L’éducation, carrefour des valeurs républicaines

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Égalité des chances, accès à l’enseignement pour tous et toutes, laïcité : ces grands principes, inscrits dans notre Constitution et nos lois, visent à garantir un système éducatif égalitaire et inclusif. Par trois décisions rendues en 2024, le Conseil d’État a jugé que ces règles étaient respectées dans les cas qui lui étaient soumis.

Les « groupes de besoins » respectent le principe d’égalité entre les collégiens

En 2023, l’enquête du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) révèle une baisse historique du niveau des élèves français en mathématiques et en compréhension de l’écrit. Pour y remédier, la ministre de l’Éducation nationale décide d’organiser l’enseignement au collège du français et des mathématiques par groupes, constitués par les professeurs selon les besoins des élèves. L’objectif est de garantir à chacun un enseignement adapté à ses acquis. Les élèves les plus en difficulté peuvent ainsi travailler en effectifs réduits et bénéficier d’heures de soutien supplémentaires. De plus, la composition de ces « groupes de besoins » peut évoluer en cours d’année, en fonction de la progression de chacun.

Un collège à plusieurs vitesses ?

Dans un arrêté du 15 mars 2024, la ministre pré- voit d’appliquer cette mesure dès septembre 2024 pour les classes de sixième et de cinquième, puis de l’étendre aux quatrièmes et troisièmes à la rentrée suivante, en septembre 2025. Mais certains syndicats et fédérations de parents d’élèves demandent la suspension de cet arrêté. Ils estiment que cette organisation en « groupes de besoins » est inégalitaire. En encourageant une forme de hiérarchisation parmi les élèves, elle créerait un collège à plusieurs vitesses, en contradiction avec le principe du collège unique institué par la loi Haby de 1975 et inscrit à l’article L.332-3 du code de l’éducation.

Un enseignement identique pour tous

Démocratiser et ouvrir l’enseignement secondaire à l’ensemble des enfants d’une classe d’âge sans distinction : c’est l’idée qui a présidé à la création du collège unique. En effet, la loi Haby prévoit que « les collèges dispensent un enseignement commun » aux élèves.

La règle d’un enseignement commun pour tous les élèves au collège […] ne fait pas obstacle à ce que puissent être mis en œuvre des aménagements de l’enseignement […] en faveur des élèves éprouvant des difficultés (Décision 28 novembre 2024).

Mais le Conseil d’État juge que la mise en place de « groupes de besoins » n’est pas incompatible avec ce principe. Proposer un accompagnement différencié selon les besoins des élèves ne modifie pas les programmes de français et de mathématiques, ni les volumes horaires attribués à ces matières. Le socle commun et les attendus en matière de connaissances, de compétences et de culture restent les mêmes pour tous les collégiens.

Une organisation maintenue pour l’année en cours

Le Conseil d’État en prononce toutefois l’annulation car il constate que cet arrêté excède la compétence de la ministre. En effet, le Parlement a donné au Premier ministre, et à lui seul, la compétence de modifier l’organisation de l’enseignement au collège. Pour ne pas perturber l’organisation des enseignements en cours d’année, le Conseil d’État précise que la mise en œuvre des groupes de besoins reste en vigueur jusqu’à la fin de l’année scolaire 2024-2025. Si le Gouvernement souhaite poursuivre les « groupes de besoins » à la rentrée suivante, il revient donc au Premier ministre de publier un décret. Celui-ci est finalement pris le 4 avril 2025.

 

Accès au master 2 : quand est-il garanti ?

Plus de 150 000 étudiants s’inscrivent chaque année en première année de master (M1) pour suivre un cursus spécialisé avant l’entrée dans la vie professionnelle. Les études en master s’étendent sur deux années : une fois leur M1 validé, les étudiants s’inscrivent en deuxième année (M2). Mais cet accès en M2 est-il systématiquement garanti ? Une université peut-elle refuser l’accès d’un étudiant qui a validé sa première année de master ? En 2024, le Conseil d’État précise l’interprétation des règles.

L’accès en M2 garanti pour les étudiants du même établissement

En octobre 2020, une étudiante ayant validé sa première année de master à l’université de Nice Sophia-Antipolis s’est vu refuser l’admission en deuxième année à l’Institut d’enseignement à distance (IED) de l’université Paris 8. Après avoir saisi le tribunal administratif de Montreuil puis la cour administrative d’appel de Paris, elle dépose un recours devant le Conseil d’État.

Le juge précise alors que, compte tenu de l’organisation en cycles des études universitaires – licence, master, doctorat – et selon la loi du 23 décembre 2016, les étudiants ayant validé une première année de master ont accès, de droit, à la deuxième année au sein du même établissement. En revanche, il juge que si les capacités d’accueil de la formation sont limitées, les universités peuvent refuser les étudiants qui ont effectué leur M1 dans un autre établissement.

 

L’interdiction de l’abaya dans les collèges et lycées publics est conforme à la loi

Ces dernières années, les chefs d’établissement de l’enseignement secondaire public ont demandé à l’État des consignes claires concernant le port de l’abaya ou du qamis – un vêtement long couvrant l’ensemble du corps à l’exception du visage et des mains – par certains de leurs élèves. Cette tenue est-elle compatible avec la loi interdisant le port de tenue manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans les établissements scolaires publics ?

Prendre en compte le comportement des élèves

Lors de la rentrée de septembre 2023, le ministre de l’Éducation nationale diffuse une note aux chefs d’établissement, qui affirme que le port de l’abaya ou du qamis manifeste ostensiblement une appartenance religieuse et qu’il est donc interdit dans les écoles, collèges et lycées publics. Un dialogue doit être engagé avec l’élève qui porte ce vêtement et s’il refuse de le retirer au sein de l’établissement, une procédure disciplinaire doit être engagée.

4 710 signalements pour atteinte à la laïcité en 2022-23

Saisi en référé par des associations, le Conseil d’État décide de ne pas suspendre la mesure. En septembre 2024, il se prononce sur le fond et confirme que l’interdiction est conforme au droit. En effet, la loi du 15 mars 2004 interdit « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » dans les établissements scolaires publics. Le caractère ostensible peut ainsi résulter des tenues elles-mêmes, mais aussi du comportement de l’élève.

Une logique d’affirmation religieuse

Au cours de son instruction, le Conseil d’État examine, au vu des éléments qui lui ont été communiqués, la situation dans les établissements scolaires ainsi que le comportement des élèves. Durant l’année scolaire 2022-2023, les signalements d’atteinte à la laïcité provenant des chefs d’établissement ont nettement augmenté : 4 710 signalements ont été effectués auprès des rectorats, deux fois plus que les années précédentes. Parmi ces signalements, 1 984 étaient liés au port de signes ou de tenues susceptibles d’être visés par la loi de 2004, majoritairement des abayas. Par ailleurs, le dialogue entre les établissements et les élèves fait état d’un discours stéréotypé, inspiré d’argumentaires diffusés sur les réseaux sociaux, élaborés pour contourner l’interdiction inscrite dans la loi. Compte tenu du comportement des élèves portant ces tenues dans une logique d’affirmation religieuse, le Conseil d’État juge que le port de l’abaya manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, ce qu’interdit la loi de 2004.