Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 415046, lecture du 18 juin 2018

Analyse n° 415046
18 juin 2018
Conseil d'État

N° 415046
Publié au recueil Lebon

Lecture du lundi 18 juin 2018



01-08-01-01 : Actes législatifs et administratifs- Application dans le temps- Entrée en vigueur- Entrée en vigueur immédiate-

Décret d'extradition - Vérification de la condition de double incrimination par l'Etat requérant et l'Etat requis - Portée - Vérification du respect du principe de l'application immédiate de la loi pénale moins sévère - Inclusion.




Il résulte des principes généraux du droit de l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, lorsqu'elles se prononcent sur une demande d'extradition, de vérifier si les faits pour lesquels l'extradition est demandée ont reçu, de la part des autorités de l'Etat requérant, une exacte qualification juridique au regard de la loi pénale de cet Etat. Il leur appartient, en revanche, de vérifier qu'est respecté le principe, énoncé au paragraphe 1 de l'article 2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, de la double incrimination par la législation de l'Etat requérant et par celle de l'Etat requis qui, s'il n'implique pas que la qualification pénale des faits soit identique dans ces deux législations, requiert que les faits soient incriminés par l'une et l'autre et satisfassent à la condition relative aux peines encourues, dans le respect des principes de non-rétroactivité de la loi pénale et d'application immédiate de la loi pénale moins sévère, tels qu'ils sont imposés par l'ordre public français.





01-08-02 : Actes législatifs et administratifs- Application dans le temps- Rétroactivité-

1) Décret d'extradition - Vérification de la condition de double incrimination par l'Etat requérant et l'Etat requis - Portée - Vérification du respect du principe de non-rétroactivité de la loi pénale - Inclusion (1) - 2) Application - Faits qualifiés de crime contre l'humanité, définis à la date de leur commission en vertu des principes généraux du droit international auxquels renvoie le droit pénal de l'Etat requérant - Méconnaissance du principe de non rétroactivité de la loi pénale imposé par l'ordre public français - Absence (2).




1) Il résulte des principes généraux du droit de l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, lorsqu'elles se prononcent sur une demande d'extradition, de vérifier si les faits pour lesquels l'extradition est demandée ont reçu, de la part des autorités de l'Etat requérant, une exacte qualification juridique au regard de la loi pénale de cet Etat. Il leur appartient, en revanche, de vérifier qu'est respecté le principe, énoncé au paragraphe 1 de l'article 2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, de la double incrimination par la législation de l'Etat requérant et par celle de l'Etat requis qui, s'il n'implique pas que la qualification pénale des faits soit identique dans ces deux législations, requiert que les faits soient incriminés par l'une et l'autre et satisfassent à la condition relative aux peines encourues, dans le respect des principes de non-rétroactivité de la loi pénale et d'application immédiate de la loi pénale moins sévère, tels qu'ils sont imposés par l'ordre public français. 2) Requérant ayant fait l'objet d'un décret d'extradition aux autorités bosniennes aux fins de poursuites de faits commis en juin 1992, en se fondant sur l'article 172 du code pénal de la République de Bosnie-Herzégovine, entré en vigueur le 1er mars 2003, lequel incrimine le crime contre humanité. Si l'article 4 du code pénal de Bosnie-Herzégovine énonce que la loi applicable à l'infraction est celle en vigueur au moment de la commission de l'infraction, l'article 4 a) du même code prévoit que cette règle ne fait pas obstacle à ce que soit poursuivie et condamnée une personne ayant commis des actes qui, au moment de leur commission, constituaient des infractions conformément aux principes généraux du droit international. A cet égard, la définition des crimes contre l'humanité avait été fixée par l'article 6, paragraphe c), du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg adopté par l'accord de Londres du 8 août 1945 et reprise dans les principes du droit international consacrés par le Tribunal de Nuremberg, qu'avait confirmés la résolution n° 95 (I) du 11 décembre 1946 de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies et qui avaient été formulés, sur la base de cette résolution, par la Commission du droit international. La convention du 26 novembre 1968 sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, à laquelle la République fédérative socialiste de Yougoslavie était partie, renvoyait à cette définition. Ainsi, les crimes contre l'humanité étaient, à la date des faits reprochés au requérant, définis de façon suffisamment accessible et prévisible comme des crimes de droit international. Ces faits entrent d'ailleurs dans le champ de la définition des crimes contre l'humanité figurant à l'article 5 du statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie annexé à la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 25 mai 1993. Par suite, l'extradition du requérant, demandée aux fins de poursuivre des faits qualifiés de crimes contre l'humanité, qui étaient définis à la date de leur commission en vertu des principes généraux du droit international auxquels renvoie le droit pénal de l'Etat requérant, ne peut être regardée comme ayant été accordée en méconnaissance du principe de non-rétroactivité de la loi pénale imposé par l'ordre public français.





