Conseil d'État
N° 41852 45416
ECLI:FR:CESSR:1986:41852.19861119
Publié au recueil Lebon
1 / 4 SSR
M. Combarnous, président
M. Bas, rapporteur
M. Lasserre, commissaire du gouvernement
Lecture du 19 novembre 1986
Vu la décision en date du 26 avril 1985 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur les requêtes présentées 1° sous le n° 41 852 pour la Société SMANOR, dont le siège social est à Saint-Martin d'Ecublet à L'Aigle 61300 , représentée par son président-directeur général en exercice, domicilié audit siège et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir l'article 2 du décret n° 82-184 du 22 février 1982 modifiant le décret n° 63-695 du 10 juillet 1963 portant application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes en ce qui concerne les laits fermentés et le yaourt ou yoghourt et, 2° sous le n° 45 416 pour le Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés et Congelés, dont le siège social est ... à Paris 75847 , domicilié audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de la consommation sur le recours gracieux dont il l'avait saisie contre les dispositions de l'article 2 du décret n° 82-184 du 22 février 1982 modifiant le décret n° 63-695 du 10 juillet 1963 portant application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes en ce qui concerne les laits fermentés et le yaourt ou yoghourt, et l'article 2 dudit décret n° 82 184 du 22 février 1982, a ordonné une expertise en vue de déterminer si et, dans l'affirmative, dans quelle mesure les yaourts qui ont subi une congélation rapide dans les conditions fixées par le décret n° 84-949 du 9 septembre 1964 portant application de la loi du 1er août 1905 en ce qui concerne les produits surgelés diffèrent, du point de vue de leurs caractéristiques nutritionnelles, organoleptiques, chimiques et, plus particulièrement, biologiques des yaourts vendus frais ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 1er août 1905, modifié, notamment, par la loi du 10 janvier 1978 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Bas, Auditeur,
- les observations de Me Hennuyer, avocat de la Société SMANOR et de Me Guinard, avocat du Syndicat National des Fabricants de Produits Laitiers Frais SYNDIFRAIS ;
- les conclusions de M. Lasserre, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision en date du 26 avril 1985, le Conseil d'Etat, après avoir joint les requêtes de la Société SMANOR et du Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés et Congelés et déclaré recevable l'intervention du Syndicat National des Fabricants de Produits Laitiers Frais, a ordonné avant-dire droit qu'il soit procédé par un expert désigné par le Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat à une expertise en vue de déterminer si et, dans l'affirmative, dans quelle mesure les yaourts qui ont subi une congélatin rapide dans les conditions fixées par le décret n° 64-949 du 9 septembre 1964, portant application de la loi du 1er août 1905 en ce qui concerne les produits surgelés diffèrent, du point de vue de leurs caractéristiques nutritionnelles, organoleptiques, chimiques et, plus particulièrement, biologiques, des yaourts vendus frais ; que M. X..., expert commis par le Président de la Section du Contentieux, a déposé son rapport le 28 novembre 1985 ;
Sur la compétence de l'auteur de l'acte attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 1er août 1905 modifiée, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué : "Il sera statué par des règlements d'administration publique sur les mesures à prendre pour assurer l'exécution de la présente loi, notamment en ce qui concerne : ... 2° ... La définition, la composition et la dénomination des marchandises de toute nature, les traitements licites dont elles peuvent être l'objet, les caractéristiques qui les rendent impropres à la consommation" ; qu'aux termes de l'article unique de la loi n° 80-514 du 7 juillet 1980 : "Dans les lois en vigueur à la date de publication de la présente loi, tout renvoi à un règlement d'administration publique ou à un décret en forme de règlement d'administration publique est remplacé par un renvoi à un décret en Conseil d'Etat" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le Premier ministre était compétent pour fixer, par décret en Conseil d'Etat, les règles relatives à la définition, à la composition, à la dénomination des yaourts ou yoghourts et aux traitements licites dont ils peuvent être l'objet ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ; que, s'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution ; que l'exécution du décret attaqué n'appelle aucune mesure que le ministre chargé du commerce et de l'artisanat soit compétent pour signer ou contresigner ; que, par suite, le contreseing dudit ministre n'était pas nécessaire ;
