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Ariane Web: CAA de LYON 23LY01473, lecture du 20 novembre 2025

Décision n° 23LY01473
20 novembre 2025
CAA de LYON

N° 23LY01473

3ème chambre
Mme Aline EVRARD, rapporteure
Mme LORDONNE, rapporteure publique
NEYRET, avocats


Lecture du jeudi 20 novembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision par laquelle le préfet du Rhône a implicitement rejeté leur demande datée du 27 septembre 2021 tendant, d'une part, à l'abrogation du récépissé de déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement délivré le 16 mars 1993 à la société Béton lyonnais pour l'exploitation d'une centrale à béton au lieudit " La Rubina " à Décines-Charpieu et, d'autre part, à ce que soient ordonnées la fermeture immédiate de cette installation et la cessation immédiate des travaux, opérations, activités et aménagements sur le site d'exploitation.

Par un jugement n° 2110380 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 avril 2023, le 23 mai 2024, le 30 avril 2025 et le 17 juin 2025, M. A... et Mme A..., représentés par Me Tschanz, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 février 2023 ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le préfet du Rhône a implicitement rejeté leur demande datée du 27 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône d'abroger ce récépissé et d'ordonner immédiatement la fermeture du site et la cessation de l'activité, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Ils soutiennent que :

- le récépissé de déclaration est caduc, dès lors que l'installation n'a pas été mise en service dans le délai de trois ans à compter de la déclaration ;
- l'installation relève du régime de l'enregistrement, compte tenu de sa puissance électrique maximale et de sa capacité de malaxage ;
- des modifications substantielles apportées à l'installation, tenant à l'augmentation de sa puissance et de sa capacité et emportant des dangers ou inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement, justifient la nécessité de déposer une nouvelle déclaration ;
- l'installation n'est pas exploitée conformément aux prescriptions qui lui sont applicables, résultant du plan joint au récépissé de déclaration, des dispositions de l'arrêté du 26 novembre 2011 relatives aux émissions de bruit, de poussières, de déchets et de pollution ainsi qu'aux distances d'implantation, à l'intégration dans le paysage, au stockage de produits liquides et à l'interdiction d'occupation de locaux d'habitation par des tiers, de l'arrêté du préfet du Rhône du 24 mars 2011 imposant notamment une surveillance des eaux souterraines et de l'arrêté du 10 décembre 2013 imposant que le site soit clos ;
- les arrêtés de mise en demeure édictés les 23 août 2019, 7 novembre 2019 et 3 février 2020 par le préfet du Rhône ne sont pas respectés ;
- le préfet a méconnu l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme dès lors que l'installation est implantée en zone agricole du plan local d'urbanisme où l'exercice d'une activité industrielle n'est pas autorisé ;
- des structures bétonnées ont été installées sur le site sans avoir obtenu d'autorisation d'urbanisme ;
- l'absence de toute demande d'autorisation de construire et la construction de la centrale à béton sans autorisation sont constitutifs de fraude ;
- la société exerce une nouvelle activité de stockage de déchets et de transit de minerais ;
- aucune déclaration de cessation partielle d'activité n'a été souscrite, alors qu'une partie de l'installation déclarée n'est plus exploitée, sur le terrain qu'ils ont acquis ;
- des tiers résident sur le site sans qu'il soit établi qu'ils bénéficient d'un système d'assainissement.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 juillet 2023, le 30 avril 2025, le 26 mai 2025 et le 23 septembre 2025, ce dernier non communiqué, la société Béton lyonnais, représentée par Me Neyret, conclut au rejet de la requête et à ce que les sommes de 10 000 euros et de 3 000 euros soient mises à la charge, respectivement, de M. A... et Mme A... et de l'établissement public Eau du grand Lyon - la régie, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention de l'établissement public Eau du grand Lyon est irrecevable dès lors qu'elle est nouvelle en appel ;
- les requérants ne démontrent pas que l'installation classée qu'elle exploite ne serait pas compatible avec les dispositions du plan d'urbanisme applicable à la date de la déclaration ;
- l'activité exercée sur le terrain est de nature non agricole depuis de nombreuses années ;
- cette activité respecte les conditions édictées dans la déclaration du 26 mars 1993 ainsi qu'il résulte notamment du rapport établi par la DREAL le 8 avril 2022 ;
- elle a déclaré la cessation partielle de l'activité de l'installation classée ;
- l'existence de dépôts de déchets, et d'émissions de poussières, de pollutions ou de bruits n'est pas démontrée ;
- aucun tiers ne réside sur sa parcelle ;
- dès lors qu'elle a toujours exploité des centrales à béton sur le terrain, la déclaration qu'elle a déposée n'est pas caduque ;
- les installations mobiles qu'elle a implantées sur la parcelle ne nécessitent aucune autorisation d'urbanisme ;
- elle n'a commis aucune fraude en s'abstenant de solliciter une autorisation qui n'était pas requise ;
- elle a satisfait aux demandes faites par l'administration ;
- aucune modification substantielle n'a été apportée à l'exercice de son activité, les silos anciens n'étant plus exploités ;
- les requérants, qui sont à l'origine des dépôts de déchets, ne sont pas fondés à se plaindre de leur présence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2025, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- l'installation demeure conforme aux prescriptions qui lui sont applicables ;
- la société a déféré aux mises en demeure qui lui ont été faites ;
- le préfet était tenu de délivrer le récépissé, alors même que les dispositions du plan d'urbanisme étaient méconnues ;
- l'implantation de la centrale à béton ne nécessitait pas l'obtention d'un permis de construire ;
- dès lors que l'installation a fonctionné dans le délai de trois ans à compter du dépôt de dossier de déclaration, le récépissé de déclaration n'est pas caduc ;
- aucune modification substantielle n'ayant été apportée à l'installation depuis la délivrance du récépissé en 1993, une nouvelle déclaration n'était pas nécessaire.

