Rivero, s’il revenait chez nous, serait sans doute aujourd’hui moins ironique que rassuré.

II. Le Huron apaisé ou comment la justice administrative est entrée dans la modernité

Chacun se souvient de cette parabole de Jean Rivero faisant vivre la figure singulière, à laquelle j’ai déjà fait référence, d’un juriste issu du clan des indiens Hurons, originaires du Canada, admirateur des « merveilleuses inventions par lesquelles des Sages, de l’autre côté du grand Océan, avaient réussi à protéger les hommes contre les excès du pouvoir »[15]. Lors de sa visite au Palais-Royal en 1962, il fut toutefois si déçu par les failles, que dis-je ?, les béances du recours pour excès de pouvoir que, le soir même, il reprit « tristement le chemin de son hêtre pourpre et de son wigwam »[16]. Il ne fut pas beaucoup plus édifié lorsqu’il revint en 1979[17]. Le Huron est aujourd’hui trop âgé pour voyager, à moins qu’il ne soit, comme son créateur auquel une salle du Conseil d’État vient d’être dédiée, décédé. Il serait toutefois apaisé par le récit que pourraient lui faire ses disciples d’une nouvelle visite au Palais-Royal, en ce qui concerne l’effectivité des décisions rendues par le juge (1) ainsi que la prise en compte des différents aspects du temps juridictionnel (2).

1. L’effectivité des décisions

« L’essentiel n’est-il pas cette décision finale qui, d’un mot,

annihile l’acte injuste, efface toutes ses conséquences

comme le soleil fond la glace sur nos grands lacs […] ? »[18].

Le temps où le Huron pouvait déplorer l’absence d’effectivité des décisions du juge administratif, notamment parce que le pouvoir d’injonction lui était étranger, est révolu. Les décisions qui sont aujourd’hui rendues bénéficient d’une « force performative » bien plus grande que lorsque le juge se bornait à prononcer une simple annulation. Si l’office du juge de l’excès de pouvoir s’exprime traditionnellement dans son rôle de censeur de la décision[19], s’y est incontestablement agrégée une dimension constructive qui le modifie en profondeur. Cette évolution résulte des nombreux instruments à la disposition du juge, qu’il a d’ailleurs souvent forgés lui-même : possibilité d’annulation partielle[20], substitution de base légale[21] ou de motifs[22] ou encore précisions apportées par le juge pour expliciter les conséquences à tirer de l’annulation prononcée, ce qu’a mis en œuvre le Conseil d’État pour la première fois avec sa décision Vassilikiotis[23], voire annulation conditionnelle comme dans l’arrêt Titran[24]. Et il convient d’ajouter que certains litiges, dans lesquels le recours pour excès de pouvoir n’apparaissait pas comme étant la voie la plus pertinente au regard du fond des litiges ou de principes à promouvoir, comme la rétroactivité in mitius, relèvent maintenant, du fait d’évolutions législatives ou jurisprudentielles, du plein contentieux. En témoignent par exemple les mutations actuelles du contentieux des sanctions administratives[25].

Si toutes ces avancées concourent à une plus grande effectivité des décisions de justice, les réformes ayant instauré un pouvoir d’injonction et d’astreinte, par les lois du 16 juillet 1980[26] et du 8 février 1995[27], occupent une place à part. Elles ont contribué, plus que d’autres, « à l’aggiornamento mesuré »[28] qu’a connu la juridiction administrative, à lui rendre l’image d’une juridiction efficace, à vêtir son juge d’« habits neufs », comme l’a écrit le président Arrighi de Casanova[29]. Ces points sont connus. Je n’y insisterai donc pas. Il faut toutefois souligner que ce sont les dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice dans leur ensemble, et non point uniquement les articles L.911-1 à L.911-3, qui permettent le règlement effectif des litiges, sauf dans des cas rarissimes[30].

