Anonymat des donneurs de gamètes

Décision de justice
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Le Conseil d’État confirme que la règle de l’anonymat des donneurs de gamètes n’est pas incompatible avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).

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Une personne conçue au moyen d’un don de gamètes avait demandé aux structures hospitalières concernées de lui communiquer des documents et informations concernant le donneur de gamètes à l'origine de sa conception. Devant leur refus, elle avait porté l’affaire devant le tribunal administratif de Montreuil, puis devant la cour administrative d’appel de Versailles, qui avaient tous deux rejeté ses demandes. Elle a alors formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.
Dans la décision qu’il a rendue aujourd’hui, le Conseil d’État se prononce principalement sur la compatibilité entre les dispositions législatives (inscrites dans le code de la santé publique, le code civil et le code pénal) sur le fondement desquelles l’accès à ces données avait été refusé et la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), notamment son article 8, qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale.
S’agissant de l’accès aux données permettant d’identifier l’auteur d’un don de gamètes, le Conseil d’État a relevé que la règle de l’anonymat du donneur de gamètes répond à l’objectif de préservation de la vie privée du donneur et de sa famille. Il a estimé que, même si la règle de l’anonymat s’oppose à la satisfaction de certaines demandes d’information de la part de la personne conçue à partir du don de gamète, elle n’implique par elle-même aucune atteinte à la vie privée et familiale de cette personne, d’autant qu’il appartient aux seuls parents de décider de lever ou non le secret sur la conception de cette dernière. Le Conseil d’État en conclut que le législateur, en fixant la règle de l’anonymat du donneur de gamètes, n’a pas outrepassé la marge d’appréciation dont il dispose en vue d’assurer un juste équilibre entre les différents intérêts en présence, à savoir ceux du donneur et de sa famille, du couple receveur, de l’enfant issu du don de gamètes et de la famille de l’enfant ainsi conçu. Cette règle n’est donc pas incompatible avec l’article 8 de la CEDH. Le Conseil d’État reprend, ce faisant, le raisonnement qu’il avait déjà adopté il y a deux ans (CE, avis, 13 juin 2013, n°362981).
S’agissant de l’accès aux données dites « non identifiantes » de nature médicale, le Conseil d’État juge également, comme dans ce précédent, que la conciliation opérée par le législateur entre les intérêts en cause relève de la marge d'appréciation que l’article 8 de la CEDH réserve au législateur national, après avoir relevé qu’il existe des exceptions strictement encadrées par la loi à la règle d’interdiction de communiquer des informations relatives au donneur et au receveur de gamète. Mais il le fait en précisant, compte tenu de l’argumentation dont il était saisi dans la présente affaire, que les dispositions permettant à un médecin d’accéder à ces données, en cas de nécessité thérapeutique, ne font pas obstacle à ce que de telles informations soient ainsi obtenues à des fins de prévention, en particulier dans le cas d’un couple de personnes issues l’une et l’autre de dons de gamètes qui souhaiteraient s’assurer qu’elles n’ont pas pour origine le même donneur. Le Conseil d’État a toutefois relevé qu’en l’espèce, la décision contestée devant la juridiction administrative rejetait une demande d’accès que la requérante avait présentée directement et non par l’intermédiaire d’un médecin, ce qui ne permettait pas de lui donner satisfaction.
 
Le Conseil d’État, refusant également d’accueillir les autres critiques de la requérante, rejette donc le pourvoi dont il était saisi.