CAA de PARIS
N° 23PA05262
7ème chambre
Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI, rapporteure
Mme JURIN, rapporteure publique
DAL VECCHIO, avocats
Lecture du jeudi 25 septembre 2025
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Caisse de solidarité a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 juin 2021 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a estimé qu'elle ne relevait pas de l'une des catégories mentionnées aux articles 200 et
238 bis du code général des impôts.
Par un jugement n° 2118804/2-3 du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 30 juin 2021 et a enjoint à la directrice régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris de procéder au réexamen de la demande de l'association Caisse de solidarité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 décembre 2023 et 4 décembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de l'association Caisse de solidarité présentée devant ce tribunal.
Il soutient que :
- il y a lieu, pour apprécier la nature des activités d'un organisme au regard des articles 200 et 238 bis du code général des impôts, de tenir compte des actions réellement réalisées et non des seuls statuts de cet organisme ;
- l'association Caisse de solidarité a, dans les faits, pour unique activité la gestion d'une caisse de collecte de fonds servant à soutenir les salariés en grève reconductible ;
- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, cette activité ne peut être regardée comme ayant un caractère social au sens des articles 200 et 238 bis du code général des impôts.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 13 avril 2024 et 27 janvier 2025, l'association Caisse de solidarité, représentée par Me Dal Vecchio, conclut au rejet de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- qu'en plus de son activité consistant à apporter une aide aux salariés grévistes, elle mène des activités de soutien aux personnes victimes de discriminations et a mis en place un observatoire de la grève ainsi que des actions de sensibilisation pour l'exercice effectif du droit de grève et la lutte contre les discriminations ; ces activités présentent un caractère social ;
- l'administration a porté atteinte au devoir de loyauté au cours de l'instruction de sa demande de rescrit ;
- elle a entaché sa décision d'une erreur de droit en limitant le champ des activités présentant un caractère social à celles exercées par les oeuvres et organismes concourant à la protection de la santé publique, de la prophylaxie ou de la thérapeutique ;
- elle doit être regardée comme exerçant une activité présentant un caractère humanitaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
- et les observations de Me Dal Vecchio, représentant l'association Caisse de solidarité.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Caisse de solidarité a demandé à l'administration, par un courrier du 6 novembre 2020 présenté sur le fondement de l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales, de se prononcer sur son éligibilité au régime du mécénat prévu par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Par un courrier du 25 janvier 2021, la directrice régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a considéré que cette association ne pouvait être regardée comme exerçant une activité à caractère social ou humanitaire. Puis, par une décision 30 juin 2021, conforme à la délibération du collège territorial de second examen, l'administration fiscale a maintenu sa position. Par un jugement du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande l'annulation de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article 200 du code général des impôts : " 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, au profit : (...) / b) D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ; (...) ". Aux termes de l'article 238 bis du même code : " 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 10 000 ? ou de 5 pour mille du chiffre d'affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé , effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit : / a) D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, notamment quand ces versements sont faits au bénéfice d'une fondation universitaire, d'une fondation partenariale mentionnées respectivement aux articles L. 719-12 et L. 719-13 du code de l'éducation ou d'une fondation d'entreprise, même si cette dernière porte le nom de l'entreprise fondatrice. Ces dispositions s'appliquent même si le nom de l'entreprise versante est associé aux opérations réalisées par ces organismes ; (...) ".
