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Ariane Web: Conseil d'État 168029, lecture du 25 novembre 1998, ECLI:FR:CESSR:1998:168029.19981125

Décision n° 168029
25 novembre 1998
Conseil d'État

N° 168029
ECLI:FR:CESSR:1998:168029.19981125
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
Mme Aubin, président
Mme Forray, rapporteur
Mme Maugüé, commissaire du gouvernement


Lecture du 25 novembre 1998
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars et 20 juillet 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE GRIMAUD, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE GRIMAUD demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 1er décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nice a, à la demande de l'Association d'information et de défense de l'environnement (A.I.D.E.), d'une part, annulé les délibérations des 8 juin 1993 et 30 juillet 1993 par lesquelles le conseil municipal a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune, d'autre part, condamné celle-ci à verser à l'Association d'information et de défense de l'environnement la somme de 5 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) décide qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;
3°) rejette la demande de l'Association d'information et de défense de l'environnement devant le tribunal administratif de Nice ;
4°) condamne l'Association d'information et de défense de l'environnement à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Forray, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE GRIMAUD et de Me Odent, avocat de la SNC Grimaud les Restanques,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de la SNC Grimaud les Restanques :
Considérant que la SNC Grimaud les Restanques, qui est l'aménageur de la zone d'aménagement concerté des Restanques et qui est titulaire de plusieurs permis de construire dans cette zone, a intérêt à l'annulation du jugement attaqué ; qu'ainsi son intervention au soutien de la requête de la COMMUNE DE GRIMAUD est recevable ;
Sur les conclusions de la requête :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme : "Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques" ; qu'aux termes du deuxième alinéa du même article : "Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. Un décret définit la nature et les modalités de réalisation de ces aménagements" ; et qu'aux termes de l'article R. 146-1 du même code : "En application du premier alinéa de l'article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : ( ...) b) les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; ( ...) f) Les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourrisseries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour sa plus grande partie le secteur de la COMMUNE DE GRIMAUD qui a fait l'objet de la révision partielle du plan d'occupation des sols approuvée par les délibérations du conseil municipal des 8 juin et 30 juillet 1993, est constitué de zones boisées des contreforts du massif des Maures, site remarquable dominant le rivage de la mer, ainsi que de milieux présentant un intérêt écologique pour la faune et la flore ; qu'ainsi, ces espaces sont au nombre de ceux dont l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme exige la préservation ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme que la préservation des tels espaces n'est pas conciliable avec le classement retenu par les auteurs de la révision du plan d'occupation des sols permettant respectivement leur urbanisation, l'implantation d'un golf ainsi que la réalisation future de la voie Fréjus-La-Foux, qui ne constituent pas des aménagements légers tels que définis au deuxième alinéa de l'article L. 146-6 ; que, par suite, les délibérations approuvant la révision du plan d'occupation des sols sont entachées d'illégalité en tant qu'elles concernent les espaces protégés au titre de l'article L. 146-6 ; que si l'article L. 146-7 du code de l'urbanisme permet, sous certaines conditions, la réalisation de nouvelles routes proches du rivage en cas notamment de contraintes liées à la configuration des lieux, l'existence de telles contraintes ne résulte pas des pièces du dossier ; que, par suite, la COMMUNE DE GRIMAUD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a annulé les délibérations attaquées, en tant qu'elles concernent les espaces naturels à protéger au sens des dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, au motif qu'elles méconnaissent ces dispositions ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que la ZAC des Restanques, située dans le périmètre de la révision partielle contestée, qui a été créée et confiée à un aménageur antérieurement aux délibérations attaquées, est, pour partie, urbanisée ; que, par conséquent, dans sa partie urbanisée, elle ne constitue pas un espace naturel à protéger au sens des dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a annulé pour le motif susindiqué les délibérations attaquées, en tant qu'elles concernent la zone d'aménagement concerté des Restanques, à l'exception des parcelles 2237 à 2241 qui sont des espaces boisés proches du rivage ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'Association d'information et de défense de l'environnement devant le tribunal administratif de Nice en tant qu'ils concernent la zone d'aménagement concerté des Restanques ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré des insuffisances du rapport de présentation au regard des prescriptions de l'article R. 123-17 du code de l'urbanisme, en tant qu'il ne comporterait pas de données suffisantes, d'une part, sur le projet de golf et, d'autre part, sur l'évolution démographique et économique, manque en fait ;
Considérant qu'en raison du caractère suffisant du rapport de présentation, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que l'information assurée dans le cadre de l'enquête publique était, par voie de conséquence, elle-même insuffisante ; que les divergences dans le tracé du périmètre entre les documents graphiques et le rapport de présentation qui ont tous deux été mis à la disposition du public et n'ont suscité aucune obervation ne sont pas de nature à entacher l'enquête d'irrégularité ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 121-10 du code del'urbanisme que les documents d'urbanisme doivent concilier la protection et la préservation de l'espace avec la nécessité de prévoir suffisamment d'espaces constructibles pour la satisfaction des besoins présents et futurs ; qu'il ressort des pièces du dossier que la révision contestée n'a eu ni pour objet, ni pour effet d'étendre les zones constructibles au détriment des zones naturelles ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le plan d'occupation des sols n'assurerait pas de façon satisfaisante la conciliation des objectifs susmentionnés, doit être écarté ;
Considérant que si, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 146-2 du code de l'urbanisme : " Les plans d'occupation des sols doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation", ces dispositions ne sauraient recevoir application en l'espèce compte tenu de ce que les espaces concernés par la révision ne représentent pas une partie suffisamment significative du territoire communal ;
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : "L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan d'occupation des sols, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau" ;
Considérant que le projet envisagé par le plan d'occupation des sols pour le secteur de la ZAC des Restanques consiste en la réalisation d'un parc habité représentant une urbanisation limitée en continuité avec l'urbanisation existante ; que celle-ci est justifiée par des critères liés à la configuration des lieux ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 146-4 ne peut être accueilli ;
Sur les conclusions présentées respectivement par la commune et par l'Association d'information et de défense de l'environnement tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans son mémoire complémentaire, la COMMUNE DE GRIMAUD s'est désistée de ses conclusions tendant à ce que l'Association d'information et de défense de l'environnement soit condamnée à lui verser la somme de 20 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la COMMUNE DE GRIMAUD, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à l'Association d'information et de défense de l'environnement la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de la SNC Grimaud les Restanques est admise.
Article 2 : Il est donné acte du désistement de la COMMUNE DE GRIMAUD de ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a annulé les dispositions des délibérations du conseil municipal de la COMMUNE DE GRIMAUD des 8 juin et 30 juillet 1993 approuvant la révision du plan d'occupation des sols, en tant qu'ellesconcernent la ZAC des Restanques, à l'exception des parcelles 2237 à 2241.
Article 4: Les conclusions de la demande de l'Association d'information et de défense de l'environnement devant le tribunal administratif de Nice tendant à l'annulation des délibérations des 8 juin et 30 juillet 1993, en tant qu'elles concernent la zone d'aménagement concerté des Restanques, et le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE GRIMAUD sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE GRIMAUD, à l'Association d'information et de défense de l'environnement, à la SNC Grimaud les Restanques et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


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