L’effectivité des décisions du juge administratif en ressort indéniablement renforcée. Ceci est d’autant plus vrai que de nombreuses techniques destinées à assurer l’équilibre des intérêts en présence dans le procès ont été développées. La rudesse du caractère rétroactif de l’annulation peut être estompée avec la possibilité de moduler dans le temps les effets d’une telle annulation[31]. Le principe de sécurité juridique a en outre conduit à moduler dans le temps des effets d’un revirement de jurisprudence[32] et l’objectif de stabilité des relations contractuelles a eu pour conséquence d’adapter la réponse apportée par le juge à l’importance et aux conséquences de l’illégalité commise[33]. Toutes ces évolutions dictent des solutions qui s’éloignent du « tout ou rien », c’est-à-dire du diptyque annulation / rejet pris dans son acception la plus simple.

Outre une meilleure effectivité de ses décisions, l’action du juge administratif est aussi rendue plus efficace par sa capacité à s’inscrire dans des temporalités multiples.

2. Les temporalités repensées de la justice administrative

« Rempart de l’opprimé, terreur de l’oppresseur qui,

au moment où son bras va s’abattre,

s’arrête en entendant la voix redoutable du juge clamer :

Tu n’iras pas plus loin ! »[34].

Le temps est aujourd’hui au cœur de l’office du juge administratif[35]. Au temps long, le droit étant associé « à la permanence et à la stabilité des règles qu’il établit et perpétue »[36] et qui longtemps a aussi été celui du procès, s’ajoutent désormais d’autres temporalités, plus courtes et plus contingentes. Cette tension travaille en profondeur la juridiction administrative. De ce point de vue, la distinction que faisaient les Grecs entre chronos et kairos est sans doute utile[37]. Le chronos correspond au « temps linéaire, objectivé et mesurable », tandis que le kairos « suggère l’opportunité, le moment adéquat, l’occasion propice »[38]. Sur ces deux plans, la juridiction administrative a progressé.

Le chronos renvoie tout d’abord à la longueur du procès et à la notion de délai raisonnable de jugement. Le délai raisonnable de jugement, outre qu’il est un droit du justiciable, correspond pour le juge à une obligation dégagée, comme on le sait, par la Cour européenne des droits de l’homme, en s’appuyant sur l’article 6 de la convention, ainsi que par le Tribunal des conflits et le Conseil d’État, qui le rattachent à l’exigence de bonne administration de la justice et aux « principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives »[39]. Ce pan du droit est aujourd’hui bien stabilisé[40]. De manière plus générale, si la juridiction administrative a longtemps été critiquée pour sa lenteur, la situation est aujourd’hui très saine : en 2011, pour la première fois dans son histoire, le délai prévisible moyen de jugement a été inférieur à un an en première instance, en appel, comme devant le Conseil d’État. Certes, le délai moyen non plus prévisible, mais constaté, de jugement des affaires ordinaires, après retrait des affaires urgentes et des ordonnances, reste encore élevé devant les tribunaux administratifs, même s’il vient de franchir à la baisse la barre des deux ans (23 mois contre 31,5 en 2005) et même si la proportion des dossiers de plus de deux ans y baisse très fortement : elle était de 14 % au 31 décembre 2011, contre plus de 40 % dix ans plus tôt. Cette proportion des dossiers anciens est inférieure à 5 % devant les cours administratives d’appel et elle équivaut à 7 % devant le Conseil d’État, où le délai moyen constaté pour les affaires ordinaires s’élève respectivement à 14 et 17,5 mois.

