Pouvoir contester toutes les actions de l’administration

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Comment préserver l’État de droit face aux évolutions rapides de l’action publique ? Le Conseil d’État adapte de manière continue son contrôle de l’administration à l’évolution de ses modes d’action, maintenant la possibilité de contestation des citoyens.

Avec un recours de plus en plus fréquent aux ordonnances par le Gouvernement et une action publique qui ne s’appuie plus seulement sur des normes contraignantes pour orienter nos comportements, les conditions de recours et le contrôle de l’administration doivent s’adapter. Dans plusieurs décisions de justice rendues en 2020, le Conseil d’État garantit que ces évolutions de l’action publique n’entraînent pas de recul de l’État de droit.

Maintenir le contrôle des ordonnances

À l’été 2020, le Conseil constitutionnel prend une décision inédite : les ordonnances du Gouvernement non ratifiées par le Parlement pourront être contrôlées par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité. Cela signifie-t-il que ces ordonnances qui n’ont pas reçu l’aval des députés et sénateurs ne pourront plus être contestées devant le Conseil d’État comme les autres actes de l’Exécutif ? Saisi d’un recours contre une ordonnance relative aux RTT durant le confinement, le Conseil d’État prend acte de la décision du Conseil constitutionnel et adopte une nouvelle politique de contrôle. Son objectif ? Que ce revirement de jurisprudence ne prive pas les citoyens d’une possibilité de contester les actes de l’Exécutif et ne fasse pas reculer l’État de droit.

Tant qu’une ordonnance n’aura pas été ratifiée par le Parlement, elle pourra ainsi toujours être contestée devant le Conseil d’État. Hormis la conformité de l’ordonnance aux droits et libertés garantis par la Constitution, qui devra être jugée par le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État continuera de contrôler sa légalité sur tous les autres points : conformité aux autres règles et principes de valeur constitutionnelle, aux engagements internationaux de la France, au droit français ou aux limites fixées par le Parlement dans la loi d’habilitation.

Le « droit souple » : élargir les possibilités de recours

L’action de l’administration passe désormais aussi par d’autres textes que les lois, décrets et arrêtés. Dans sa décision du 12 juin 2020, le Conseil d’État est clair : si un document de l’administration (circulaire, instruction, recommandation, note, interprétation du droit…) a un impact réel sur les droits et situations des citoyens, il doit pouvoir être contesté devant le juge administratif, peu importe sa forme. Ces documents relèvent de ce qu’on appelle le « droit souple ».

Cette décision a été prise par le Conseil d’État en réponse à une requête du Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s (Gisti). L’association lui demandait d’annuler une note d’actualité rédigée par la police aux frontières qui encourageait les agents à formuler un avis défavorable sur la validité des actes de naissance guinéens dans le cadre de procédures d’immigration. Dans sa décision, le Conseil d’État reconnaît la recevabilité du recours sur la forme, mais rejette la demande sur le fond, car la note n’interdit pas aux autorités administratives d’émettre un avis favorable.

> Interview C. Chantepy 
> DÉCISION  n° 440258, « Contrôle des ordonnances avant leur ratification par le Parlement »
> DÉCISION  n° 418142, « Droit souple : droit d’attaquer un document interne à l’administration lorsqu’il est susceptible d’avoir des effets sur des administrés »
> Lire « Mieux conduire les politiques publiques » dans le bilan annuel 2020 , pages 74-79