3. Pour annuler la décision du 30 juin 2021 par laquelle l'administration a estimé que l'association Caisse de solidarité ne pouvait être regardée comme entrant dans le champ d'application des dispositions précitées, les premiers juges ont considéré que l'activité de cette association consiste principalement à collecter des dons en vue de leur reversement sans condition d'affiliation à toute personne participant à une grève reconductible et qu'en apportant ce soutien matériel, le caractère social de l'association, au sens des articles précités, devait être regardé comme établi.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'activité de gestion de la caisse de grève consiste pour l'association requérante à collecter des dons afin de les reverser à des salariés sous forme d'aides et que, selon les critères d'éligibilité fixés par l'association, peuvent recevoir une telle aide les salariés, syndiqués ou non, ayant cumulé un minimum de 2 jours de grève consécutifs et s'étant mis en grève contre un projet de loi ou un projet d'accord national interprofessionnel. Au vu de ces critères d'éligibilité, qui, contrairement à ce que soutient l'association Caisse de solidarité, ne tiennent pas compte de la situation financière du demandeur, l'activité de l'association consiste à apporter un soutien financier aux salariés grévistes sans distinction de ceux d'entre eux qui rencontreraient des difficultés financières et que pour des grèves qui concernent certains types de projets. Si l'association soutient que l'exercice du droit de grève entraine nécessairement une perte financière et place ainsi le personnel gréviste dans une situation de gêne cette circonstance est sans incidence dès lors que compte tenu du mode de fonctionnement de l'association Caisse de solidarité, celle-ci peut être amenée à verser des aides à des salariés ne se trouvant pas dans une telle situation de gêne. Ainsi, compte tenu du public auquel s'adressent les aides financières versées par l'association Caisse de solidarité, dont les critères d'éligibilité ne sont pas fondés sur l'existence de difficultés financières, cette association, qui présente son dispositif d'aide comme un " outil militant ", ne peut être regardée comme ayant un caractère social ou humanitaire au sens des dispositions des articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le soutien matériel apporté par la Caisse de solidarité était de nature à établir le caractère social de l'activité de cette association et ont annulé, pour ce motif, la décision de rescrit du 30 juin 2021.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association Caisse de solidarité devant le tribunal administratif de Paris et devant la cour.
Sur la décision du 30 juin 2021 :
6. En premier lieu, l'association Caisse de solidarité indiquait dans sa demande de première instance qu'il lui était impossible de vérifier la compétence et l'absence de conflit d'intérêts entre les membres du collège et si parmi les membres du collège certains d'entre eux ont participé à l'instruction ou à la rédaction du premier rescrit reçu le 25 janvier 2021. Toutefois, après la production par l'administration de la fiche de présence signée par l'ensemble des membres du collège, l'association n'a pas répliqué et n'établit pas que le collège ayant examiné sa demande de réexamen était irrégulièrement composé.
7. En deuxième lieu, pour rejeter sa demande de rescrit l'administration a considéré que l'activité qu'elle exerce ne concourt pas à la protection de la santé publique, de la prophylaxie ou de la thérapeutique, qu'elle ne consiste pas à mettre en oeuvre une politique locale de formation, de développement de l'emploi ou d'insertion sociale et professionnelle et qu'elle n'avait pas pour objet d'apporter une aide aux personnes confrontées à la survenance d'un risque social dès lors que son activité consiste en la simple collecte de fonds dont il n'est pas justifié que les critères d'attribution soient liés aux difficultés réelles rencontrées par les bénéficiaires et que le domaine social ne s'étend pas au financement d'une grève. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'association Caisse de solidarité, l'administration n'a pas considéré que son activité ne pouvait être regardée comme ayant un caractère social au seul motif que cette activité ne concourt pas à la protection de la santé publique, de la prophylaxie ou de la thérapeutique. Le moyen tiré de ce que la décision du 30 juin 2021 serait entachée d'une erreur de droit doit être écarté.
8. En troisième lieu, l'association Caisse de solidarité soutient qu'en plus de la gestion d'une caisse de grève, son activité consiste également, comme le mentionnent ses statuts, à réaliser des actions de soutien aux personnes victimes de discriminations, à la mise en place d'un observatoire de la grève et à la réalisation d'actions de sensibilisation auprès du public ou des autorités pour l'exercice effectif du droit de grève et la lutte contre les discriminations et que ces missions sont de nature à établir que son activité revêt un caractère social. Toutefois, l'association n'établit pas réaliser des actions de soutien aux personnes victimes de discrimination en se bornant à produire un communiqué établi par ses soins indiquant qu'elle a apporté une aide financière à 18 salariés " réprimés " par leur employeur et qui ne permet pas d'établir si cette aide a été versée à ces salariés en raison de l'existence d'une discrimination ou de leur participation à une grève. Par ailleurs, ni la mise en ligne, sur le site internet de l'association, d'un questionnaire destiné aux donateurs, de la synthèse des informations récoltées par ce questionnaire et d'un document intitulé " actualités de la grève " ni même l'organisation d'une réunion publique d'information portant sur les actions réalisées par l'association ne sont suffisantes pour considérer que l'association Caisse de solidarité a mis en place un observatoire de la grève et réalisé des actions de sensibilisation auprès du public et des autorités pour l'exercice effectif du droit de grève et la lutte contre les discriminations. Ainsi, et quand bien même les statuts de l'association indiquent que de telles missions entrent dans son objet social, celle-ci ne peut être regardée comme réalisant, en plus de son activité de soutien aux grévistes, les actions mentionnées précédemment. Elle ne peut donc utilement soutenir que ces activités présentent un caractère social au sens des articles 200 et 238 bis du code général des impôts.
9. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient l'association Caisse de solidarité, son activité de soutien aux salariés grévistes ne peut être regardée comme ayant un caractère humanitaire au sens des articles 200 et 238 bis du code général des impôts alors même qu'elle serait susceptible de venir en aide à des travailleurs étrangers ayant de faibles qualifications professionnelles et susceptibles de faire l'objet d'abus de la part d'employeurs peu scrupuleux leur imposant des conditions de travail précaires.
10. En cinquième lieu, la circonstance que l'action de l'association Caisse de solidarité répondrait au principe de fraternité est sans incidence sur l'application des articles 200 et 238 bis du code général des impôts qui ne visent que les organismes exerçant une activité à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.
11. Enfin, l'association Caisse de solidarité soutient qu'au cours de l'instruction de sa demande de rescrit l'administration ne lui a réclamé aucune pièce quant à la nature des activités exercées et qu'en lui reprochant, dans le cadre de la présente instance, de ne pas avoir produit ces pièces, celle-ci manque à son devoir de loyauté. Il ressort toutefois des pièces du dossier que par un courriel du 16 novembre 2020, l'administration a demandé à l'association de produire notamment " tous documents utiles pour préciser les conditions de gestion et la nature de l'activité de l'association ". Il appartenait à celle-ci de produire tous les documents qui lui paraissaient être de nature à établir la nature des activités exercées. Dès lors, l'association ne peut, en tout état de cause, soutenir que l'administration aurait manqué à un devoir de loyauté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'association n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 30 juin 2021. Les conclusions à fin d'injonction présentées par l'association Caisse de solidarité ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2118804/2-3 du 9 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association Caisse de solidarité devant le tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Caisse de solidarité et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie sera adressée à direction générale des finances publiques - service de la sécurité juridique et contrôle fiscal.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- M. Gallaud, président-assesseur,
- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2025.
La rapporteure,
N. Zeudmi-SahraouiLa présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA0526
N° 23PA05262
7ème chambre
Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI, rapporteure
Mme JURIN, rapporteure publique
DAL VECCHIO, avocats
Lecture du jeudi 25 septembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Caisse de solidarité a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 juin 2021 par laquelle le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a estimé qu'elle ne relevait pas de l'une des catégories mentionnées aux articles 200 et
238 bis du code général des impôts.
Par un jugement n° 2118804/2-3 du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 30 juin 2021 et a enjoint à la directrice régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris de procéder au réexamen de la demande de l'association Caisse de solidarité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 décembre 2023 et 4 décembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de l'association Caisse de solidarité présentée devant ce tribunal.
Il soutient que :
- il y a lieu, pour apprécier la nature des activités d'un organisme au regard des articles 200 et 238 bis du code général des impôts, de tenir compte des actions réellement réalisées et non des seuls statuts de cet organisme ;
- l'association Caisse de solidarité a, dans les faits, pour unique activité la gestion d'une caisse de collecte de fonds servant à soutenir les salariés en grève reconductible ;
- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, cette activité ne peut être regardée comme ayant un caractère social au sens des articles 200 et 238 bis du code général des impôts.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 13 avril 2024 et 27 janvier 2025, l'association Caisse de solidarité, représentée par Me Dal Vecchio, conclut au rejet de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- qu'en plus de son activité consistant à apporter une aide aux salariés grévistes, elle mène des activités de soutien aux personnes victimes de discriminations et a mis en place un observatoire de la grève ainsi que des actions de sensibilisation pour l'exercice effectif du droit de grève et la lutte contre les discriminations ; ces activités présentent un caractère social ;
- l'administration a porté atteinte au devoir de loyauté au cours de l'instruction de sa demande de rescrit ;
- elle a entaché sa décision d'une erreur de droit en limitant le champ des activités présentant un caractère social à celles exercées par les oeuvres et organismes concourant à la protection de la santé publique, de la prophylaxie ou de la thérapeutique ;
- elle doit être regardée comme exerçant une activité présentant un caractère humanitaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Zeudmi Sahraoui,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
- et les observations de Me Dal Vecchio, représentant l'association Caisse de solidarité.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Caisse de solidarité a demandé à l'administration, par un courrier du 6 novembre 2020 présenté sur le fondement de l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales, de se prononcer sur son éligibilité au régime du mécénat prévu par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Par un courrier du 25 janvier 2021, la directrice régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a considéré que cette association ne pouvait être regardée comme exerçant une activité à caractère social ou humanitaire. Puis, par une décision 30 juin 2021, conforme à la délibération du collège territorial de second examen, l'administration fiscale a maintenu sa position. Par un jugement du 9 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande l'annulation de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article 200 du code général des impôts : " 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, au profit : (...) / b) D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ; (...) ". Aux termes de l'article 238 bis du même code : " 1. Ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60 % de leur montant les versements, pris dans la limite de 10 000 ? ou de 5 pour mille du chiffre d'affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé , effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit : / a) D'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, notamment quand ces versements sont faits au bénéfice d'une fondation universitaire, d'une fondation partenariale mentionnées respectivement aux articles L. 719-12 et L. 719-13 du code de l'éducation ou d'une fondation d'entreprise, même si cette dernière porte le nom de l'entreprise fondatrice. Ces dispositions s'appliquent même si le nom de l'entreprise versante est associé aux opérations réalisées par ces organismes ; (...) ".
