Conseil d'État
N° 373400
ECLI:FR:CESSR:2015:373400.20150306
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
Mme Anne Iljic, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
Lecture du vendredi 6 mars 2015
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire et trois nouveaux mémoires, enregistrés le 10 décembre 2014, les 2 et 10 février et le 2 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 59-1067 du 7 novembre 1958, le Comité Harkis et Vérité demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant, notamment, à l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 28 mai 2009 du président de la mission interministérielle aux rapatriés relative aux modalités d'application de la décision n° 282390 du 6 avril 2007 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 52 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 87-547 du 16 juillet 1987 ;
- la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013, notamment son article 52 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Iljic, auditeur,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité que le Comité Harkis et Vérité demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel, dirigée contre les dispositions de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013, a été présentée à l'appui de celles des conclusions de son recours pour excès de pouvoir qui tendent à l'annulation d'une circulaire du 28 mai 2009 du président de la mission interministérielle aux rapatriés relative aux modalités d'application de la décision n° 282390 du 6 avril 2007 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, avait annulé les dispositions du décret n° 2005-477 du 17 mai 2005 prises pour application des articles 6 et 9 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés, en tant qu'elles mettaient en oeuvre l'exclusion du bénéfice de l'allocation en cause des anciens membres des formations supplétives et assimilés soumis au statut civil de droit local n'ayant pas opté pour la nationalité française ; qu'il est fait grief à cette circulaire d'énoncer que le bénéfice de cette allocation est subordonné à l'appartenance au statut civil de droit local ; que le Groupe de contact Harkis et pouvoirs publics intervient au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le comité requérant ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard au caractère accessoire, par rapport au litige principal, d'une question prioritaire de constitutionnalité, une intervention, aussi bien en demande qu'en défense, n'est recevable à l'appui du mémoire par lequel il est demandé au Conseil d'Etat de renvoyer une telle question au Conseil constitutionnel qu'à la condition que son auteur soit également intervenu dans le cadre de l'action principale ; que le Groupe de contact Harkis et pouvoirs publics se borne à intervenir au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité Harkis et Vérités sans être intervenu au soutien de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 28 mai 2009 ; qu'ainsi son intervention est irrecevable ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale : " I. - Au premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés, après les mots : " formations supplétives ", sont insérés les mots : " de statut civil de droit local "./ II. - Les dispositions du I sont applicables aux demandes d'allocation de reconnaissance présentées avant leur entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée./ III. - La demande de bénéfice de l'allocation de reconnaissance prévue à l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est présentée dans un délai d'un an suivant l'entrée en vigueur de la présente loi " ;
5. Considérant que la modification ou la sortie de vigueur des dispositions législatives ou réglementaires faisant l'objet de l'interprétation énoncée par une circulaire rend cette dernière caduque sur ce point ; que, par sa décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions qui, dans le premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, le dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994, le paragraphe I bis de l'article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999, les sixième et septième alinéas de l'article 6 et l'article 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005, mentionnaient l'acquisition ou la possession de la nationalité française, dont celles qui, par les renvois qu'elles opéraient, réservaient aux seuls ressortissants de statut civil de droit local le bénéfice de l'allocation de reconnaissance ; que celles des dispositions de la circulaire du 28 mai 2009 dont le Comité Harkis et Vérité demande l'annulation pour excès de pouvoir qui rappellent les dispositions abrogées par le Conseil constitutionnel de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 sont ainsi devenues caduques à la suite de cette abrogation, qui a pris effet à la date de la publication de sa décision ; que la réintroduction, à cet article, d'une condition relative au statut civil de droit local des intéressés par l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 n'a pas eu pour effet, quelle que soit la date d'effet des dispositions de cet article, de faire revivre cette circulaire en tant qu'elle commentait les dispositions abrogées ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la disposition législative contestée au regard de la Constitution ne saurait être regardée comme applicable au litige, qui tend à l'annulation d'une circulaire frappée de caducité avant l'intervention de cette disposition ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité Harkis et Vérité.
Article 2 : L'intervention du Groupe de contact Harkis et pouvoirs publics au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité Harkis et Vérité n'est pas admise.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Comité Harkis et Vérité, au Groupe de contact Harkis et pouvoirs publics et au ministre de la défense.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.
