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Ariane Web: Conseil d'État 428409, lecture du 10 juillet 2020

Analyse n° 428409
10 juillet 2020
Conseil d'État

N° 428409
Publié au recueil Lebon

Lecture du vendredi 10 juillet 2020



44-05-05 : Nature et environnement- Divers régimes protecteurs de l'environnement- Qualité de l'air-

Non-respect des valeurs limites en dioxyde d'azote et particules fines (directive 2008/50/CE et art. R. 221-1 du code de l'environnement) - Injonction d'élaborer les plans permettant de ramener les concentrations sous ces valeurs limites (1) - 1) Inexécution partielle - Existence - 2) Conséquence - Astreinte semestrielle de 10 M?.




Décision n° 394254 du 12 juillet 2017 du Conseil d'Etat statuant au contentieux enjoignant l'élaboration et la mise en oeuvre, pour treize zones du territoire, de plans relatifs à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote, dans douze zones, et en particules fines PM10, dans trois zones, sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible et de les transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018. 1) Dernières données disponibles mettant, d'une part, en évidence un dépassement persistant des valeurs limites pour huit zones s'agissant du dioxyde d'azote et pour trois zones s'agissant des particules fines. Gouvernement ayant, d'autre part, adopté quatorze "feuilles de route", rendues publiques et transmises à la Commission européenne. Si ces documents précisent, de façon plus ou moins détaillée, pour chaque zone concernée, une liste d'actions concrètes à mener, leur échéancier de mise en oeuvre et les moyens à mobiliser, ils ne comportent, à l'instar des autres mesures mises en avant par le Gouvernement ne relevant pas des plans de protection de l'atmosphère (PPA), aucune estimation de l'amélioration de la qualité de l'air qui en est escomptée, ni aucune précision concernant les délais prévus pour la réalisation de ces objectifs, contrairement aux exigences posées à l'annexe XV de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 et transposées à l'article R. 222-15 du code de l'environnement. Révision des PPA n'ayant, enfin, abouti que pour deux zones, la révision des autres étant en cours ou non encore initiée. Nouveau PPA de la Vallée de l'Arve, qui comporte une série de mesures suffisamment précises et détaillées ainsi que des modélisations crédibles de leur impact permettant d'escompter un respect des valeurs limites d'ici 2022, pouvant être regardé comme assurant une correcte exécution de la décision du 12 juillet 2017. Nouveau PPA d'Ile de France ne pouvant, en revanche, être regardé comme tel dès lors que, bien qu'il mentionne des objectifs précis, les moyens à mettre en oeuvre et les autorités compétentes ainsi qu'une modélisation crédible des effets attendus, il se borne à retenir l'année 2025 comme objectif pour revenir en deçà des valeurs limites, sans que le Gouvernement justifie que cette date respecte l'exigence d'une période de dépassement la plus courte possible. L'Etat ne peut donc être regardé comme ayant pris des mesures suffisant à assurer l'exécution complète de la décision du 12 juillet 2017 pour les zones dans lesquelles un dépassement persistant des valeurs limites demeure observé, à l'exception de la vallée de l'Arve. 2) Par suite, eu égard au délai écoulé depuis l'intervention de la décision dont l'exécution est demandée, à l'importance qui s'attache au respect effectif des exigences découlant du droit de l'Union européenne, à la gravité des conséquences du défaut partiel d'exécution en termes de santé publique et à l'urgence particulière qui en découle, il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de prononcer contre l'Etat, à défaut pour lui de justifier de cette exécution complète dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision, une astreinte de 10 millions d'euros par semestre jusqu'à la date à laquelle la décision du 12 juillet 2017 aura reçu exécution, étant rappelé que ce montant est susceptible d'être révisé à chaque échéance semestrielle à l'occasion de la liquidation de l'astreinte.





54-06-07-01 : Procédure- Jugements- Exécution des jugements- Astreinte-

Régime - 1) Prononcé - a) Décision statuant au fond ou décision ultérieure - b) Demandeurs recevables - i) Principe - Parties à l'instance ou personnes directement concernées (2) - ii) Espèce - c) Fixation du montant - Illustration - Astreinte semestrielle de 10 M? - 2) Liquidation - a) Condition - Inexécution partielle ou totale ou exécution tardive - b) Affectation - i) Débiteur autre que l'Etat - Possibilité d'affecter une fraction au budget de l'Etat (2e al. de l'art. L. 911-8 du CJA) - ii) Etat débiteur - Possibilité d'affecter une fraction à une autre personne, publique ou privée (3).