3. Pour annuler la décision du 30 juin 2021 par laquelle l'administration a estimé que l'association Caisse de solidarité ne pouvait être regardée comme entrant dans le champ d'application des dispositions précitées, les premiers juges ont considéré que l'activité de cette association consiste principalement à collecter des dons en vue de leur reversement sans condition d'affiliation à toute personne participant à une grève reconductible et qu'en apportant ce soutien matériel, le caractère social de l'association, au sens des articles précités, devait être regardé comme établi.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'activité de gestion de la caisse de grève consiste pour l'association requérante à collecter des dons afin de les reverser à des salariés sous forme d'aides et que, selon les critères d'éligibilité fixés par l'association, peuvent recevoir une telle aide les salariés, syndiqués ou non, ayant cumulé un minimum de 2 jours de grève consécutifs et s'étant mis en grève contre un projet de loi ou un projet d'accord national interprofessionnel. Au vu de ces critères d'éligibilité, qui, contrairement à ce que soutient l'association Caisse de solidarité, ne tiennent pas compte de la situation financière du demandeur, l'activité de l'association consiste à apporter un soutien financier aux salariés grévistes sans distinction de ceux d'entre eux qui rencontreraient des difficultés financières et que pour des grèves qui concernent certains types de projets. Si l'association soutient que l'exercice du droit de grève entraine nécessairement une perte financière et place ainsi le personnel gréviste dans une situation de gêne cette circonstance est sans incidence dès lors que compte tenu du mode de fonctionnement de l'association Caisse de solidarité, celle-ci peut être amenée à verser des aides à des salariés ne se trouvant pas dans une telle situation de gêne. Ainsi, compte tenu du public auquel s'adressent les aides financières versées par l'association Caisse de solidarité, dont les critères d'éligibilité ne sont pas fondés sur l'existence de difficultés financières, cette association, qui présente son dispositif d'aide comme un " outil militant ", ne peut être regardée comme ayant un caractère social ou humanitaire au sens des dispositions des articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le soutien matériel apporté par la Caisse de solidarité était de nature à établir le caractère social de l'activité de cette association et ont annulé, pour ce motif, la décision de rescrit du 30 juin 2021.
5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association Caisse de solidarité devant le tribunal administratif de Paris et devant la cour.
Sur la décision du 30 juin 2021 :
6. En premier lieu, l'association Caisse de solidarité indiquait dans sa demande de première instance qu'il lui était impossible de vérifier la compétence et l'absence de conflit d'intérêts entre les membres du collège et si parmi les membres du collège certains d'entre eux ont participé à l'instruction ou à la rédaction du premier rescrit reçu le 25 janvier 2021. Toutefois, après la production par l'administration de la fiche de présence signée par l'ensemble des membres du collège, l'association n'a pas répliqué et n'établit pas que le collège ayant examiné sa demande de réexamen était irrégulièrement composé.