Pour appréhender les différentes temporalités juridiques, il faut encore dissocier les voies de recours et les modes de traitement des requêtes en fonction de la nature de celles-ci ; en quelque sorte, on pourrait parler de « riposte graduée » ou, de manière plus pacifique, « d’effort ou de réponse proportionnés » à la diversité de la demande de justice. Cela relève du kairos plus que du chronos. Le moment du jugement adéquat n’est en effet pas le même selon la requête. L’introduction des référés par la loi du 30 juin 2000[41] a marqué à cet égard un tournant, inscrivant le juge administratif dans le temps de l’urgence et le rendant beaucoup plus apte à traiter de situations sociales critiques. Ainsi que le souligne le professeur Chapus, cette réforme était nécessaire, car l’action du juge administratif était limitée « par des régimes procéduraux ralentisseurs et tendant à faire obstacle au prononcé de mesures trop contraignantes pour l’administration »[42]. Il me semble que le bilan de la loi du 30 juin 2000 est très positif et, notamment, qu’il évite l’écueil, parfois ressenti devant le juge judiciaire, d’une justice d’urgence, trop souvent destinée à réprimer des petites infractions, qui pèse d’un poids très lourd sur le traitement des affaires ordinaires[43] et retarde excessivement leur traitement. Mais l’aptitude à l’effort proportionné se manifeste aussi, bien entendu, dans le traitement par ordonnance. Si cette procédure peut susciter des critiques, du fait par exemple de l’absence de débat contradictoire, elle ne constitue pas, telle qu’elle est conçue, une justice expéditive[44]. D’autres procédures, anciennes, comme la possibilité de dispense d’instruction, ou plus récentes, comme la dispense de conclusions, poursuivent un même but : en traitant plus rapidement, avec des moyens plus légers mais sans perdre en qualité, les requêtes les moins ardues, celles où la solution, soit s’impose d’emblée, soit ne soulève pas de difficulté de droit ou de fait, du temps est dégagé pour permettre de traiter plus pertinemment, et donc efficacement, les autres requêtes. A la croisée du kairos et du chronos, les réformes de l’instruction avec, notamment, la mise en place progressive des calendriers prévisionnels d’instruction et, par ailleurs, la possibilité de clore l’instruction avec un effet immédiat[45] ont aussi représenté des progrès importants pour maîtriser la durée du procès et permettre le règlement au moment opportun des affaires qui doivent être dénouées à une échéance déterminée.

Ces réformes ont fait entrer la juridiction administrative dans la modernité, en donnant au juge tous les pouvoirs qui s’attachent à la fonction qu’il exerce et en lui permettant d’intervenir en phase avec les différentes dimensions du temps juridique et social. Ces évolutions, relatives à l’office du juge, s’accompagnent en outre d’une transformation concernant la gestion du service public de la justice administrative.

III. L’efficacité du service public de la justice administrative

La critique managériale que j’ai évoquée consiste à souligner l’incompatibilité ou, à tout le moins, l’inadaptation des modes de gestion du service public qu’est la justice administrative avec les finalités poursuivies par celle-ci. Toutefois, la réalité de la juridiction administrative française est celle d’une croissance de la demande de justice qui impose une gestion rigoureuse des flux de requêtes : c’est à cette réalité qu’il a fallu et qu’il faut se confronter et c’est d’abord à cette aune que l’efficacité de la juridiction est appréciée. (1). Mais l’efficacité d’un service public se mesure également à la nature des relations qu’il entretient avec son environnement (2).

1. La justice administrative et la gestion des flux contentieux

Le premier problème de la juridiction administrative, en tant que service public, réside à cet égard dans l’augmentation continue du contentieux, qui se traduit par un simple chiffre : depuis une quarantaine d’années, le nombre de requêtes introduites augmente en moyenne de 6 % par an et il double donc presque tous les dix ans. En outre, la juridiction est confrontée depuis une vingtaine d’années à la massification de certains contentieux. Celle-ci résulte d’abord de l’accumulation de requêtes individuelles contre des décisions fondées sur une même interprétation de la loi : ce sont les contentieux sériels, qui font à l’heure actuelle l’objet d’un traitement par voie de jugement-pilote suivi d’ordonnances. Cette procédure est strictement encadrée par le code de justice administrative et ne peut être d’un usage trop large. Mais il serait sans doute possible d’améliorer ce traitement en introduisant la possibilité d’une action collective en droit administratif. Une telle procédure a été proposée au Gouvernement. Elle pourrait être prise en compte dans le cadre du projet de loi tendant à instaurer une action de groupe en droit de la consommation.