Considérant, d'autre part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation à l'administration de consulter le comité interministériel de l'agriculture et de l'alimentation institué par le décret n° 46-349 du 15 février 1946 avant de prendre le décret attaqué ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu, que les auteurs du décret attaqué pouvaient, sans se contredire, préciser que "la dénomination yaourt ou yoghourt est réservée au lait fermenté frais obtenu ... par le développement des seules bactéries lactiques thermophiles spécifiques dites lactobacillus bulgaricus et streptococcus thermophilus, qui doivent être ensemencées simultanément et se trouver vivantes dans le produit mis en vente à raison d'au moins 100 millions de bactéries par gramme", et faire en même temps référence, toujours en ce qui concerne les seuls laits fermentés frais pouvant prétendre à la dénomination yaourt ou yoghourt, à la nécessité d'une obtention "selon les usages loyaux et constants" ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret serait entaché de contradiction manque en fait ;
Considérant, en second lieu, que dans sa rédaction issue de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et services, applicable en l'espèce, l'article 11 de la loi du 1er août 1905 modifiée ne mentionne plus que le gouvernement devra statuer sur la définition et la dénomination des produits "conformément aux usages commerciaux" ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, en réservant la dénomination yaourt aux seuls laits fermentés frais, à l'exclusion des laits fermentés surgelés, obtenus dans les conditions ci-dessus indiquées par développement des bactéries lactiques thermophiles spécifiques, le gouvernement aurait méconnu les usages commerciaux est inopérant au regard des dispositions de l'article 11 modifié de la loi du 1er août 1905 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer même que les dispositions du décret attaqué restreignent la liberté du commerce et de l'industrie, elles trouvent, en tout état de cause, une base légale dans l'article 11 de la loi du 1er août 1905 modifiée qui confie au gouvernement le soin de fixer la définition, la composition et la dénomination des marchandises de toute nature ; que les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que ces dispositions ont porté une atteinte illégale à ce principe ;
Considérant, en quatrième lieu, que les requérants ne peuvent utilement invoquer la circonstance que le décret attaqué méconnaîtrait certaines dispositions du décret n° 64-949 du 9 septembre 1964 portant règlement d'administration publique en ce qui concerne les produits surgelés pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes, dès lors que les deux textes en cause ont même valeur juridique ;
Considérant, en cinquième lieu, que les requérants ne peuvent non plus utilement invoquer l'autorité de chose jugée qui s'attache à la décision en date du 25 juillet 1980 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé un arrêté interministériel du 29 juin 1978, interdisant la vente sous la dénomination "yaourt" des yaourts surgelés, au motif que les deux ministres signataires de l'arrêté en cause n'avaient pas compétence pour compléter, dans un sens restrictif, les dispositions du décret n° 63-695 du 10 juillet 1963, dès lors que le décret attaqué n'est contraire ni au dispositif de cette décision ni au motif qui en est le soutien nécessaire ;
Considérant, en sixième lieu, qu'il n'existe pas de droits acquis au maintien d'un acte réglementaire ; que les requérants ne sauraient donc invoquer les prétendus droits acquis qu'ils tiendraient de l'état antérieur de la réglementation pour critiquer le décret attaqué qui la modifie ;
Considérant, en septième lieu, que l'article 30 du traité, en date du 25 mars 1957, instituant la communauté économique européenne dispose que "les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effet équivalent sont interdites entre les états membres" et qu'aux termes de l'article 34 du même traité "les restrictions quantitatives à l'exportation ainsi que toute mesure d'effet équivalent sont interdites entre les états membres" ; que d'une part les dispositions contestées du décret attaqué ne concernent que les produits vendus sur le marché français et ne comportent donc aucune incidence sur les exportations de yaourts et de lait fermenté surgelé ; que, d'autre part, lesdites dispositions qui ne comportent par elles-mêmes aucune restriction quantitative aux importations ont pour seul objet, dans l'intérêt des consommateurs, de réserver à des produits présentant certaines caractéristiques la dénomination de "yaourts" et ne sauraient être regardés commme ayant un effet équivalent à de telles restrictions ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu à renvoi d'une question préjudicielle devant la cour de justice des communautés européennes en application de l'article 177 du traité de Rome, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 30 et 34 dudit traité ne saurait être accueilli ;