7. En deuxième lieu, pour rejeter sa demande de rescrit l'administration a considéré que l'activité qu'elle exerce ne concourt pas à la protection de la santé publique, de la prophylaxie ou de la thérapeutique, qu'elle ne consiste pas à mettre en oeuvre une politique locale de formation, de développement de l'emploi ou d'insertion sociale et professionnelle et qu'elle n'avait pas pour objet d'apporter une aide aux personnes confrontées à la survenance d'un risque social dès lors que son activité consiste en la simple collecte de fonds dont il n'est pas justifié que les critères d'attribution soient liés aux difficultés réelles rencontrées par les bénéficiaires et que le domaine social ne s'étend pas au financement d'une grève. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'association Caisse de solidarité, l'administration n'a pas considéré que son activité ne pouvait être regardée comme ayant un caractère social au seul motif que cette activité ne concourt pas à la protection de la santé publique, de la prophylaxie ou de la thérapeutique. Le moyen tiré de ce que la décision du 30 juin 2021 serait entachée d'une erreur de droit doit être écarté.
8. En troisième lieu, l'association Caisse de solidarité soutient qu'en plus de la gestion d'une caisse de grève, son activité consiste également, comme le mentionnent ses statuts, à réaliser des actions de soutien aux personnes victimes de discriminations, à la mise en place d'un observatoire de la grève et à la réalisation d'actions de sensibilisation auprès du public ou des autorités pour l'exercice effectif du droit de grève et la lutte contre les discriminations et que ces missions sont de nature à établir que son activité revêt un caractère social. Toutefois, l'association n'établit pas réaliser des actions de soutien aux personnes victimes de discrimination en se bornant à produire un communiqué établi par ses soins indiquant qu'elle a apporté une aide financière à 18 salariés " réprimés " par leur employeur et qui ne permet pas d'établir si cette aide a été versée à ces salariés en raison de l'existence d'une discrimination ou de leur participation à une grève. Par ailleurs, ni la mise en ligne, sur le site internet de l'association, d'un questionnaire destiné aux donateurs, de la synthèse des informations récoltées par ce questionnaire et d'un document intitulé " actualités de la grève " ni même l'organisation d'une réunion publique d'information portant sur les actions réalisées par l'association ne sont suffisantes pour considérer que l'association Caisse de solidarité a mis en place un observatoire de la grève et réalisé des actions de sensibilisation auprès du public et des autorités pour l'exercice effectif du droit de grève et la lutte contre les discriminations. Ainsi, et quand bien même les statuts de l'association indiquent que de telles missions entrent dans son objet social, celle-ci ne peut être regardée comme réalisant, en plus de son activité de soutien aux grévistes, les actions mentionnées précédemment. Elle ne peut donc utilement soutenir que ces activités présentent un caractère social au sens des articles 200 et 238 bis du code général des impôts.
9. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient l'association Caisse de solidarité, son activité de soutien aux salariés grévistes ne peut être regardée comme ayant un caractère humanitaire au sens des articles 200 et 238 bis du code général des impôts alors même qu'elle serait susceptible de venir en aide à des travailleurs étrangers ayant de faibles qualifications professionnelles et susceptibles de faire l'objet d'abus de la part d'employeurs peu scrupuleux leur imposant des conditions de travail précaires.
10. En cinquième lieu, la circonstance que l'action de l'association Caisse de solidarité répondrait au principe de fraternité est sans incidence sur l'application des articles 200 et 238 bis du code général des impôts qui ne visent que les organismes exerçant une activité à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.
11. Enfin, l'association Caisse de solidarité soutient qu'au cours de l'instruction de sa demande de rescrit l'administration ne lui a réclamé aucune pièce quant à la nature des activités exercées et qu'en lui reprochant, dans le cadre de la présente instance, de ne pas avoir produit ces pièces, celle-ci manque à son devoir de loyauté. Il ressort toutefois des pièces du dossier que par un courriel du 16 novembre 2020, l'administration a demandé à l'association de produire notamment " tous documents utiles pour préciser les conditions de gestion et la nature de l'activité de l'association ". Il appartenait à celle-ci de produire tous les documents qui lui paraissaient être de nature à établir la nature des activités exercées. Dès lors, l'association ne peut, en tout état de cause, soutenir que l'administration aurait manqué à un devoir de loyauté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'association n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 30 juin 2021. Les conclusions à fin d'injonction présentées par l'association Caisse de solidarité ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2118804/2-3 du 9 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association Caisse de solidarité devant le tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Caisse de solidarité et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie sera adressée à direction générale des finances publiques - service de la sécurité juridique et contrôle fiscal.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, présidente de chambre,
- M. Gallaud, président-assesseur,
- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2025.
La rapporteure,
N. Zeudmi-SahraouiLa présidente,
V. Chevalier-Aubert
La greffière,
C. Buot
La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA0526