Par une intervention, enregistrée le 17 juin 2025, l'établissement public Eau du grand Lyon - la régie, représenté par Me Tschanz, demande à la cour de faire droit aux conclusions de M. A... et de Mme A... et :
1°) d'admettre son intervention volontaire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 28 février 2023 ;
3°) d'annuler la décision par laquelle le préfet du Rhône a implicitement rejeté la demande des consorts A... datée du 27 septembre 2021 ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Rhône d'abroger le récépissé de déclaration et d'ordonner immédiatement la fermeture de l'établissement et la cessation de son activité, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a intérêt à intervenir au soutien de la requête ;
- la pollution engendrée par l'installation classée en litige fait peser des risques sur le captage d'eau de la Rubina.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de la compétence liée du préfet du Rhône pour refuser d'abroger le récépissé de déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement, dès lors qu'à défaut de dispositions spéciales du code de l'environnement prévoyant une telle abrogation, et alors que le code des relations entre le public et l'administration ne s'applique pas, il n'est pas dans son pouvoir de procéder à une telle abrogation.
M. A... et Mme A... ont produit leurs observations en réponse au moyen d'ordre public par lettres du 20 octobre 2025 et du 27 octobre 2025.
Ils soutiennent que le préfet pouvait procéder à l'abrogation du récépissé de déclaration d'installation classée pour la protection de l'environnement.

La société Béton lyonnais a produit ses observations en réponse au moyen d'ordre public par lettre du 24 octobre 2025.

Elle soutient qu'il n'est pas dans le pouvoir du préfet de procéder à une telle abrogation.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,
- les observations de Me Tschanz, représentant M. A... et Mme A... et l'établissement public Eau du grand Lyon - la régie et celles de Me Neyret représentant la société Béton lyonnais.
Une note en délibéré a été présentée le 29 octobre 2025 pour M. A..., Mme A... et l'établissement public Eau du grand Lyon - la régie.


Considérant ce qui suit :

1. La société Béton lyonnais a déclaré, le 24 février 1993, exploiter au lieu-dit la Rubina, 63 chemin de la Rize à Decines-Charpieu, une centrale à béton comportant une installation de broyage, concassage, criblage de produits minéraux artificiels ainsi que l'emploi de matériel vibrant pour la fabrication de matériaux, pour une activité soumise aux articles 89 ter 2° et 269 2° alors en vigueur de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Le préfet du Rhône lui a donné récépissé de cette déclaration le 16 mars 1993. Il lui a prescrit de surveiller la qualité des eaux souterraines par un arrêté du 24 mars 2011, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour du 26 mai 2015, l'a mise en demeure de cesser toute activité de rejet des eaux de nettoyage des camions malaxeurs, d'évacuer les déchets, de mettre en place une zone adaptée permettant la récupération et le traitement des eaux industrielles de nettoyage et de s'assurer de l'étanchéité de la fosse d'entretien des engins par un arrêté du 23 août 2019 et l'a mise en demeure de déclarer les pompages d'eau, de refermer la fosse d'entretien des engins, de transmettre le plan des points d'accès à la nappe et de remettre en place un suivi de la qualité des eaux souterraines par arrêtés du 7 novembre 2019 et du 3 février 2020. Par arrêté du 5 mars 2021, le préfet l'a mise en demeure de justifier de la surface occupée par la station de transit de produit minéraux soumis à la rubrique n° 2517 de la nomenclature des installations classées et de la puissance cumulée des installations exploitées. La société a fait l'objet de mesures d'astreinte prises pour l'exécution de plusieurs de ces mises en demeure, et d'amendes administratives sanctionnant leur non-respect.
2. M. A... et Mme A..., qui ont acquis, le 27 juin 2021, un bâtiment situé sur une parcelle issue de la division du terrain sur lequel la centrale à béton est exploitée, ont demandé au préfet du Rhône, le 27 septembre 2021, d'abroger le récépissé délivré à la société Béton lyonnais le 16 mars 1993 et d'ordonner la fermeture immédiate de cette installation et la cessation immédiate des travaux, opérations, activités et aménagements sur le site d'exploitation. Ils relèvent appel du jugement du 28 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande d'annulation de la décision implicite de rejet née du silence conservé par le préfet sur leur demande.