335-04-03-02 : Étrangers- Extradition- Décret d'extradition- Légalité interne-

1) a) Vérification par les autorités françaises de la qualification juridique des faits au regard de la loi pénale de l'Etat requérant - Absence (3) - b) Vérification de la condition de double incrimination par l'Etat requérant et l'Etat requis - Existence - Portée (1) - 2) Application - Faits qualifiés de crime contre l'humanité, définis à la date de leur commission en vertu des principes généraux du droit international auxquels renvoie le droit pénal de l'Etat requérant - Méconnaissance du principe de non rétroactivité de la loi pénale imposé par l'ordre public français - Absence (2).




1) a) Il résulte des principes généraux du droit de l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, lorsqu'elles se prononcent sur une demande d'extradition, de vérifier si les faits pour lesquels l'extradition est demandée ont reçu, de la part des autorités de l'Etat requérant, une exacte qualification juridique au regard de la loi pénale de cet Etat. b) Il leur appartient, en revanche, de vérifier qu'est respecté le principe, énoncé au paragraphe 1 de l'article 2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, de la double incrimination par la législation de l'Etat requérant et par celle de l'Etat requis qui, s'il n'implique pas que la qualification pénale des faits soit identique dans ces deux législations, requiert que les faits soient incriminés par l'une et l'autre et satisfassent à la condition relative aux peines encourues, dans le respect des principes de non-rétroactivité de la loi pénale et d'application immédiate de la loi pénale moins sévère, tels qu'ils sont imposés par l'ordre public français. 2) Requérant ayant fait l'objet d'un décret d'extradition aux autorités bosniennes aux fins de poursuites de faits commis en juin 1992, en se fondant sur l'article 172 du code pénal de la République de Bosnie-Herzégovine, entré en vigueur le 1er mars 2003, lequel incrimine le crime contre humanité. Si l'article 4 du code pénal de Bosnie-Herzégovine énonce que la loi applicable à l'infraction est celle en vigueur au moment de la commission de l'infraction, l'article 4 a) du même code prévoit que cette règle ne fait pas obstacle à ce que soit poursuivie et condamnée une personne ayant commis des actes qui, au moment de leur commission, constituaient des infractions conformément aux principes généraux du droit international. A cet égard, la définition des crimes contre l'humanité avait été fixée par l'article 6, paragraphe c), du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg adopté par l'accord de Londres du 8 août 1945 et reprise dans les principes du droit international consacrés par le Tribunal de Nuremberg, qu'avait confirmés la résolution n° 95 (I) du 11 décembre 1946 de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies et qui avaient été formulés, sur la base de cette résolution, par la Commission du droit international. La convention du 26 novembre 1968 sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, à laquelle la République fédérative socialiste de Yougoslavie était partie, renvoyait à cette définition. Ainsi, les crimes contre l'humanité étaient, à la date des faits reprochés au requérant, définis de façon suffisamment accessible et prévisible comme des crimes de droit international. Ces faits entrent d'ailleurs dans le champ de la définition des crimes contre l'humanité figurant à l'article 5 du statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie annexé à la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 25 mai 1993. Par suite, l'extradition du requérant, demandée aux fins de poursuivre des faits qualifiés de crimes contre l'humanité, qui étaient définis à la date de leur commission en vertu des principes généraux du droit international auxquels renvoie le droit pénal de l'Etat requérant, ne peut être regardée comme ayant été accordée en méconnaissance du principe de non-rétroactivité de la loi pénale imposé par l'ordre public français.


(3) Cf. CE, 24 juin 1985, , n° 65207, p. 160. (1) Cf. CE, Assemblée, 7 juillet 1978, , n° 10079, p. 292 ; CE, 8 décembre 2000, , n° 215357, p. 599. (2) Rappr. Cass. crim., 24 mai 2018, n° 17-86.340, à publier au Bulletin.

Voir aussi