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Ariane Web: Conseil d'État 346395, lecture du 25 juin 2012, ECLI:FR:CESSR:2012:346395.20120625

Décision n° 346395
25 juin 2012
Conseil d'État

N° 346395
ECLI:FR:CESSR:2012:346395.20120625
Publié au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Eric Aubry, rapporteur
SCP LAUGIER, CASTON ; SCP DIDIER, PINET, avocats


Lecture du lundi 25 juin 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la requête, enregistrée le 4 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour LE COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13, dont le siège est au 71, rue Sénac de Meilhan à Marseille (13001), l'association LES AMIS DE LA TERRE DE FRANCE, dont le siège est au 2B, rue Jules Ferry à Montreuil (93100), M. Antoine A, demeurant ..., M. Gilles B, demeurant ..., et Mme Isabelle C, demeurant ... ; LE COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13 et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2009-263 du 6 mars 2009 autorisant le Commissariat à l'énergie atomique à procéder aux opérations de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement de l'installation nucléaire de base n° 32 dénommée Atelier de technologie du plutonium et située sur le territoire de la commune de Saint Paul-Lez-Durance (Bouches-du-Rhône) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Constitution, notamment son Préambule ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 ;

Vu le décret n° 63-1228 du 11décembre 1963 ;

Vu le décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Aubry, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat du COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13 et autres et de la SCP Laugier, Caston, avocat du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de la SOCIÉTÉ COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13 et autres, et à la SCP Laugier, Caston, avocat du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives ;



Considérant que le V de l'article 29 de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire dispose que : " La mise à l'arrêt définitif et le démantèlement d'une installation nucléaire de base sont subordonnés à une autorisation préalable " ; que le I de l'article 70 du décret du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives, pris pour l'application de cette loi, prévoit que : " Les demandes ... de mise à l'arrêt définitif déposées en application du décret du 11 décembre 1963 avant la publication du présent décret continuent à être instruites selon les procédures fixées par le décret du 11 décembre 1963. Ces demandes sont acceptées ou rejetées par décret pris sur le rapport des ministres chargés de la sûreté nucléaire et après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, selon les modalités définies aux articles 15 et 16 du présent décret. Le décret comporte les dispositions prévues par ... l'article 38 du présent décret et vaut décret d'autorisation ... de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement au sens de l'article 29 de la loi du 13 juin 2006 " ; qu'aux termes de l'article 38 du même décret : " II.-Le décret autorisant la mise à l'arrêt définitif et le démantèlement d'une installation nucléaire de base : / 1° Mentionne l'identité de l'exploitant et l'installation faisant l'objet du démantèlement ; / 2° Décrit les éléments essentiels (...) des opérations de démantèlement, de l'état du site après démantèlement et des opérations à la charge de l'exploitant après le démantèlement ; / 3° Fixe le délai d'exécution du démantèlement et, le cas échéant, les différentes étapes de celui-ci ; / 4° Peut modifier le décret d'autorisation de création de l'installation pour adapter, en fonction de l'avancement du démantèlement, la périodicité des réexamens de sûreté ou le périmètre de l'installation et fixer les conditions auxquelles cette adaptation est subordonnée (...)/ III.-Les prescriptions précédemment fixées (...) sont modifiées et complétées en tant que de besoin selon les modalités définies à l'article 25 " ; qu'en vertu de l'article 25 du décret, l'Autorité de sûreté nucléaire peut adopter les prescriptions techniques nécessaires à la protection de la sécurité, de la santé et de la salubrité publiques et à la protection de la nature et de l'environnement ; qu'enfin, l'article 45 de la loi du 13 juin 2006 prévoit que : " Les litiges relatifs aux décisions administratives prises en application des articles 29, 31, 33, 34, 41, 42 et 44 sont soumis à un contentieux de pleine juridiction. Les décisions peuvent être déférées devant la juridiction administrative:/ [...] 2° Par les tiers, en raison des dangers que le fonctionnement de l'installation nucléaire de base ou le transport peuvent présenter pour la santé des personnes et l'environnement, dans un délai de deux ans à compter de leur publication pour les décrets d'autorisation de création mentionnés aux I et II de l'article 29, les décrets d'autorisation de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement mentionnés au V du même article, ou les décrets d'autorisation d'arrêt définitif et de passage en phase de surveillance mentionnés au VI du même article, et dans un délai de quatre ans à compter de leur publication ou de leur affichage pour les autres décisions administratives visées au premier alinéa du présent article, ce dernier délai étant, le cas échéant, prolongé jusqu'à la fin d'une période de deux années suivant la mise en service de l'installation " ;