Considérant, en huitième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions du rapport déposé par M. X..., que, compte-tenu des effets que la surgélation est susceptible de produire sur la "viabilité" et le comportement des deux bactéries lactiques ensemencées dans le yaourt, les dispositions du décret attaqué, en tant qu'elles réservent la dénomination de "yaourt" aux seuls laits fermentés frais, obtenus par le développement des deux bactéries en cause, et qu'elles interdisent de ce fait d'appliquer cette dénomination aux laits fermentés surgelés, ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des dispositions de l'article 2 du décret n° 82-184 du 22 février 1982, ni par suite de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de la consommation au recours gracieux formé le 9 mars 1982 par le syndicat requérant et dirigé contre lesdites dispositions ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, d'un montant de 7 590 F à la charge de la Société SMANOR et du Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés et Congelés ;
Article 1er : Les requêtes de la Société SMANOR et du Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés et Congelés sont rejetées.
Article 2 : Les frais d'expertise d'un montant de 7 590 F exposés devant le Conseil d'Etat sont mis à la charge de la Société SMANOR et du Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés etCongelés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société SMANOR, au Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés et Congelés, au Syndicat National des Fabricants des Produits Laitiers Frais, au Premier ministre, au ministre d'Etat, chargé de l'économie, des finances et de la privatisation, au Garde des sceaux, ministre dela justice, au ministre de l'agriculture et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.
N° 41852 45416
ECLI:FR:CESSR:1986:41852.19861119
Publié au recueil Lebon
1 / 4 SSR
M. Combarnous, président
M. Bas, rapporteur
M. Lasserre, commissaire du gouvernement
Lecture du 19 novembre 1986
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la décision en date du 26 avril 1985 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur les requêtes présentées 1° sous le n° 41 852 pour la Société SMANOR, dont le siège social est à Saint-Martin d'Ecublet à L'Aigle 61300 , représentée par son président-directeur général en exercice, domicilié audit siège et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir l'article 2 du décret n° 82-184 du 22 février 1982 modifiant le décret n° 63-695 du 10 juillet 1963 portant application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes en ce qui concerne les laits fermentés et le yaourt ou yoghourt et, 2° sous le n° 45 416 pour le Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés et Congelés, dont le siège social est ... à Paris 75847 , domicilié audit siège, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de la consommation sur le recours gracieux dont il l'avait saisie contre les dispositions de l'article 2 du décret n° 82-184 du 22 février 1982 modifiant le décret n° 63-695 du 10 juillet 1963 portant application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes en ce qui concerne les laits fermentés et le yaourt ou yoghourt, et l'article 2 dudit décret n° 82 184 du 22 février 1982, a ordonné une expertise en vue de déterminer si et, dans l'affirmative, dans quelle mesure les yaourts qui ont subi une congélation rapide dans les conditions fixées par le décret n° 84-949 du 9 septembre 1964 portant application de la loi du 1er août 1905 en ce qui concerne les produits surgelés diffèrent, du point de vue de leurs caractéristiques nutritionnelles, organoleptiques, chimiques et, plus particulièrement, biologiques des yaourts vendus frais ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 1er août 1905, modifié, notamment, par la loi du 10 janvier 1978 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Bas, Auditeur,
- les observations de Me Hennuyer, avocat de la Société SMANOR et de Me Guinard, avocat du Syndicat National des Fabricants de Produits Laitiers Frais SYNDIFRAIS ;