Plus inquiétant en termes de gestion et plus difficile à assumer est le processus d’accumulation de requêtes individuelles contre des décisions qui font application d’une même législation : le droit des étrangers d’abord, mais aussi le DALO ou le droit de conduire un véhicule automobile, par exemple. La question de la qualité apparaît centrale dans ces contentieux, car comment concilier le droit de voir sa cause entendue individuellement, complètement et rapidement avec des requêtes aussi nombreuses ? Cette question est légitime. Mais elle ne peut occulter la place considérable qu’occupent ces litiges : le contentieux des étrangers a en effet représenté, en 2011, 29,2 % des affaires enregistrées, soit une progression globale de 18,2 % et il a encore progressé de 40 % depuis le début de cette année, tandis que le contentieux du logement, avec une progression du DALO de 12,8 % en 2011, représente dorénavant 6,3 % du contentieux. En outre, si ces affaires sont parfois complexes[46], elles présentent à juger, dans la grande majorité des espèces, des questions de droit déjà tranchées et des questions de fait assez simples. Il est dès lors légitime de mettre en œuvre des moyens adaptés à la difficulté des litiges à traiter, en particulier lorsque les juges ont une réelle prise sur ceux-ci : décision d’instruire ou de ne pas instruire, de renvoyer l’affaire en formation collégiale ou non, de présenter des conclusions orales ou d’y renoncer… Cette confiance placée dans les juges se traduit aussi par la possibilité ouverte au président de la formation de jugement de déléguer au rapporteur certains pouvoirs d’instruction[47].

La gestion des ressources de la justice administrative en réponse à la pression contentieuse impose également, pour satisfaire une recherche de plus grande efficacité, une redistribution des compétences au sein d’un ordre de juridiction organisé de manière cohérente. La création des cours administratives d’appel par la loi du 31 décembre 1987 a donné le coup d’envoi d’une vaste réorganisation, dont les effets ont été très bénéfiques. Les réformes récentes tendent à recentrer le rôle du Conseil d’État sur la cassation[48] et, tout récemment, la possibilité ouverte aux cours d’appel de statuer en premier et dernier ressort ouvre de nouvelles possibilités d’ajustement dans la répartition des contentieux[49]. Les efforts budgétaires consentis durant les dernières années, tant pour la création de nouvelles juridictions qu’en ce qui concerne l’effectif des magistrats, ont également contribué à renforcer l’efficacité de la juridiction administrative.

Toutefois, et quelles que soient les organisations retenues, le constat reste que le contentieux augmente de manière constante, tandis que les moyens additionnels octroyés à la justice ne pourront, dans les prochaines années et dans le meilleur des cas, qu’être restreints. En outre, il n’est pas envisageable d’alourdir la charge de travail, surtout en première instance, sous peine de détériorer non seulement les conditions de travail des magistrats et des agents de greffe, mais également la qualité intrinsèque de la justice rendue au-delà des seuls indicateurs de délai. Ce dernier objectif, qui vise à maintenir la sécurité et la solidité juridiques des décisions rendues, ne saurait être sacrifié. Il se trouve au centre des réflexions actuelles sur le tracé de la ligne de partage entre le contentieux justiciable d’un appel et celui qui peut être tranché en premier et dernier ressort par les tribunaux, de même qu’entre les compétences du juge unique et celles des formations collégiales. Mais à plus long terme, c’est surtout sur la prévention du contentieux qu’il convient de mettre l’accent, en particulier par le développement des recours administratifs préalables obligatoires, et il faut se féliciter à cet égard de l’expérimentation récemment lancée en matière de fonction publique d’État[50], tout en regrettant la modestie de ce progrès. Il faut aussi développer de manière plus générale les modes alternatifs de règlement des litiges et ne pas hésiter à poser la question de l’accès direct, général et indifférencié au juge et des limites légitimes qui pourraient lui être apportées, sinon en première instance, du moins en appel.

