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Ariane Web: Conseil d'État 399323, lecture du 13 janvier 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:399323.20170113

Décision n° 399323
13 janvier 2017
Conseil d'État

N° 399323
ECLI:FR:CECHR:2017:399323.20170113
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Vincent Villette, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du vendredi 13 janvier 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme G...J...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du 22 janvier 2016 par laquelle le conseil municipal de Méry-sur-Seine a procédé à l'élection des conseillers communautaires auprès de la communauté de communes Seine-Fontaine-Beauregard. Par un jugement n° 1600137 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 avril et 26 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme J...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération du 22 janvier 2016 du conseil municipal de Méry-sur-Seine relative à l'élection des conseillers communautaires.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2015-264 du 9 mars 2015 ;
- la décision n° 2014-504 QPC du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme Z...O..., de Mme F...P..., de M. AA... M..., de M. S...Q..., de Mme V...I..., de M. R...C..., de Mme H...T..., de M. S...D..., de M. U...Y..., de Mme K...L..., de Mme B...N..., de M. W...A...et de Mme E...X...;



Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution et a abrogé le deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales permettant de fixer le nombre et la répartition des conseillers communautaires des communautés de communes et d'agglomération par accord entre les communes membres. Il a estimé que la remise en cause immédiate de la répartition des sièges dans les communautés de communes et d'agglomérations où elle avait fait l'objet d'un accord en application de la disposition abrogée, antérieurement à cette abrogation, entrainerait des conséquences manifestement excessives. Il a toutefois prévu qu'il y avait " lieu de prévoir la remise en cause du nombre et de la répartition des sièges dans les communautés de communes et les communautés d'agglomération au sein desquelles le conseil municipal d'au moins une des communes membres est, postérieurement à la date de la publication de la (...) décision, partiellement ou intégralement renouvelé ".

2. A la suite de cette décision, la loi du 9 mars 2015 autorisant l'accord local de répartition des sièges de conseillers communautaires a rétabli, selon des modalités différentes, la possibilité pour les communes membres de procéder par accord local à la répartition des sièges dans les communautés de communes et d'agglomérations. Pour la mise en oeuvre de la décision du Conseil constitutionnel, l'article 4 de la loi a prévu que " (...) En cas de renouvellement intégral ou partiel du conseil municipal d'une commune membre d'une communauté de communes ou d'une communauté d'agglomération dont la répartition des sièges de l'organe délibérant a été établie par accord intervenu avant le 20 juin 2014, il est procédé à une nouvelle détermination du nombre et de la répartition des sièges de conseiller communautaire en application du même article L. 5211-6-1, dans sa rédaction résultant de la présente loi, dans un délai de deux mois à compter de l'événement rendant nécessaire le renouvellement du conseil municipal. / Le 1° de l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est applicable à la désignation des conseillers communautaires destinée à pourvoir les sièges répartis en application des deux premiers alinéas du présent article ".

3. Aux termes de l'article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales, " Les métropoles, communautés urbaines, communautés d'agglomération et communautés de communes sont administrées par un organe délibérant composé de délégués des communes membres élus dans le cadre de l'élection municipale au suffrage universel direct pour toutes les communes dont le conseil municipal est élu au scrutin de liste, dans les conditions fixées par la loi... ". Aux termes de l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales, " Par dérogation aux articles L. 5211-6 et L. 5211-6-1, entre deux renouvellements généraux des conseils municipaux : / 1° En cas de création d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, de fusion entre plusieurs établissements publics de coopération intercommunale dont au moins l'un d'entre eux est à fiscalité propre, d'extension du périmètre d'un tel établissement par l'intégration d'une ou de plusieurs communes ou la modification des limites territoriales d'une commune membre ou d'annulation par la juridiction administrative de la répartition des sièges de conseiller communautaire, il est procédé à la détermination du nombre et à la répartition des sièges de conseiller communautaire dans les conditions prévues à l'article L. 5211-6-1. (...) / Dans les communes dont le conseil municipal est élu selon les modalités prévues au chapitre III du titre IV dudit livre Ier : / a) Si le nombre de sièges attribués à la commune est supérieur ou égal au nombre de conseillers communautaires élus à l'occasion du précédent renouvellement général du conseil municipal, les conseillers communautaires précédemment élus font partie du nouvel organe délibérant ; le cas échéant, les sièges supplémentaires sont pourvus par élection dans les conditions prévues au b ; / b) S'il n'a pas été procédé à l'élection de conseillers communautaires lors du précédent renouvellement général du conseil municipal ou s'il est nécessaire de pourvoir des sièges supplémentaires, les conseillers concernés sont élus par le conseil municipal parmi ses membres et, le cas échéant, parmi les conseillers d'arrondissement au scrutin de liste à un tour, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation, chaque liste étant composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. La répartition des sièges entre les listes est opérée à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Si le nombre de candidats figurant sur une liste est inférieur au nombre de sièges qui lui reviennent, le ou les sièges non pourvus sont attribués à la ou aux plus fortes moyennes suivantes. ".

