Conseil d'État
N° 59674
ECLI:FR:CESJS:1987:59674.19870605
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Combarnous, président
M. Todorov, rapporteur
M. Van Ruymbeke, commissaire du gouvernement
Lecture du 5 juin 1987
Vu l'ordonnance en date du 23 mai 1984, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 mai 1984, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 74 du code des tribunaux administratifs, la demande présentée à ce tribunal par M. X... ;
Vu la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 11 avril 1984, présentée par M. Ahmed X..., demeurant ... 76200 , et tendant à l'annulation de deux arrêtés du secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, chargé des rapatriés, portant respectivement création d'un système de traitement automatisé d'informations nominatives de gestion du fichier des bénéficiaires des aides réservées aux rapatriés d'Afrique du Nord visés à l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962, et création d'un système de traitement automatisé d'informations nominatives du suivi des demandeurs d'emploi,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu le décret n° 82-398 du 12 mai 1982 ;
Vu le décret n° 83-331 du 21 avril 1983 ;
Vu le décret n° 53-1169 du 28 novembre 1953 modifié, notamment par le décret n° 72-143 du 22 février 1972 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Todorov, Auditeur,
- les conclusions de M. Van Ruymbeke, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la demande présentée par M. X... tend à l'annulation de deux arrêtés, en date des 28 février et 13 mars 1984, par lesquels le secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, chargé des rapatriés a créé deux systèmes de traitement automatisé d'informations nominatives, pour les besoins d'une part, de la gestion du fichier des bénéficiaires des aides réservées aux rapatriés d'Afrique du Nord visés à l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962, d'autre part, du "suivi des demandeurs d'emploi" issus de l'ensemble des rapatriés ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 février 1984 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : "Il est interdit de mettre ou conserver en mémoire informatisée, sauf accord exprès de l'intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales des personnes.... Pour des motifs d'intérêt public, il peut être fait exception à l'interdiction ci-dessus sur proposition ou avis conforme de la commission par décret en Conseil d'Etat" ;
Considérant qu'il ressort despièces du dossier que le fichier créé par l'arrêté du 28 février 1984 concerne exclusivement des personnes visées à l'article 2 de l'ordonnance du 21 juillet 1962 qui définit les conditions dans lesquelles les "personnes de statut civil de droit local originaires d'Algérie" peuvent se faire reconnaître la nationalité française ; que ce fichier fait ainsi apparaître indirectement les opinions religieuses des personnes intéressées ; que, si lorsqu'elles demandent le bénéfice d'une des aides prévues par la loi, ces personnes sont informées de l'incorporation dans un fichier nominatif des données fournies, cette circonstance ne saurait tenir lieu de l'accord exprès prévu par les dispositions de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que le système de traitement automatisé dont il s'agit ne pouvait être créé par arrêté ministériel sans méconnaître les dispositions précitées dudit article ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 13 mars 1984 :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du décret n° 83-331 du 21 avril 1983, publié au Journal Officiel du 22 avril 1983, le secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, chargé des rapatriés, est, sous l'autorité du ministre, responsable des questions relatives à l'ensemble des Français rapatriés d'outre-mer et dispose d'une délégation pour signer en son nom tous actes, arrêtés et décisions dans la limite des attributions qui lui sont confiées ; qu'il lui appartenait, par suite, de créer le fichier dont s'agit dans les conditions prévues par la loi susvisée du 6 janvier 1978 dès lors que ce fichier était destiné à être utilisé par la délégation nationale à l'action éducatrice, sociale et culturelle pour les rapatriés qui faisait partie des services placés sous son autorité ;
Considérant, en second lieu, que, contrairement au fichier créé par l'arrêté du 28 février 1984, le fichier des demandeurs d'emploi créé par l'arrêté attaqué du 13 mars 1984 concerne non les seules personnes visées à l'article 2 de l'ordonnance du 21 juillet 1962 mais l'ensemble des rapatriés et qu'il ne contient aucune donnée relevant des dispositions précitées de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait méconnu les dispositions dudit article 31 manque en fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 13 mars 1984 qui ne méconnaît pas l'article 2 de la Constitution et dont l'opportunité ne saurait être discutée devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux ;
Article 1er : L'arrêté du 28 février 1984 du secrétaire d'Etat chargé des rapatriés est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... etau secrétaire d'Etat aux rapatriés.