1) a) Afin d'assurer l'exécution de ses décisions, la juridiction administrative peut prononcer une astreinte à l'encontre d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, soit dans la décision statuant au fond sur les prétentions des parties sur le fondement de l'article L. 911-3 du code de justice administrative (CJA), soit ultérieurement en cas d'inexécution de la décision sur le fondement des articles L. 911-4 et L. 911-5 du même code. b) i) Il résulte des dispositions des articles L. 911-4 et R. 931-2 du CJA qu'ont qualité pour demander au Conseil d'Etat de prononcer une astreinte en cas d'inexécution d'une décision qu'il a rendue non seulement les parties à l'instance en cause mais également les parties directement concernées par l'acte qui a donné lieu à cette instance. ii) En l'espèce, la demande d'astreinte est irrecevable en ce qui concerne les associations qui ne peuvent être regardées comme des parties intéressées au sens de l'article R. 931-2 du code de justice administrative parce que leur champ d'action territorial ne couvre aucune des zones concernées par l'injonction prononcée par la décision dont l'exécution est demandée, d'une part, ou eu égard à leur objet social, d'autre part. c) Décision n° 394254 du 12 juillet 2017 du Conseil d'Etat statuant au contentieux enjoignant l'élaboration et la mise en oeuvre, pour treize zones du territoire, de plans relatifs à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote, dans douze zones, et en particules fines PM10, dans trois zones, sous les valeurs limites fixées par l'article R. 221-1 du code de l'environnement dans le délai le plus court possible et de les transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018. L'Etat ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisant à assurer l'exécution complète de la décision du 12 juillet 2017 pour les zones dans lesquelles un dépassement persistant des valeurs limites demeure observé, à l'exception de la vallée de l'Arve. Eu égard au délai écoulé depuis l'intervention de la décision dont l'exécution est demandée, à l'importance qui s'attache au respect effectif des exigences découlant du droit de l'Union européenne, à la gravité des conséquences du défaut partiel d'exécution en termes de santé publique et à l'urgence particulière qui en découle, il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de prononcer contre l'Etat, à défaut pour lui de justifier de cette exécution complète dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision, une astreinte de 10 millions d'euros par semestre jusqu'à la date à laquelle la décision du 12 juillet 2017 aura reçu exécution, étant rappelé que ce montant est susceptible d'être révisé à chaque échéance semestrielle à l'occasion de la liquidation de l'astreinte. 2) a) En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive de la décision, la juridiction procède, en vertu de l'article L. 911-7 du CJA, à la liquidation de l'astreinte. b) i) En vertu du premier alinéa de l'article L. 911-8 de ce code, la juridiction a la faculté de décider, afin d'éviter un enrichissement indu, qu'une fraction de l'astreinte liquidée ne sera pas versée au requérant, le second alinéa prévoyant que cette fraction est alors affectée au budget de l'État. ii) Toutefois, l'astreinte ayant pour finalité de contraindre la personne morale de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsque l'Etat est débiteur de l'astreinte en cause. Dans ce dernier cas, lorsque cela apparaît nécessaire à l'exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d'office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d'affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet.


(1) Cf. CE, 12 juillet 2017, Association Les Amis de la Terre France, n° 394254, p. 229. (2) Cf. CE, Section, 13 novembre 1987, Mme et Marcaillou, n° 75473, p. 360 ; CE, Section, 27 janvier 1995, , n° 155647, p. 52. (3) Cf., s'agissant de la faculté, y compris lorsque le débiteur est l'État, de ne verser qu'une partie de l'astreinte au requérant, CE, 30 mars 2001, Epoux , n° 185107, T. p. 1148. Rappr., s'agissant de l'inapplicabilité du second alinéa de l'article L. 911-8 du CJA prévoyant le versement du reliquat au budget de l'État, lorsque celui-ci est le débiteur, Cons. const., 6 mars 2015, n° 2014-455 QPC.

Voir aussi