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Ariane Web: CAA NANTES 17NT01376, lecture du 14 décembre 2018

Décision n° 17NT01376
14 décembre 2018
CAA de NANTES

N° 17NT01376

2ème chambre
M. PEREZ, président
Mme Karima BOUGRINE, rapporteur
M. DERLANGE, rapporteur public
LE PASTEUR, avocats


Lecture du vendredi 14 décembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 10 juin 2015 par laquelle le président du conseil départemental du Calvados a refusé de lui délivrer un arrêté d'alignement individuel.
Par un jugement n° 1501518 du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision et enjoint au département du Calvados de délivrer à Mme B...un arrêté d'alignement individuel.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2017, le département du Calvados, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 16 mars 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) de mettre à la charge de Mme B...une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la voie verte ne constitue pas une dépendance du domaine public routier, tel qu'il est défini aux articles L. 111-1 du code de la voirie routière et L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques dès lors qu'elle n'est pas ouverte à la circulation générale ; en conséquence, aucun arrêté d'alignement individuel ne peut être délivré sur le fondement de l'article L. 111-2 du code de la voirie routière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2018, MmeB..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du département d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que le moyen soulevé par le département du Calvados n'est pas fondé.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la route ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.




Considérant ce qui suit :

1. Mme B...est propriétaire de parcelles d'herbages sur le territoire des anciennes communes de Sainte-Foy-de-Montgommery et de la Brévière, devenues le 1er janvier 2016 communes déléguées au sein de la commune nouvelle de Val-de-Vie (Calvados). Ces terrains sont situés de part et d'autre de parcelles appartenant au département du Calvados et constituant le terrain d'assiette d'une ancienne voie ferrée désaffectée et aménagée en voie verte. Par une décision du 10 juin 2015, le président du conseil départemental du Calvados a refusé de délivrer à Mme B... un arrêté d'alignement individuel. Le département du Calvados relève appel du jugement du 16 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé cette décision.

Sur la légalité de la décision contestée :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. ". L'article L. 112-3 du même code dispose : " L'alignement individuel est délivré par le représentant de l'Etat dans le département, le président du conseil départemental ou le maire, selon qu'il s'agit d'une route nationale, d'une route départementale ou d'une voie communale. / (...) ". Aux termes de l'article L. 112-4 de ce code : " L'alignement individuel ne peut être refusé au propriétaire qui en fait la demande. ".

3. Aux termes de l'article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1 et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées. ". Le premier alinéa de l'article L. 111-1 du code de la voirie routière dispose : " Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens du domaine public de l'Etat, des départements et des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées. ".

4. En vertu de l'article R. 110-2 du code de la route, une voie verte est une route exclusivement réservée à la circulation des véhicules non motorisés, des piétons et des cavaliers.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le président du conseil départemental du Calvados a, par la décision en litige du 10 juin 2015, refusé la délivrance à Mme B...d'un arrêté d'alignement individuel au motif que la voie verte bordant les parcelles de l'intéressée n'était " pas affectée à la circulation générale puisque la circulation des véhicules à moteur y est interdite par la loi. ". Il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques et de l'article L. 111-1 du code de la voirie routière que si l'appartenance d'une parcelle au domaine public routier est subordonnée à une affectation aux besoins de la circulation terrestre, aucune disposition ni aucun principe n'implique que celle-ci soit propre à la circulation de véhicules motorisés. Dès lors, le président du conseil départemental du Calvados ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, se fonder sur ce motif pour estimer que la voie considérée ne relevait pas du domaine public routier et ainsi refuser de délivrer à Mme B... un arrêté d'alignement individuel. D'autre part, le département n'apporte aucun élément de nature à démontrer que, en l'espèce, la voie verte litigieuse, eu égard à ses caractéristiques et son usage, serait affectée non à la circulation terrestre mais à la promenade publique.

6. Il résulte de ce qui précède que le département du Calvados n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du président du conseil départemental du 10 juin 2015.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le département au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Mme B... de la somme de 500 euros au titre des frais de même nature qu'elle a supportés.

D E C I D E :


Article 1er : La requête du département du Calvados est rejetée.

Article 2 : Le département du Calvados versera à Mme B...la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département du Calvados et à Mme C...B....



Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président assesseur,
- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.



Le rapporteur,





K. BOUGRINE



Le président,





A. PEREZLe greffier,





K. BOURON

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17NT01376


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