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Ariane Web: CAA MARSEILLE 19MA00260, lecture du 29 juin 2021

Décision n° 19MA00260
29 juin 2021
CAA de MARSEILLE

N° 19MA00260

9ème chambre
M. CHAZAN, président
M. Raphaël MOURET, rapporteur
M. ROUX, rapporteur public
SELARL VALETTE-BERTHELSEN, avocats


Lecture du mardi 29 juin 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

1° La société civile immobilière (SCI) du Bout du Gail et M. et Mme G... et Hélène F... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 14 mars 2016 par lequel le maire de Montferrier-sur-Lez ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de division parcellaire déposée par M. C... B..., ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

2° La SCI du Bout du Gail et M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 13 février 2017 par lequel le maire de Montferrier-sur-Lez ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de division parcellaire déposée par M. B..., ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

3° La SCI du Bout du Gail et M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 mai 2017 par lequel le maire de Montferrier-sur-Lez a délivré un permis de construire à M. B... en vue de l'édification d'une maison individuelle.

Par un jugement nos 1604222, 1702648, 1801389 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier, après avoir joint ces trois demandes, a annulé l'arrêté du maire de Montferrier-sur-Lez du 14 mars 2016 et a rejeté le surplus des conclusions des intéressés.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 janvier et 20 août 2019, la SCI du Bout du Gail et M. et Mme F..., représentés par la SELARL H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 décembre 2018 en tant seulement qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Montferrier-sur-Lez du 13 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2017 par lequel le maire de Montferrier-sur-Lez ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de division parcellaire déposée par M. B... ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montferrier-sur-Lez la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- les services gestionnaires des réseaux n'ont pas été consultés, en méconnaissance des articles R. 423-50, R. 423-52 et R. 423-53 du code de l'urbanisme et le tribunal a commis une erreur d'appréciation ainsi qu'une dénaturation des pièces du dossier à cet égard ;
- le maire était tenu de s'opposer à la déclaration préalable de division de M. B... en application de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ;
- le projet litigieux entraîne la constitution d'un " lot bâti irrégulier " au regard de l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme et le tribunal a commis une erreur d'appréciation, une erreur de droit, ainsi qu'une dénaturation des pièces du dossier sur ce point.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 mai et 20 septembre 2019, la commune de Montferrier-sur-Lez, représentée par la SCP SVA, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge solidaire des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme est inopérant ;
- les autres moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 septembre 2019, M. B..., représenté par la SCP Verbateam Montpellier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme est inopérant et, en tout état de cause, infondé ;
- les autres moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- les observations de Me H..., représentant les requérants, celles de Me E..., représentant la commune de Montferrier-sur-Lez, et celles de Me A..., représentant M. B....


Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 février 2017, le maire de Montferrier-sur-Lez ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par M. B... en vue du détachement de deux lots à bâtir de la parcelle cadastrée section AT n° 139. La SCI du Bout du Gail et M. et Mme F... relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 décembre 2018 en tant seulement qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.


Sur la régularité du jugement :

2. Si la SCI du Bout du Gail et M. et Mme F... soutiennent que le jugement attaqué, en tant qu'il rejette leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2017, est entaché de plusieurs erreurs d'appréciation, d'une erreur de droit, ainsi que de dénaturations des pièces du dossier, de tels moyens se rattachent au bienfondé du jugement attaqué et non à sa régularité.


Sur la légalité de l'arrêté du 13 février 2017 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur ". L'article R. 423-52 du même code dispose que : " L'autorité compétente consulte en tant que de besoin les autorités et services publics habilités à demander que soient prescrites les contributions prévues au 2° de l'article L. 332-6-1 ou à l'article L. 332-9 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 ". Selon l'article R. 423-53 de ce code : " Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l'autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu réglemente de façon particulière les conditions d'accès à ladite voie ". Enfin, son article R. 423-59 prévoit que, sous réserve de certaines exceptions, " les collectivités territoriales, services, autorités ou commissions qui n'ont pas fait parvenir à l'autorité compétente leur réponse motivée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'avis sont réputés avoir émis un avis favorable ".
4. D'une part, les requérants ne font état d'aucun élément de nature à établir que la consultation des " autorités et services publics " mentionnés à l'article R. 423-52 du code de l'urbanisme était requise en l'espèce compte tenu de la nature du projet. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière au regard de ces dispositions.


5. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.


6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du dépôt, le 23 novembre 2016, de la déclaration préalable de lotissement de M. B..., le dossier de déclaration a été transmis pour avis à Montpellier Méditerranée Métropole le 14 décembre suivant. Il n'est pas contesté que cette collectivité est en charge de la gestion de la voie de desserte du terrain d'assiette du projet, ainsi notamment que des réseaux publics de distribution d'eau potable et d'assainissement mentionnés à l'article UC 4 du règlement du plan local d'urbanisme de Montferrier-sur-Lez, ni qu'elle a émis, antérieurement à l'arrêté attaqué, un avis tacite favorable à ce projet de lotissement en application de l'article R. 423-59 du code de l'urbanisme. Le pétitionnaire ayant produit, le 16 janvier 2017, un nouveau plan de composition, modifiant uniquement l'emplacement de l'accès au lot n° 1, le dossier de déclaration ainsi complété a été de nouveau communiqué à Montpellier Méditerranée Métropole le 26 janvier suivant. Si le maire de Montferrier-sur-Lez a édicté l'arrêté contesté le 13 février 2017 sans attendre l'avis du gestionnaire de la voie publique concernée par cet accès, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors d'ailleurs que Montpellier Méditerranée Métropole a émis un second avis tacite favorable au projet modifié postérieurement à l'arrêté attaqué, que cette irrégularité ait été susceptible, en l'espèce, d'exercer une influence sur le sens de la décision attaquée ou de priver les personnes intéressées d'une garantie.