La gestion des flux contentieux pose donc, avec une grande acuité, la question de l’efficacité de la juridiction administrative, c’est-à-dire de l’équilibre qu’il convient de trouver entre l’importance quantitative des contentieux, la difficulté de ceux-ci et l’exigence de qualité des décisions, mesurée à l’aune de critères qui ne sauraient se réduire aux seules questions, pourtant essentielles, de délais et de stocks d’affaires en instance. La voie empruntée par la juridiction administrative ces deux dernières décennies, et qu’elle continuera à suivre, consiste à adapter la réponse qu’elle apporte en termes de procédure de jugement à ces différents paramètres, sans rien sacrifier de l’exigence de qualité de la décision ou, en tout cas, en maintenant un haut niveau de qualité. En d’autres termes, ce qui est recherché, c’est la bonne administration d’une justice de qualité.

2. La juridiction administrative en prise avec son environnement

Enfin, il convient de souligner que la juridiction administrative s’inscrit de mieux en mieux dans son environnement. Elle participe ainsi pleinement au dialogue des juges qui, outre sa dimension européenne, s’est considérablement renforcé avec l’institution en France de la question prioritaire de constitutionnalité. Certaines réformes ont également eu un impact pratique très important en promouvant les échanges avec les parties, comme l’information donnée avant l’audience sur le sens des conclusions du rapporteur public ou l’inversion de l’ordre des prises de parole à l’audience, le rapporteur public s’exprimant avant les parties devant les juridictions du fond et les parties pouvant reprendre la parole après ses conclusions devant le Conseil d’État. Cette réforme s’est inscrite dans une stratégie délibérée de développement de l’oralité, dans les procédures d’urgence comme dans les affaires jugées au fond, ce qui est un facteur de meilleure compréhension par le juge et les parties des enjeux, conclusions et moyens développés au cours du procès et, par conséquent, une source de qualité accrue et, parfois même, de catharsis pour les parties.

Cette dimension juridique se double d’une dimension sociale. La juridiction administrative s’inscrit dans des lieux renouvelés, comme en témoignent des réussites immobilières récentes, et elle a engagé un vaste plan en faveur de l’accessibilité de ses bâtiments à toute personne. Elle est également attentive aux développements des technologies de l’information et à ce que celles-ci sont susceptibles d’apporter. C’est le cas avec les téléprocédures entre juridictions et parties, qui seront généralisées dans le courant de 2013, mais également avec le travail dématérialisé au sein des juridictions, qui doit se développer sur une base volontaire. En outre, l’adoption d’une charte de déontologie et la création d’un collège de déontologie dont les avis et recommandations sont rendus publics ne peut que renforcer la confiance du public dans l’indépendance et l’impartialité des juges et la prévention des conflits d’intérêts dans l’institution.

Enfin, ce sera ma dernière remarque, la question de la rédaction de nos décisions apparaît primordiale. Revenu en France en 1979, le Huron s’exclamait : « Je crains, je vous l’avoue, que la générosité [de votre Conseil] le conduise à prêter aux autres, aux destinataires de ses sentences, la subtilité qui lui appartient en propre. Vous l’avouerai-je ? », continuait le Huron, « il m’arrive, en dépit de ma relative familiarité avec son langage que je crois avoir acquise au prix de longues veilles, de demeurer encore perplexe sur l’exacte signification qu’il convient de donner aux mots choisis par lui »[51]. Le style de nos décisions est notre langage : il constitue notre principal vecteur de communication et de dialogue avec nos concitoyens, les justiciables, la communauté juridique et la société en son entier. Nos décisions sont aujourd’hui assurément moins absconses et laconiques qu’elles n’ont parfois pu l’être[52]. Elles sont plus longues, plus motivées et plus explicites. Les décisions de principe prennent même parfois l’allure, non bien entendu d’arrêts de règlement, mais d’exposés pédagogiques et didactiques, voire de petits traités doctrinaux. Cependant, il n’en demeure pas moins que, ainsi que le propose le rapport du groupe de travail présidé par Philippe Martin, certaines évolutions pourraient améliorer encore la lisibilité, l’intelligibilité, la clarté de ces décisions. Bref, l’efficacité de la juridiction administrative peut aussi encore progresser sous cet aspect.