Sur l'intervention de l'établissement public Eau du grand Lyon - la régie :
3. En vertu de l'article 3 de ses statuts, l'établissement public Eau du grand Lyon - la régie a pour objet l'exploitation du service public de l'eau potable tel que défini au I de l'article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales, sur l'ensemble du territoire de la métropole de Lyon, et assure, dans ce cadre, la protection des points de prélèvement et la surveillance de la qualité de l'eau. Eu égard à la nature et aux effets, y compris potentiels, de l'installation classée en litige, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il n'est pas intervenu en première instance, l'établissement public Eau du grand Lyon - la régie justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions présentées par M. A... et par Mme A.... Par suite, son intervention est recevable.


Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'abrogation du récépissé de déclaration de l'installation classée pour la protection de l'environnement en litige :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 512-8 du code de l'environnement : " Sont soumises à déclaration les installations qui, ne présentant pas de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, doivent néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le préfet en vue d'assurer dans le département la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1.(...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 de ce code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers (...) ". Aux termes du I de l'article R. 512-47 de ce code : " La déclaration relative à une installation est adressée, avant la mise en service de l'installation, au préfet du département dans lequel celle-ci doit être implantée (...) ". Aux termes de l'article R. 512-49 de ce code, dans sa version alors applicable : " Le préfet donne récépissé de la déclaration et communique au déclarant une copie des prescriptions générales applicables à l'installation. ". Aux termes de l'article R. 512-50 de ce code : " I. - Les conditions d'aménagement et d'exploitation doivent satisfaire aux prescriptions générales prévues aux articles L. 512-8 et L. 512-10 ainsi, le cas échéant, qu'aux dispositions particulières fixées en application des articles R. 512-52 et R. 512-53. ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 241-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des exigences découlant (...) de dispositions législatives et réglementaires spéciales, les règles applicables à l'abrogation et au retrait d'un acte administratif unilatéral pris par l'administration sont fixées par les dispositions du présent titre. ". Aux termes de l'article L. 242-1 de ce code : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". Aux termes de l'article L. 242-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : 1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie (...).".
6. Enfin, aux termes de l'article L. 512-12 du code de l'environnement : " Si les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 ne sont pas garantis par l'exécution des prescriptions générales contre les inconvénients inhérents à l'exploitation d'une installation soumise à déclaration, le préfet, éventuellement à la demande des tiers intéressés, peut imposer par arrêté toutes prescriptions spéciales nécessaires. (...) ". L'article L. 171-8 de ce code permet à l'autorité administrative, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu de ce code, de mettre en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire, dans un délai qu'elle détermine et, dans le cas où la personne n'aurait pas déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, de suspendre le fonctionnement de l'installation ou de l'ouvrage en litige ainsi que de prendre les mesures conservatoires nécessaires. L'article L. 171-7 de ce code permet aussi à l'autorité administrative, dans le cas où des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés irrégulièrement, de mettre en demeure l'intéressé de régulariser sa situation et, dans le cas où ce dernier n'aurait pas déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, d'ordonner la fermeture ou la suppression des installations et ouvrages et la cessation définitive des travaux. Aux termes de l'article L. 512-15 de ce code : " L'exploitant doit renouveler (...) sa déclaration (...) en cas de modification substantielle du projet, qu'elle intervienne avant la réalisation de l'installation, lors de sa mise en oeuvre ou de son exploitation, ou en cas de changement substantiel dans les circonstances de fait et de droit initiales ". Enfin, aux termes du II de l'article R. 513-54 de ce code : " II. Toute modification apportée par le déclarant à l'installation, à son mode d'exploitation ou à son voisinage, entraînant un changement notable des éléments du dossier de déclaration initiale doit être portée, avant sa réalisation, à la connaissance du préfet. (...)./S'il estime que la modification est substantielle, le préfet invite l'exploitant à déposer une nouvelle déclaration./Une modification est considérée comme substantielle, outre les cas où sont atteints des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé des installations classées, dès lors qu'elle est de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1.".
