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Ariane Web: Conseil d'État 340492, lecture du 15 juillet 2010, ECLI:FR:CESSR:2010:340492.20100715

Décision n° 340492
15 juillet 2010
Conseil d'État

N° 340492
ECLI:FR:CESSR:2010:340492.20100715
Mentionné au tables du recueil Lebon
3ème et 8ème sous-sections réunies
M. Vigouroux, président
Mme Emilie Bokdam, rapporteur
Mme Cortot-Boucher Emmanuelle, rapporteur public


Lecture du jeudi 15 juillet 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu l'ordonnance du 9 juin 2010, enregistrée le 14 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy, avant qu'il soit statué sur la requête de la REGION LORRAINE tendant à l'annulation du jugement du 25 février 2009 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 4 février 2005, 21 février 2006, 27 février 2007 et 31 mars 2008 du ministre de l'intérieur fixant le montant de la dotation générale de décentralisation devant lui être versée au titre des années 2005 à 2008 ainsi que des décisions du préfet de la région Lorraine lui notifiant le montant de ces dotations, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 101 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ;

Vu les mémoires, enregistrés le 25 mai 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, présentés par la REGION LORRAINE, représentée par le président du conseil régional, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emilie Bokdam, Auditeur,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;


Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que, par un arrêté du 8 août 2002 fixant le montant de la compensation allouée aux régions en contrepartie du transfert de compétences en matière de transports collectifs d'intérêt régional, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire et le ministre délégué aux libertés locales ont fixé à 1 063 791 055 euros le montant de la contribution de l'Etat pour l'exploitation des services transférés à compter du 1er janvier 2002, majoré de 65 703 745 euros ce montant pour tenir compte des modifications des modalités de fixation des redevances d'utilisation du réseau ferré national applicables à compter de cette même date, et fixé à 63 535 153 euros le montant de la contribution ainsi majorée pour la REGION LORRAINE ; que le législateur a, par l'article 101 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, fixé, à compter du 1er janvier 2002, le montant de la contribution de l'Etat pour l'exploitation de ces services à 1 063 791 055 euros, majoré ce montant de 67 092 143 euros pour tenir compte des modifications des modalités de fixation des redevances d'utilisation du réseau ferré national ayant pris effet au 1er janvier 2002, et fixé à 59 061 435 euros le montant de la contribution majorée pour la REGION LORRAINE ;

Considérant que la REGION LORRAINE soutient que les dispositions de l'article 101 de la loi de finances rectificative pour 2004 sont contraires au principe de sincérité budgétaire, au principe de non-rétroactivité de la loi et à l'objectif d'intelligibilité de la loi et qu'elles sont intervenues dans un domaine relevant de la compétence du pouvoir réglementaire en méconnaissance des articles 34 et 37 de la Constitution ;

Considérant que le principe de sincérité des lois de finances n'est pas au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution, au sens de son article 61-1 ;

Considérant que la méconnaissance par le législateur du domaine du règlement ne constitue pas, en tout état de cause, une violation d'un droit ou d'une liberté garanti par la Constitution au sens et pour l'application de cet article et ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

Considérant, enfin, que les dispositions législatives contestées ont pour seul objet de rectifier le montant de la majoration de la contribution de l'Etat pour l'exploitation des services ferroviaires régionaux de voyageurs en tenant compte des conséquences effectivement constatées du relèvement du barème des péages d'infrastructures applicable à compter du 1er janvier 2002 et, par suite, de procéder à une exacte compensation des charges transférées conformément au principe constitutionnel de compensation intégrale des transferts de compétences ; qu'à cette fin, elles modifient dans des proportions très limitées le montant des dotations de l'Etat ; que la REGION LORRAINE ne saurait dès lors sérieusement soutenir ni que le législateur leur aurait donné une portée rétroactive sans motif d'intérêt général suffisant et en la privant de la possibilité de prévoir l'évolution de ses ressources et, par suite, d'en disposer librement, ni, en tout état de cause, qu'elles méconnaîtraient l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;



D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la REGION LORRAINE, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la cour administrative d'appel de Nancy.


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