- les conclusions de M. Lasserre, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision en date du 26 avril 1985, le Conseil d'Etat, après avoir joint les requêtes de la Société SMANOR et du Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés et Congelés et déclaré recevable l'intervention du Syndicat National des Fabricants de Produits Laitiers Frais, a ordonné avant-dire droit qu'il soit procédé par un expert désigné par le Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat à une expertise en vue de déterminer si et, dans l'affirmative, dans quelle mesure les yaourts qui ont subi une congélatin rapide dans les conditions fixées par le décret n° 64-949 du 9 septembre 1964, portant application de la loi du 1er août 1905 en ce qui concerne les produits surgelés diffèrent, du point de vue de leurs caractéristiques nutritionnelles, organoleptiques, chimiques et, plus particulièrement, biologiques, des yaourts vendus frais ; que M. X..., expert commis par le Président de la Section du Contentieux, a déposé son rapport le 28 novembre 1985 ;
Sur la compétence de l'auteur de l'acte attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 1er août 1905 modifiée, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué : "Il sera statué par des règlements d'administration publique sur les mesures à prendre pour assurer l'exécution de la présente loi, notamment en ce qui concerne : ... 2° ... La définition, la composition et la dénomination des marchandises de toute nature, les traitements licites dont elles peuvent être l'objet, les caractéristiques qui les rendent impropres à la consommation" ; qu'aux termes de l'article unique de la loi n° 80-514 du 7 juillet 1980 : "Dans les lois en vigueur à la date de publication de la présente loi, tout renvoi à un règlement d'administration publique ou à un décret en forme de règlement d'administration publique est remplacé par un renvoi à un décret en Conseil d'Etat" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le Premier ministre était compétent pour fixer, par décret en Conseil d'Etat, les règles relatives à la définition, à la composition, à la dénomination des yaourts ou yoghourts et aux traitements licites dont ils peuvent être l'objet ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ; que, s'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution ; que l'exécution du décret attaqué n'appelle aucune mesure que le ministre chargé du commerce et de l'artisanat soit compétent pour signer ou contresigner ; que, par suite, le contreseing dudit ministre n'était pas nécessaire ;
Considérant, d'autre part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation à l'administration de consulter le comité interministériel de l'agriculture et de l'alimentation institué par le décret n° 46-349 du 15 février 1946 avant de prendre le décret attaqué ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu, que les auteurs du décret attaqué pouvaient, sans se contredire, préciser que "la dénomination yaourt ou yoghourt est réservée au lait fermenté frais obtenu ... par le développement des seules bactéries lactiques thermophiles spécifiques dites lactobacillus bulgaricus et streptococcus thermophilus, qui doivent être ensemencées simultanément et se trouver vivantes dans le produit mis en vente à raison d'au moins 100 millions de bactéries par gramme", et faire en même temps référence, toujours en ce qui concerne les seuls laits fermentés frais pouvant prétendre à la dénomination yaourt ou yoghourt, à la nécessité d'une obtention "selon les usages loyaux et constants" ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret serait entaché de contradiction manque en fait ;
Considérant, en second lieu, que dans sa rédaction issue de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et services, applicable en l'espèce, l'article 11 de la loi du 1er août 1905 modifiée ne mentionne plus que le gouvernement devra statuer sur la définition et la dénomination des produits "conformément aux usages commerciaux" ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, en réservant la dénomination yaourt aux seuls laits fermentés frais, à l'exclusion des laits fermentés surgelés, obtenus dans les conditions ci-dessus indiquées par développement des bactéries lactiques thermophiles spécifiques, le gouvernement aurait méconnu les usages commerciaux est inopérant au regard des dispositions de l'article 11 modifié de la loi du 1er août 1905 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer même que les dispositions du décret attaqué restreignent la liberté du commerce et de l'industrie, elles trouvent, en tout état de cause, une base légale dans l'article 11 de la loi du 1er août 1905 modifiée qui confie au gouvernement le soin de fixer la définition, la composition et la dénomination des marchandises de toute nature ; que les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que ces dispositions ont porté une atteinte illégale à ce principe ;