 

Le Huron, toujours assis au pied de son hêtre pourpre, « dont une feuille, parfois, détachée par le vent, venait se poser sur son épaule comme l’amorce d’un épitoge rouge »[53], est, je l’ai dit, âgé, peut-être même est-il décédé, et, en tout cas, il ne peut plus voyager. Il a certes entendu des échos, des rumeurs des avancées que j’ai relatées parvenir jusqu’à lui – et ce d’autant plus que, depuis que le wifi existe, il peut en principe de son wigwam se rendre régulièrement sur notre site internet. Mais il a surtout été ravi des nouvelles précises et documentées que lui ont rapportées ses disciples, tous abonnés aux revues juridiques – et donc lecteurs du numéro d’une revue consacrée cette semaine aux « mutations de la juridiction administrative » –, tous « followers » de la direction de la communication et de ses tweets, tous fidèles participants de la conférence biennale des présidents de la juridiction administrative. Mais, sachez-le, le Huron n’a pas renoncé à son esprit critique, ni à ses malicieux et salutaires questionnements. Il a ainsi pour projet de prendre part au débat sur la critique managériale, qu’il est bien conscient d’avoir lui-même provoquée en partie en demandant au juge administratif de décupler ses efforts. Il nous invite donc, dans sa grande sagesse, à rester vigilant pour sauvegarder l’efficacité de la juridiction administrative, en veillant à ne se laisser déborder ni par le management juridictionnel, ni par une vision irénique d’une justice détachée des contingences matérielles. Il nous invite, il nous exhorte même à tenir d’une main ferme la barre d’une juridiction qui conjugue le respect exigeant des principes du procès équitable, c’est-à-dire d’objectifs essentiellement qualitatifs, avec le respect d’impératifs plus quantitatifs de délai et d’efficience. C’est tout l’intérêt de cette conférence, que je vous remercie très sincèrement d’avoir organisée, de nous aider à progresser dans cette vigilance et à cultiver cette conciliation. Entre la gestion et la qualité de la justice, nous ne devons pas choisir un terme contre l’autre. Nous devons les conjuguer et les harmoniser. C’est à cela que nous devons nous attacher dans la réflexion sur l’enjeu majeur que constitue l’efficacité de la justice.

[1] Texte écrit en collaboration avec M. Olivier Fuchs, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’État.

[2] Voir notamment M.-L. Cavrois, H. Dalle, J.-P. Jean, La qualité de la justice, Paris, La documentation française, 2002 ; M. Fabri, J.-P. Jean, P. Langbroek, M. Pauliat, L’administration de la justice en Europe et l’évaluation de sa qualité, Paris, Montchrestien, 2005 ; B. Frydman, E. Jeuland, Le nouveau management de la justice et l’indépendance des juges, Paris, Dalloz, 2011. Voir également les travaux de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice.

[3] J.-P. Costa, « L’effectivité de la justice administrative en France », Deuxième centenaire du Conseil d’État, Revue administrative, p. 132.

[4] C. Vigour, « Justice : l’introduction d’une rationalité managériale comme euphémisation des enjeux politiques », Droit et Société, 2006, n° 63-64, p. 426-427.

[5] J. Rivero, « Le Huron au Palais-Royal », D., 1962, chron. 39, p. 7.

[6] Le modèle du procès équitable incorpore évidemment l’exécution pleine et entière des décisions de justice, leur effectivité. La justice agit sur le réel, elle la transforme, n’en déplaise à ces contempteurs…

[7] J. Chevallier, L’État post-moderne, Paris, LGDJ, Droit et Société, 2ème éd., 2004, p. 70-73.

[8] Voir notamment J. Caillosse, « Le droit administratif contre la performance publique ? », AJDA, 1999, p. 195 ; J. Caillosse, « Les figures croisées du juriste et du manager dans la politique française de réforme de l’État », Revue française d’administration publique, 2003, n° 1, p. 121 ; J. Chevallier, op. cit. ; J. Chevallier et D. Lochak, « Rationalité juridique et rationalité managériale », Revue française d’administration publique, 1982, n° 1, p. 53.

