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Ariane Web: Conseil d'État 386044, lecture du 23 décembre 2015, ECLI:FR:CECHS:2015:386044.20151223

Décision n° 386044
23 décembre 2015
Conseil d'État

N° 386044
ECLI:FR:CESJS:2015:386044.20151223
Inédit au recueil Lebon
1ère SSJS
Mme Marie Sirinelli, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public


Lecture du mercredi 23 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société centrale éolienne des Ombrens et la société centrale éolienne de la Sorbière ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 10 novembre 2009 par lesquels le préfet du Gard a refusé de leur accorder les permis de construire qu'elles demandaient pour l'implantation d'un parc éolien sur les communes de Crespian, de Combas et de Montmirat. Par un jugement nos 1001139, 1001219, 1001220 du 8 novembre 2012, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 13MA00062 du 26 septembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille, sur l'appel de la société centrale éolienne des Ombrens et de la société centrale éolienne de la Sorbière, a annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il rejetait les demandes de ces sociétés, ainsi que les arrêtés du préfet du Gard, et a enjoint à ce dernier de réexaminer les demandes de permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 novembre 2014 et 27 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 26 septembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;





Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par des arrêtés du 10 novembre 2009, le préfet du Gard a rejeté les demandes de permis de construire présentées par la société centrale éolienne des Ombrens et la société centrale éolienne de la Sorbière en vue de la construction de six éoliennes et de deux postes de livraison sur les communes de Crespian, de Combas et de Montmirat. Par un jugement du 8 novembre 2012, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté les demandes des deux sociétés dirigées contre ces arrêtés. Par un arrêt du 26 septembre 2014, contre lequel le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et ces arrêtés, et a enjoint au préfet du Gard de réexaminer les demandes de permis de construire présentées par les deux sociétés dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt.

Sur l'intervention présentée par le Collectif d'associations pour la défense du bois des Lens :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 432-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires des parties doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés par un avocat au Conseil d'Etat ".

3. Le présent litige touche à une matière pour laquelle aucune disposition n'a prévu d'exception à la règle posée par ces dispositions. Par suite, l'intervention du Collectif d'associations pour la défense du bois des Lens, présentée sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, n'est pas recevable.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

5. L'arrêt attaqué relève que le préfet a fait une appréciation erronée de l'atteinte que les projets en cause étaient de nature à porter à la sécurité publique au regard des dispositions citées ci-dessus, au motif, d'une part, que l'implantation des éoliennes, choisie en fonction des préconisations de l'étude du risque d'incendie de l'Office national des forêts datée du 19 mai 2006, permettrait l'utilisation par les avions de lutte contre l'incendie de plusieurs axes de largage sur le site concerné et, d'autre part, que les projets avaient intégré les recommandations de cette étude visant à compenser les obstacles que les éoliennes constituent pour la lutte aérienne contre les incendies, par le déplacement ou la suppression de certaines d'entre elles ainsi que par le renforcement des moyens de défense au sol, grâce notamment à la mise en place de citernes, à l'intégration de pistes d'accès techniques au réseau de défense contre l'incendie et à des opérations de débroussaillement.

6. Il ressort toutefois des pièces du dossier, tel qu'il était soumis aux juges du fond, que la zone concernée par ces projets éoliens, qui a déjà connu des incendies, se caractérise par un niveau de risque d'incendie de forêt qualifié de " globalement 'élevé à très élevé' " par l'étude de l'Office national des forêts, susceptible d'être aggravé lors des travaux d'installation et de maintenance des éoliennes, et que l'intervention des moyens aériens de lutte contre les feux de forêt ne pourra être assurée dans un rayon de six cents mètres autour de chacune des éoliennes, eu égard notamment à leur hauteur, de cent vingt mètres en bout de pales, alors que la hauteur de largage des avions bombardiers d'eau varie entre trente et soixante mètres au-dessus de la végétation. Si le service départemental d'incendie et de secours du Gard a émis un avis favorable au projet, il ne se prononce que sur l'usage des moyens terrestres de lutte contre l'incendie. Or il ressort des plans annexés à l'étude de l'Office national des forêts et des observations émanant de la base d'avions de la sécurité civile de Marignane que le couloir aérien ménagé pour les avions bombardiers d'eau est insuffisant pour assurer la protection de cette zone particulièrement accidentée, où les secours au sol demeureraient insuffisants. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les mesures tenant au débroussaillement, à l'entretien des accès au sol ou à la mise en place de citernes soient de nature à compenser efficacement les perturbations induites dans la lutte contre les incendies par la présence des éoliennes et, ce faisant, à supprimer l'atteinte à la sécurité publique ainsi caractérisée. Par suite, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur ce point, dénaturé les pièces du dossier.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.


D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention du Collectif d'associations pour la défense du Bois des Lens n'est pas admise.
Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 26 septembre 2014 est annulé.
Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, à la société centrale éolienne des Ombrens et à la société centrale éolienne de la Sorbière.
Copie en sera adressée au Collectif d'associations pour la défense du Bois des Lens.