7. Ni les dispositions du code de l'environnement, qui ne prévoient pas l'abrogation d'un récépissé de déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement, ni celles du code des relations entre le public et l'administration citées au point 5, qui ne sauraient trouver à s'appliquer compte-tenu des règles spéciales prévues par le code de l'environnement rappelées au point 6, n'ouvrent au préfet le pouvoir d'abroger un tel récépissé de déclaration. Dans de telles conditions, le préfet du Rhône était tenu de rejeter la demande d'abrogation du récépissé de déclaration en litige, telle qu'elle lui a été adressée le 27 septembre 2021 par M. A... et Mme A....
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que, compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le préfet du Rhône pour rejeter la demande dont il était saisi, les moyens invoqués par M. A... et Mme A... visés plus haut, qui ne portent pas sur l'existence même de la situation de compétence liée, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
En ce qui concerne les conclusions aux fins de fermeture de l'installation et de cessation des activités :
S'agissant de la méconnaissance des prescriptions applicables à l'installation :
9. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " I. Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. II. - Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : 1° Obliger la personne mise en demeure à consigner entre les mains d'un comptable public avant une date déterminée par l'autorité administrative une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser. (...) 2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. (...)3° Suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs, la réalisation des travaux, des opérations ou des aménagements ou l'exercice des activités jusqu'à l'exécution complète des conditions imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure ; 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 euros (...) ".
10. Il résulte des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, que lorsque l'inspecteur des installations classées pour la protection de l'environnement a constaté, selon la procédure requise par le code de l'environnement, l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, est tenu d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Lorsqu'un manquement à l'application des conditions prescrites à une installation classée a été constaté, la mise en demeure prévue par ces dispositions a pour objet, en tenant compte des intérêts qui s'attachent à la fois à la protection de l'environnement et à la continuité de l'exploitation, de permettre à l'exploitant de régulariser sa situation dans un délai déterminé, en vue d'éviter une sanction pouvant aller jusqu'à la suspension du fonctionnement de l'installation.
11. Il résulte de ce qui précède que la méconnaissance des prescriptions applicables à l'installation en litige, si elle impose au préfet du Rhône de mettre en oeuvre les pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, ne saurait le conduire à ordonner la fermeture de l'établissement. Il s'ensuit que les requérants ne peuvent utilement soutenir que le préfet du Rhône devait ordonner la fermeture de l'établissement au motif que ce dernier ne respectait pas les prescriptions auxquelles est subordonnée l'exploitation de l'installation.
S'agissant de la compatibilité avec le plan d'urbanisme :
12. Aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques (...) ". Aux termes du I de l'article L. 514-6 du code de l'environnement : " la compatibilité d'une installation classée avec les dispositions d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'une carte communale est appréciée à la date de l'autorisation, de l'enregistrement ou de la déclaration (...) ".
13. Le principe d'indépendance des législations s'oppose à ce que le préfet, dans le cadre de l'exercice des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, et qui ne permettent de sanctionner que la méconnaissance de prescriptions fixées par ce code, puisse ordonner la fermeture d'une installation classée au motif d'une incompatibilité avec le plan local d'urbanisme. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que, dès lors que l'installation n'est pas compatible avec les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols du secteur Est de la communauté urbaine de Lyon couvrant la commune de Décines-Charpieu, approuvé le 28 avril 1982, applicable à la date à laquelle le récépissé de déclaration en litige a été délivré, le préfet du Rhône devait ordonner la fermeture de l'établissement et la cessation des activités qui y sont exercées.
S'agissant de l'absence d'autorisation d'urbanisme :
14. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 13., les requérants ne peuvent utilement faire état, à l'appui de leurs conclusions tendant à la fermeture de l'installation et à la cessation des activités, de la circonstance que la société Béton lyonnais aurait édifié des constructions sans avoir obtenu d'autorisation d'urbanisme pour ce faire.
S'agissant de la fraude :