Considérant, en quatrième lieu, que les requérants ne peuvent utilement invoquer la circonstance que le décret attaqué méconnaîtrait certaines dispositions du décret n° 64-949 du 9 septembre 1964 portant règlement d'administration publique en ce qui concerne les produits surgelés pour l'application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes, dès lors que les deux textes en cause ont même valeur juridique ;
Considérant, en cinquième lieu, que les requérants ne peuvent non plus utilement invoquer l'autorité de chose jugée qui s'attache à la décision en date du 25 juillet 1980 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé un arrêté interministériel du 29 juin 1978, interdisant la vente sous la dénomination "yaourt" des yaourts surgelés, au motif que les deux ministres signataires de l'arrêté en cause n'avaient pas compétence pour compléter, dans un sens restrictif, les dispositions du décret n° 63-695 du 10 juillet 1963, dès lors que le décret attaqué n'est contraire ni au dispositif de cette décision ni au motif qui en est le soutien nécessaire ;
Considérant, en sixième lieu, qu'il n'existe pas de droits acquis au maintien d'un acte réglementaire ; que les requérants ne sauraient donc invoquer les prétendus droits acquis qu'ils tiendraient de l'état antérieur de la réglementation pour critiquer le décret attaqué qui la modifie ;
Considérant, en septième lieu, que l'article 30 du traité, en date du 25 mars 1957, instituant la communauté économique européenne dispose que "les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effet équivalent sont interdites entre les états membres" et qu'aux termes de l'article 34 du même traité "les restrictions quantitatives à l'exportation ainsi que toute mesure d'effet équivalent sont interdites entre les états membres" ; que d'une part les dispositions contestées du décret attaqué ne concernent que les produits vendus sur le marché français et ne comportent donc aucune incidence sur les exportations de yaourts et de lait fermenté surgelé ; que, d'autre part, lesdites dispositions qui ne comportent par elles-mêmes aucune restriction quantitative aux importations ont pour seul objet, dans l'intérêt des consommateurs, de réserver à des produits présentant certaines caractéristiques la dénomination de "yaourts" et ne sauraient être regardés commme ayant un effet équivalent à de telles restrictions ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu à renvoi d'une question préjudicielle devant la cour de justice des communautés européennes en application de l'article 177 du traité de Rome, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 30 et 34 dudit traité ne saurait être accueilli ;
Considérant, en huitième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions du rapport déposé par M. X..., que, compte-tenu des effets que la surgélation est susceptible de produire sur la "viabilité" et le comportement des deux bactéries lactiques ensemencées dans le yaourt, les dispositions du décret attaqué, en tant qu'elles réservent la dénomination de "yaourt" aux seuls laits fermentés frais, obtenus par le développement des deux bactéries en cause, et qu'elles interdisent de ce fait d'appliquer cette dénomination aux laits fermentés surgelés, ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des dispositions de l'article 2 du décret n° 82-184 du 22 février 1982, ni par suite de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de la consommation au recours gracieux formé le 9 mars 1982 par le syndicat requérant et dirigé contre lesdites dispositions ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, d'un montant de 7 590 F à la charge de la Société SMANOR et du Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés et Congelés ;
Article 1er : Les requêtes de la Société SMANOR et du Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés et Congelés sont rejetées.
Article 2 : Les frais d'expertise d'un montant de 7 590 F exposés devant le Conseil d'Etat sont mis à la charge de la Société SMANOR et du Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés etCongelés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société SMANOR, au Syndicat National des Fabricants de Produits Surgelés et Congelés, au Syndicat National des Fabricants des Produits Laitiers Frais, au Premier ministre, au ministre d'Etat, chargé de l'économie, des finances et de la privatisation, au Garde des sceaux, ministre dela justice, au ministre de l'agriculture et au ministre des affaires sociales et de l'emploi.