N° 59674
ECLI:FR:CESJS:1987:59674.19870605
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Combarnous, président
M. Todorov, rapporteur
M. Van Ruymbeke, commissaire du gouvernement
Lecture du 5 juin 1987
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance en date du 23 mai 1984, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 30 mai 1984, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 74 du code des tribunaux administratifs, la demande présentée à ce tribunal par M. X... ;
Vu la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 11 avril 1984, présentée par M. Ahmed X..., demeurant ... 76200 , et tendant à l'annulation de deux arrêtés du secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, chargé des rapatriés, portant respectivement création d'un système de traitement automatisé d'informations nominatives de gestion du fichier des bénéficiaires des aides réservées aux rapatriés d'Afrique du Nord visés à l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962, et création d'un système de traitement automatisé d'informations nominatives du suivi des demandeurs d'emploi,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu le décret n° 82-398 du 12 mai 1982 ;
Vu le décret n° 83-331 du 21 avril 1983 ;
Vu le décret n° 53-1169 du 28 novembre 1953 modifié, notamment par le décret n° 72-143 du 22 février 1972 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Todorov, Auditeur,
- les conclusions de M. Van Ruymbeke, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la demande présentée par M. X... tend à l'annulation de deux arrêtés, en date des 28 février et 13 mars 1984, par lesquels le secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, chargé des rapatriés a créé deux systèmes de traitement automatisé d'informations nominatives, pour les besoins d'une part, de la gestion du fichier des bénéficiaires des aides réservées aux rapatriés d'Afrique du Nord visés à l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962, d'autre part, du "suivi des demandeurs d'emploi" issus de l'ensemble des rapatriés ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 28 février 1984 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : "Il est interdit de mettre ou conserver en mémoire informatisée, sauf accord exprès de l'intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales des personnes.... Pour des motifs d'intérêt public, il peut être fait exception à l'interdiction ci-dessus sur proposition ou avis conforme de la commission par décret en Conseil d'Etat" ;
Considérant qu'il ressort despièces du dossier que le fichier créé par l'arrêté du 28 février 1984 concerne exclusivement des personnes visées à l'article 2 de l'ordonnance du 21 juillet 1962 qui définit les conditions dans lesquelles les "personnes de statut civil de droit local originaires d'Algérie" peuvent se faire reconnaître la nationalité française ; que ce fichier fait ainsi apparaître indirectement les opinions religieuses des personnes intéressées ; que, si lorsqu'elles demandent le bénéfice d'une des aides prévues par la loi, ces personnes sont informées de l'incorporation dans un fichier nominatif des données fournies, cette circonstance ne saurait tenir lieu de l'accord exprès prévu par les dispositions de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que le système de traitement automatisé dont il s'agit ne pouvait être créé par arrêté ministériel sans méconnaître les dispositions précitées dudit article ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 13 mars 1984 :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du décret n° 83-331 du 21 avril 1983, publié au Journal Officiel du 22 avril 1983, le secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, chargé des rapatriés, est, sous l'autorité du ministre, responsable des questions relatives à l'ensemble des Français rapatriés d'outre-mer et dispose d'une délégation pour signer en son nom tous actes, arrêtés et décisions dans la limite des attributions qui lui sont confiées ; qu'il lui appartenait, par suite, de créer le fichier dont s'agit dans les conditions prévues par la loi susvisée du 6 janvier 1978 dès lors que ce fichier était destiné à être utilisé par la délégation nationale à l'action éducatrice, sociale et culturelle pour les rapatriés qui faisait partie des services placés sous son autorité ;
Considérant, en second lieu, que, contrairement au fichier créé par l'arrêté du 28 février 1984, le fichier des demandeurs d'emploi créé par l'arrêté attaqué du 13 mars 1984 concerne non les seules personnes visées à l'article 2 de l'ordonnance du 21 juillet 1962 mais l'ensemble des rapatriés et qu'il ne contient aucune donnée relevant des dispositions précitées de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait méconnu les dispositions dudit article 31 manque en fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 13 mars 1984 qui ne méconnaît pas l'article 2 de la Constitution et dont l'opportunité ne saurait être discutée devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux ;
Article 1er : L'arrêté du 28 février 1984 du secrétaire d'Etat chargé des rapatriés est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... etau secrétaire d'Etat aux rapatriés.