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Ariane Web: Conseil d'État 369499, lecture du 19 juillet 2013, ECLI:FR:CEORD:2013:369499.20130719

Décision n° 369499
19 juillet 2013
Conseil d'État

N° 369499
ECLI:FR:CEORD:2013:369499.20130719
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du vendredi 19 juillet 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Fédération Sud Education, dont le siège social est 17, boulevard de la Libération à Saint-Denis (93200), représentée par son représentant légal ; la fédération requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret n° 2013-77 du 24 janvier 2013 relatif à l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


elle soutient que :
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté, dès lors que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du ministère de l'éducation nationale n'a pas été consulté ;
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que le décret contesté porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts du personnel enseignant du premier degré que la requérante a pour objet de défendre ;


Vu le décret dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cet décret ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2013, présenté par le ministre de l'éducation nationale, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
- le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du ministère de l'éducation nationale n'a pas de compétence pour se prononcer sur les projets de textes règlementaires ;
- la consultation des personnels a été assurée, comme il convenait, par la consultation du comité technique ministériel, auquel il appartenait, s'il l'estimait utile, de solliciter l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;
-l'irrégularité de procédure invoquée n'est en tout état de cause pas de nature à affecter la légalité du décret contesté ;
- la condition d'urgence n'est pas remplie, dès lors que le décret contesté ne porte pas une atteinte grave et immédiate aux intérêts du personnel enseignant du premier degré ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée notamment par la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 ;

Vu le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 modifié notamment par le décret n° 2011-774 du 28 juin 2011 ;

Vu le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Fédération Sud Education, d'autre part, le Premier ministre et le ministre de l'éducation nationale ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 17 juillet 2013 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendues :

- Me Hélène Farge, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération Sud Education ;
- la représentante du ministre de l'éducation nationale ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant que, pour contester la légalité du décret dont elle demande la suspension, la Fédération Sud Education invoque un unique moyen, tiré de ce que ce décret n'a pas été soumis à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, alors que, prévoyant l'organisation de la semaine scolaire sur neuf demi-journées au lieu de huit, il a une incidence sur les conditions de travail des enseignants ;

3. Considérant que l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984 dispose, dans la rédaction que lui a donnée l'article 9 de la loi du 5 juillet 2010, que les comités techniques connaissent, dans les administrations et les établissements publics de l'Etat qui ne présentent pas un caractère industriel et commercial, " des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services " ; que l'article 16 de cette loi, dans la rédaction que lui a donnée l'article 10 de la loi du 5 juillet 2010, prévoit que, dans les mêmes administrations et établissements, un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail " a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents dans leur travail, à l'amélioration des conditions de travail et de veiller à l'observation des prescriptions légales prises en ces matières " ; que la mise en oeuvre de ces dispositions législatives est assurée par le décret du 28 mai 1982, modifié notamment par le décret du 28 juin 2011, relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique et par le décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat ;

4. Considérant que l'article 34 du décret du 15 février 2011 prescrit de consulter le comité technique sur les " questions et projets de textes relatifs à l'organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services " ; que l'article 47 du décret du 28 mai 1982 prévoit, dans la rédaction que lui a donnée l'article 28 du décret du 28 juin 2011, que les missions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont définies " sous réserve des compétences des comités techniques " ; que l'article 48 de ce décret précise, comme l'article 34 du décret du 15 février 2011, que " le comité technique bénéficie du concours du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence et peut le saisir de toute question " ; qu'aux termes enfin de l'article 57 de ce décret, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté " sur les projets d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail " ; que ces dispositions ne peuvent être regardées comme imposant qu'un texte soumis à l'avis du comité technique doive également être présenté par l'administration au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail lorsque les mesures d'organisation du service qu'il prévoit ont une incidence sur les conditions de travail des agents ;

5. Considérant que le décret contesté a été soumis, conformément à l'article 15 de la loi du 11 janvier 1984 et à l'article 34 du décret du 15 février 2011, à l'avis du comité technique ministériel ; qu'il appartenait, le cas échéant, à ce comité de solliciter l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en application de l'article 34 du décret du 15 février 2011 et de l'article 48 du décret du 28 mai 1982 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des règles qui prévoient la consultation des agents sur les projets de textes relatifs à l'organisation et au fonctionnement des services n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du décret contesté ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Fédération Sud Education n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution du décret contesté ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent en conséquence qu'être rejetées ;


O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la Fédération Sud Education est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération Sud Education, au Premier ministre et au ministre de l'éducation nationale.