[9] J. Caillosse, « Les figures croisées du juriste et du manager dans la politique française de réforme de l’État », Revue française d’administration publique, 2003, n° 1, p. 133.

[10] Le quatrième objectif est relatif à l’efficacité du travail consultatif.

[11] Ou l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[12] Que celles-ci soient judiciaires ou administratives. Voir par exemple C. Vigour, op. cit. ; H. Pauliat, « Justice, performance et qualité », in Mélanges en l’honneur de Jean-François Lachaume, Paris, Dalloz, 2007, p. 823 ; E. Costa, « Des chiffres sans les lettres. La dérive managériale de la juridiction administrative », AJDA, 2010, p. 1623.

[13] P. Martens, « Préface », in B. Frydman et E. Jeuland, op. cit., p. 1 et 2.

[14] CEDH, gde ch., 16 novembre 2010, Taxquet c. Belgique, n° 926/05.

[15] J. Rivero, « Le Huron au Palais-Royal », op. cit., p. 7.

[16]Ibid.

[17] J. Rivero, « Nouveaux propos naïfs d’un Huron sur le contentieux administratif », EDCE, 1979, p. 27.

[18] J. Rivero, « Le Huron au Palais-Royal », op. cit., p. 7.

[19] Ceci a été admirablement montré par Prosper Weil dans sa thèse (Les conséquences de l’annulation d’un acte administratif pour excès de pouvoir, Paris, Jouve et Compagnie éd., 1952).

[20] Pour une synthèse fort documentée de celles-ci, voir F. Blanco, Pouvoirs du juge et contentieux administratif de la légalité, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2010, p. 271-306.

[21] CE, sect., 3 décembre 2003, Préfet de la Seine-Maritime c. M. El Bahi, Rec. p. 480.

[22] CE, sect., 6 février 2004, Mme Hallal, Rec. p. 48.

[23] CE, ass., 29 juin 2001, Vassilikiotis, n° 213229, Rec. p. 303. Pour une application plus récente, voir par exemple CE, 3 décembre 2010, Société SMP technologie et association de tireurs et autres, n° 332540, Rec. p. 615.

[24] CE, 27 juillet 2001, Titran, n° 222509, Rec. p. 411. Pour une application plus récente, voir par exemple CE, 19 juillet 2010, M. Fristot et Mme Charpy, n° 334014, Rec. p. 777.

[25] Voir à cet égard J.-M. Sauvé, « La motivation des sanctions administratives », intervention prononcée à Amiens le 10 février 2012, disponible sur http://www.conseil-État.fr/fr/discours-et-interventions/la-motivation-des-sanctions-prononc.html; J. Martinez-Mehlinger, « Vers l’« atomisation » du recours pour excès de pouvoir dans le contentieux des sanctions administratives », RFDA, 2012, p. 257.

[26] Loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public.

[27] Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

[28] F. Moderne, « Sur le nouveau pouvoir d’injonction du juge administratif », RFDA, 1996, p. 43.

[29] J. Arrighi de Casanova, « Les habits neufs du juge administratif », in Mélanges Daniel Labetoulle, Paris, Dalloz, 2007, p. 11.

[30] Conseil d’État, Rapport public 2012, La Documentation Française, p. 116-118.

[31] Depuis CE, ass., 11 mai 2004, Association AC ! et autres, n° 255886, Rec. p. 197.

[32] Depuis CE, ass., 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n°291545, Rec. p. 360. « Eu égard à l’impératif de sécurité juridique tenant à ce qu’il ne soit pas porté une atteinte excessive aux relations contractuelles en cours et sous réserve des exigences relatives au droit au recours, le Conseil d’État décide que le recours ne pourra être exercé qu’à l’encontre des contrats dont la procédure de passation a été engagée postérieurement à la date de sa décision ».