Considérant que LE COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13, l'association LES AMIS DE LA TERRE, MM. A ET B, MME C demandent, par une requête introduite dans le délai de recours de deux ans institué par l'article 45 de la loi du 13 juin 2006 et régularisée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, l'annulation du décret du 6 mars 2009 autorisant le Commissariat à l'énergie atomique, suite à sa demande du 26 avril 2006, à procéder aux opérations de mise à l'arrêt définitif et de démantèlement complet de l'installation nucléaire de base n° 32 dénommée Atelier de technologie du plutonium et située sur le territoire de la commune de Saint-Paul-Lez-Durance ( Bouches-du Rhône) ;

Sur les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt pour agir :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 de ses statuts, l'association COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13 a pour objet d'agir pour l'arrêt immédiat de toute production d'énergie nucléaire, d'agir pour l'abolition des armes nucléaires, d'informer et de sensibiliser les citoyens sur les enjeux et les risques portés par les activités nucléaires civiles et militaires, et de conduire toute procédure judiciaire ayant trait aux risques causés par les activités nucléaires civiles et militaires ; qu'en dépit de l'absence de délimitation, dans ses statuts, du ressort géographique de son champ d'action, cette association doit être regardée comme ayant un champ d'intervention local compte tenu des indications fournies sur ce point notamment par son appellation, la localisation de son siège social ainsi que l'existence, dans plusieurs autres départements, d'associations locales ayant un objet analogue et une dénomination similaire ; qu'elle justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du décret attaqué ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'association LES AMIS DE LA TERRE DE FRANCE qui a notamment pour objet, aux termes de l'article 2 de ses statuts, de prévenir les pollutions, les nuisances et les risques technologiques, en particulier nucléaires et biotechnologiques, a été agréée au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement ; que, dans la mesure où son objet statutaire est en rapport direct avec l'objet de l'acte attaqué, elle justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du décret du 6 mars 2009 ;
Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu de la distance qui sépare les habitations de M. A, M. B et MME C de l'installation nucléaire de base n°32, ces derniers n'ont pas un intérêt suffisant leur donnant qualité pour demander l'annulation du décret attaqué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête n'est recevable qu'en tant qu'elle émane des associations requérantes ;

Sur la légalité du décret du 6 mars 2009 :

Considérant, en premier lieu, que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude de dangers ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative ; qu'en l'espèce, s'il résulte de l'instruction que, ainsi que le soutiennent les requérants, l'étude de dangers réalisée dans le cadre de l'enquête publique qui a précédé l'édiction du décret attaqué a sous-estimé la quantité de matières fissiles et, de ce fait, sous-évalué l'ampleur du risque inhérent au démantèlement de l'installation litigieuse et si les insuffisances dont est entachée l'étude de dangers ont été de nature à peser sur la définition des modalités selon lesquelles l'opération litigieuse devait être menée, elles n'ont, en revanche, compte tenu de l'objet du décret attaqué, pas exercé d'influence sur le choix effectué, par l'auteur du décret, d'autoriser le démantèlement de l'installation nucléaire de base n° 32, ni nuit, sur ce point, à l'information du public ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'enquête publique doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il appartient à l'Autorité de sûreté nucléaire de définir les prescriptions selon lesquelles doivent être effectuées les opérations de démantèlement d'une installation nucléaire de base décidées par décret ; qu'il résulte de l'instruction que l'Autorité de sûreté nucléaire, à laquelle il revient d'assurer le contrôle du démantèlement des installations nucléaires de base, a suspendu, postérieurement au décret attaqué, les opérations de démantèlement, par une décision du 14 octobre 2009, avant de définir, le 19 octobre 2009, les conditions de reprise progressive de ces opérations en exigeant, d'une part, une nouvelle estimation des matières fissiles en rétention et, d'autre part, la définition des dispositions à mettre en oeuvre pour leur récupération ; qu'elle a soumis la reprise effective des opérations à mener en exécution du décret attaqué à son accord préalable, après vérification du respect de ces conditions ; que, dès lors que le démantèlement de l'installation litigieuse n'est susceptible de recevoir exécution que dans le respect des prescriptions ainsi fixées par l'Autorité de sûreté nucléaire, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'illégalité à raison des risques engendrés par la réalisation de l'opération qu'il autorise doit être écarté ; qu'il suit de là que les requérants ne sont fondés à demander ni l'annulation ni la réformation du décret du 6 mars 2009 ;

Considérant que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions des requérants présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme que le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :
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Article 1er : La requête du COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13 et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13, premier requérant dénommé, au Premier ministre, au ministre de l' économie, des finances et du commerce extérieur, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.
Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Hélène Didier et François Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui les représente devant le Conseil d'Etat.


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