N° 373400
ECLI:FR:CESSR:2015:373400.20150306
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
Mme Anne Iljic, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
Lecture du vendredi 6 mars 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire et trois nouveaux mémoires, enregistrés le 10 décembre 2014, les 2 et 10 février et le 2 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 59-1067 du 7 novembre 1958, le Comité Harkis et Vérité demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant, notamment, à l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 28 mai 2009 du président de la mission interministérielle aux rapatriés relative aux modalités d'application de la décision n° 282390 du 6 avril 2007 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 52 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 87-547 du 16 juillet 1987 ;
- la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013, notamment son article 52 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Iljic, auditeur,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité que le Comité Harkis et Vérité demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel, dirigée contre les dispositions de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013, a été présentée à l'appui de celles des conclusions de son recours pour excès de pouvoir qui tendent à l'annulation d'une circulaire du 28 mai 2009 du président de la mission interministérielle aux rapatriés relative aux modalités d'application de la décision n° 282390 du 6 avril 2007 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, avait annulé les dispositions du décret n° 2005-477 du 17 mai 2005 prises pour application des articles 6 et 9 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des français rapatriés, en tant qu'elles mettaient en oeuvre l'exclusion du bénéfice de l'allocation en cause des anciens membres des formations supplétives et assimilés soumis au statut civil de droit local n'ayant pas opté pour la nationalité française ; qu'il est fait grief à cette circulaire d'énoncer que le bénéfice de cette allocation est subordonné à l'appartenance au statut civil de droit local ; que le Groupe de contact Harkis et pouvoirs publics intervient au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le comité requérant ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard au caractère accessoire, par rapport au litige principal, d'une question prioritaire de constitutionnalité, une intervention, aussi bien en demande qu'en défense, n'est recevable à l'appui du mémoire par lequel il est demandé au Conseil d'Etat de renvoyer une telle question au Conseil constitutionnel qu'à la condition que son auteur soit également intervenu dans le cadre de l'action principale ; que le Groupe de contact Harkis et pouvoirs publics se borne à intervenir au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité Harkis et Vérités sans être intervenu au soutien de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 28 mai 2009 ; qu'ainsi son intervention est irrecevable ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale : " I. - Au premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés, après les mots : " formations supplétives ", sont insérés les mots : " de statut civil de droit local "./ II. - Les dispositions du I sont applicables aux demandes d'allocation de reconnaissance présentées avant leur entrée en vigueur qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée./ III. - La demande de bénéfice de l'allocation de reconnaissance prévue à l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés est présentée dans un délai d'un an suivant l'entrée en vigueur de la présente loi " ;
5. Considérant que la modification ou la sortie de vigueur des dispositions législatives ou réglementaires faisant l'objet de l'interprétation énoncée par une circulaire rend cette dernière caduque sur ce point ; que, par sa décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions qui, dans le premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987, le dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994, le paragraphe I bis de l'article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999, les sixième et septième alinéas de l'article 6 et l'article 9 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005, mentionnaient l'acquisition ou la possession de la nationalité française, dont celles qui, par les renvois qu'elles opéraient, réservaient aux seuls ressortissants de statut civil de droit local le bénéfice de l'allocation de reconnaissance ; que celles des dispositions de la circulaire du 28 mai 2009 dont le Comité Harkis et Vérité demande l'annulation pour excès de pouvoir qui rappellent les dispositions abrogées par le Conseil constitutionnel de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 sont ainsi devenues caduques à la suite de cette abrogation, qui a pris effet à la date de la publication de sa décision ; que la réintroduction, à cet article, d'une condition relative au statut civil de droit local des intéressés par l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 n'a pas eu pour effet, quelle que soit la date d'effet des dispositions de cet article, de faire revivre cette circulaire en tant qu'elle commentait les dispositions abrogées ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la disposition législative contestée au regard de la Constitution ne saurait être regardée comme applicable au litige, qui tend à l'annulation d'une circulaire frappée de caducité avant l'intervention de cette disposition ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité Harkis et Vérité.
Article 2 : L'intervention du Groupe de contact Harkis et pouvoirs publics au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le Comité Harkis et Vérité n'est pas admise.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Comité Harkis et Vérité, au Groupe de contact Harkis et pouvoirs publics et au ministre de la défense.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.