[33] Par exemple CE, ass., 28 décembre 2009, Commune de Béziers, n° 304802, Rec. p. 509. « Lorsqu’une partie saisit le juge du contrat d'un recours de plein contentieux pour en contester la validité, il revient à ce juge de vérifier que les irrégularités dont se prévaut cette partie sont de celles qu'elle peut, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. S’il constate une irrégularité, après avoir apprécié la nature de l’irrégularité et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, il peut soit décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ». Cette jurisprudence prolonge celle résultant notamment de l’arrêt Société Tropic Travaux Signalisation précité (note 32) qui définit longuement et précisément l’étendue des pouvoirs du juge lorsqu’il constate, sur requête d’un tiers au contrat, l’existence de vices entachant la validité de ce contrat. Elle s’est poursuivie avec l’arrêt de section du 21 mars 2011 Commune de Béziers qui traite des pouvoirs du juge lorsqu’est contestée par une partie la résiliation d’un contrat.

[34] J. Rivero, « Le Huron au Palais-Royal », op. cit., p. 7.

[35] M. Vialettes, A. Courrèges et A. Robineau-Israël, « Les temps de la justice administrative », in Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Paris, Dalloz, 2007, p. 833 ; D. Connil, Le juge administratif et le temps, Paris, Dalloz, 2012.

[36] M. Bessin, « La temporalité de la pratique judiciaire : un point de vue sociologique », Droit et Société, 1998, n° 39, p. 335.

[37] Distinction faite par M. Bessin, op. cit., p. 335.

[38]Ibid.

[39] TC, 17 octobre 2011, Préfet de la région Bretagne, préfet d’Ille-et-Vilaine, SCEA du Chéneau et autre, c. INAPORC n° 3824, à paraître au Receuil ; CE, ass., 28 juin 2002, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice c. Magiera, Rec. p. 427.

[40] D. Connil, op. cit., p. 162-175.

[41] Loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives.

[42] R. Chapus, Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 2008, 13 éd., p. 1356.

[43] C’est le constat que dresse par exemple Jean-Paul Jean, qui souligne « le contraste, parfois difficilement supportable, entre d’une part, une justice rapide, voire une justice de l’urgence – du « temps réel » comme on dit en France – justice qui fonctionne sauf, trop souvent, au niveau de sa phase d’exécution et, d’autre part, une justice très lente, avec des délais d’audiencement ou de jugement inacceptables » (« De quelques principes directeurs pour faire progresser le débat sur l’évaluation et la qualité de la justice auprès des professionnels de la justice », in M. Fabri et a., op. cit., p. 407).

[44] D. Bonmati, « La réorganisation du travail juridictionnel et la multiplication du traitement des affaires par ordonnance », in M. Paillet (dir.), La modernisation de la justice administrative en France, Bruxelles, Larcier, p. 69.

[45] Décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives.

[46] Auquel cas il convient d’accorder à l’espèce toute l’attention nécessaire. Ainsi, alors que des débats intenses animaient la communauté des juristes sur l’applicabilité ou non de certaines dispositions de la directive de l’Union européenne dite « Retour », le magistrat du tribunal administratif de Montreuil, délégué pour statuer sur l’éloignement, a décidé de renvoyer l’affaire à juger en formation collégiale, suscitant en premier lieu un dialogue interne à la juridiction. La formation collégiale a à son tour choisi de consulter le Conseil d’État sur cette question de droit, dans le cadre de la procédure de demande d'avis prévue à l’article L.113-1 du code de justice administrative. Le Conseil s’est abstenu de son côté de saisir la Cour de justice de l’Union européenne par son avis n° 345979 (M. Jin et M. Thiero) du 21 mars 2011 et il s’est prononcé sur l'application de la directive en cause.

[47] Depuis le décret n° 2010-164 du 22 février 2010.

[48] Voir récemment le décret n° 2010-164 précité.

[49] Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

[50] Par le décret n° 2012-765 du 10 mai 2012.

[51] J. Rivero, « Nouveaux propos naïfs d’un Huron sur le contentieux administratif », op. cit., p. 29.

[52] En témoignent certains arrêts ; ainsi des décisions Association AC ! et autres et Société Tropic Travaux Signalisation précitées.

[53] J. Rivero, op. cit., p. 7.