7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. / Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies (...) ".


8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux rendrait nécessaires des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau et d'électricité. Si les requérants relèvent que le plan de composition joint au dossier de déclaration préalable de M. B..., lequel plan n'a pas été modifié sur ce point par celui produit le 16 janvier 2017 par le pétitionnaire, fait état de la nécessité d'une " extension " du réseau public d'assainissement par Montpellier Méditerranée Métropole, cette collectivité a, ainsi qu'il a été dit précédemment, émis un avis tacite favorable au projet litigieux antérieurement à l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, en l'absence d'informations portées à sa connaissance par le gestionnaire de ce dernier réseau et faisant obstacle à la réalisation des travaux requis sur celui-ci, Montpellier Méditerranée Métropole ayant d'ailleurs précisé ultérieurement par un avis émis le 25 avril 2017 dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire déposée par M. B... sur le lot n° 1 du lotissement autorisé, la nature ainsi que le délai de réalisation des travaux qu'elle réalisera sur le réseau public d'assainissement afin d'assurer la desserte de ce projet de construction, le maire de Montferrier-sur-Lez n'a pas méconnu les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme en ne s'opposant pas à la déclaration préalable de lotissement déposée par M. B....


9. En troisième et dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ". L'article L. 442-1-2 du même code dispose que : " Le périmètre du lotissement comprend le ou les lots destinés à l'implantation de bâtiments ainsi que, s'ils sont prévus, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots. Le lotisseur peut toutefois choisir d'inclure dans le périmètre du lotissement des parties déjà bâties de l'unité foncière ou des unités foncières concernées ". Selon l'article L. 442-3 de ce code : " Les lotissements qui ne sont pas soumis à la délivrance d'un permis d'aménager doivent faire l'objet d'une déclaration préalable ". Le dernier alinéa de l'article R. 441-9 du même code prévoit qu'une déclaration préalable portant sur un projet d'aménagement " peut ne porter que sur une partie d'une unité foncière ".


10. Dans l'hypothèse où la demande de permis d'aménager ou la déclaration préalable porte sur la création d'un lotissement dont le périmètre n'inclut pas les parties déjà bâties de l'unité foncière concernée, le respect des règles d'urbanisme doit être apprécié au regard de la seule partie de l'unité foncière comprise dans le périmètre du lotissement projeté.


11. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis (...) d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords (...) ". L'article L. 421-7 du même code dispose que : " Lorsque les constructions, aménagements, installations et travaux font l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à leur exécution ou imposer des prescriptions lorsque les conditions prévues à l'article L. 421-6 ne sont pas réunies ".


12. Les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.


13. Enfin, l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme de Montferrier-sur-Lez dispose que : " Les constructions, à l'exclusion des débords de toiture dans la limite de 0,60 mètres, doivent être édifiées en respectant un retrait par rapport aux limites séparatives égal à la moitié de la hauteur totale de la construction sans que ce retrait puisse être inférieur à 4 mètres (...) ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 151-21 du code de l'urbanisme : " Dans le cas d'un lotissement (...), l'ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d'urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s'y oppose ".


14. Le projet litigieux consiste à détacher deux lots à bâtir de la parcelle cadastrée section AT n° 139. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que la partie déjà bâtie de cette parcelle, sur laquelle est implantée une maison d'habitation, n'est pas incluse dans le périmètre du lotissement en cause. L'arrêté de non-opposition à déclaration en litige n'a ni pour objet ni pour effet d'autoriser la réalisation de travaux sur le reliquat déjà bâti de la parcelle cadastrée section AT n° 139. Dans ces conditions, le respect des prescriptions du règlement du plan local d'urbanisme de Montferrier-sur-Lez ne devant être apprécié, en tenant compte des dispositions de l'article R. 151-21 du code de l'urbanisme citées au point précédent, qu'au regard de la partie de cette parcelle comprise dans le périmètre du lotissement, les requérants ne sauraient utilement soutenir, à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté contesté, que la maison d'habitation existante implantée à l'extérieur de ce périmètre sera, à l'issue de la division autorisée, implantée sur une nouvelle limite séparative et deviendra ainsi non conforme aux dispositions citées ci-dessus de l'article UC 7 de ce règlement.


15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M. B..., les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Montferrier-sur-Lez du 13 février 2017.


Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montferrier-sur-Lez, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SCI du Bout du Gail ainsi que par M. et Mme F... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Montferrier-sur-Lez et par M. B....

D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI du Bout du Gail et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Montferrier-sur-Lez et par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Bout du Gail, à M. et Mme G... et Hélène F..., à la commune de Montferrier-sur-Lez et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 1er juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Chazan, président,
- Mme Simon, présidente assesseure,
- M. D..., premier conseiller.


Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2021.


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