15. La circonstance invoquée par les requérants, tenant à ce que la société Béton lyonnais a fait édifier les installations qu'elle exploite sans avoir au préalable sollicité les autorisations exigées par la législation applicable en matière d'urbanisme, à la supposer établie, ne suffit pas à démontrer, à défaut de tout élément justifiant que la société aurait présenté de manière intentionnelle des informations erronées dans le but de tromper l'administration, que le récépissé de déclaration de l'installation classée en litige aurait été obtenu par fraude.
S'agissant de la méconnaissance des mises en demeure prises par le préfet :
16. Aux termes du II de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti (...) l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations et ouvrages, la cessation définitive des travaux, opérations ou activités, et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code (...) ".
17. Il résulte de l'instruction que, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, la société Béton lyonnais a fait l'objet de quatre mises en demeure prononcées par le préfet du Rhône par arrêtés du 23 août 2019, du 7 novembre 2019, du 3 février 2020 et du 5 mars 2021, tendant, pour la première, à ce que la société cesse toute activité de rejet des eaux de nettoyage des camions malaxeurs, évacue les déchets, mette en place une zone adaptée permettant la récupération et le traitement des eaux industrielles de nettoyage et s'assure de l'étanchéité de la fosse d'entretien des engins, pour la deuxième et la troisième, à ce que la société déclare les pompages d'eau, referme la fosse d'entretien des engins, transmette le plan des points d'accès à la nappe et remette en place un suivi de la qualité des eaux souterraines, et pour la dernière, à ce que la société justifie de la surface occupée par la station de transit de produit minéraux soumis à la rubrique n° 2517 de la nomenclature des installations classées et de la puissance cumulée des installations exploitées.
18. S'agissant des trois premières mises en demeure, il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une visite organisée le 1er mars 2022, l'inspection des installations classées a constaté que la société avait pris des mesures, consistant, notamment, dans l'imperméabilisation d'une partie du site, afin d'éviter la pollution des eaux souterraines, et qu'elle avait modifié le forage de prélèvement d'eaux souterraines, en le déplaçant en dehors de la zone de protection rapprochée du captage de la Rubina et en y installant des capots de fermeture. Le préfet du Rhône a, en conséquence, levé les mises en demeure du 23 août 2019, du 7 novembre 2019 et du 3 février 2020 par un arrêté du 8 avril 2022. Le rapport établi le 16 avril 2025 à la suite d'une visite d'inspection organisée le 26 mars 2025 relève en outre que l'exploitant a procédé à la fermeture du bassin de recyclage des eaux de lavage et que l'installation ne permet pas le rejet de ces eaux dans le milieu naturel.
19. S'agissant de la dernière mise en demeure, il résulte de l'instruction, et, notamment, du rapport de la DREAL du 16 avril 2025, que la société Béton lyonnais a justifié de la puissance du cribleur et communiqué un plan de l'aire de transit des matériaux démontrant que la surface occupée pour le stockage était inférieure au seuil de déclaration. Si la société n'a répondu que partiellement à la demande qui lui a été faite concernant la justification de la puissance des installations et si la DREAL a constaté que l'aire de transit s'était agrandie, il ne résulte ni de ce rapport, ni des éléments apportés par les requérants, qui consistent uniquement en des procès-verbaux de constat, opérés depuis l'extérieur de l'établissement et relatifs à l'aspect visuel des installations, que la puissance de l'installation excéderait celle déclarée et que la surface de l'aire de transit justifierait une telle déclaration.
20. Ainsi, les requérants n'apportent aucun élément permettant de démontrer que l'installation demeurerait illégalement exploitée en méconnaissance des arrêtés de mise en demeure prononcés les 23 août 2019, 7 novembre 2019, 3 février 2020 et 5 mars 2021. Il s'ensuit qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le préfet du Rhône a rejeté leur demande tendant à la fermeture de l'établissement et à la cessation des activités exploitées.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. A... et Mme A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, leurs conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... et Mme A... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Béton lyonnais au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'établissement public Eau du grand Lyon - la régie, qui n'est pas partie au présent litige. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions au bénéfice de la société Béton lyonnais.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de l'établissement public Eau du grand Lyon - la régie est admise.
Article 2 : La requête de M. A... et Mme A... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société Béton lyonnais et de l'établissement public Eau du grand Lyon - la régie tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et Mme B... A..., à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature, à la société Béton Lyonnais et à l'établissement public Eau du grand Lyon - la régie.
Délibéré après l'audience du 28 octobre 2025 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2025.
La rapporteure,
Aline EvrardLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,