4. Aux termes de l'article L. 273-5 du code électoral, " I. - Nul ne peut être conseiller communautaire s'il n'est conseiller municipal ou conseiller d'arrondissement ".

5. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la démission du maire et de plus d'un tiers des membres du conseil municipal le 15 octobre 2015, de nouvelles élections municipales ont été organisées à Méry-sur-Seine en application de l'article L. 270 du code électoral. A l'issue du premier tour de scrutin qui a eu lieu le 6 décembre 2015, la liste " une équipe sereine, compétente et complémentaire pour Méry " a obtenu 13 des 15 sièges au conseil municipal, tandis que la liste d'opposition obtenait deux élues dont MmeJ.... Le 15 décembre 2015, le préfet de l'Aube a arrêté le nombre et la répartition des conseillers communautaires de la communauté de communes de Seine-Fontaine-Beauregard, la commune de Méry-sur-Seine obtenant 6 sièges contre 3 dans la composition qui avait été arrêtée le 28 octobre 2013 à la suite d'un accord entre les communes membres de cette collectivité en application du I de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales dans sa version alors applicable. Par une délibération du 22 janvier 2016, le conseil municipal de Méry-sur-Seine a élu les 6 conseillers communautaires chargés de représenter la commune au sein de la communauté de communes. MmeJ..., qui avait été désignée conseiller communautaire en 2014, n'a pas été élue lors de ce scrutin. Elle relève appel devant le Conseil d'Etat du jugement du 29 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa protestation contre l'élection des conseillers communautaires intervenue le 22 janvier 2016.

Sur le moyen tiré de ce que les conseillers communautaires représentant la commune de Méry-sur-Seine auraient dû être élus au suffrage universel direct à l'occasion de l'élection des conseillers municipaux :

6. Il résulte des dispositions de l'article 4 de la loi du 9 mars 2015 précitées que le renouvellement intégral d'un conseil municipal appartenant à une communauté de communes ou à une communauté d'agglomération au sein duquel la répartition des sièges de conseillers communautaires avait fait l'objet, avant le 20 juin 2014, d'un accord fondé sur le paragraphe I de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction abrogée par le Conseil constitutionnel, doit s'accompagner d'une nouvelle décision fixant le nombre et la répartition des sièges dans un délai de deux mois suivant l'évènement ayant conduit au renouvellement.

7. Par le dernier alinéa de l'article 4 de la loi du 9 mars 2015 le législateur a prévu que la désignation des conseillers communautaires interviendrait conformément aux modalités prévues par les dispositions du 1° de l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales, c'est-à-dire par élection des conseillers communautaires par le conseil municipal parmi ses membres, y compris dans la ou les communes membres dont le renouvellement du conseil municipal impose une nouvelle détermination du nombre et de la répartition des sièges au conseil communautaire. Ainsi, le moyen tiré de ce que les conseillers communautaires auraient dû être élus au suffrage universel direct à l'occasion de l'élection des conseillers municipaux doit être écarté.

Sur le moyen tiré de ce que la désignation des conseillers communautaires n'aurait dû porter que sur les trois conseillers supplémentaires attribués à la commune à la suite de la nouvelle répartition des sièges entre les communes membres :

8. Il résulte des dispositions précitées du b) du 1° de l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales qu'en cas de renouvellement général du conseil municipal et s'il n'a pas été élu de conseillers communautaires à cette occasion, l'ensemble des sièges de conseillers communautaires attribués à la commune doivent faire l'objet d'une désignation par le conseil municipal nouvellement élu parmi ses membres. En effet, compte tenu des dispositions de l'article L. 273-5 du code électoral, selon lesquelles les conseillers communautaires doivent également avoir la qualité de conseiller municipal, les mandats de conseillers communautaires acquis avant le renouvellement intégral du conseil municipal ne peuvent être conservés. Ainsi, les dispositions du b) du 1° de l'article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales étaient seules applicables, à l'exclusion de celles du a) du même article, à la désignation des conseillers communautaires représentant la commune de Méry-sur-Seine et imposaient la désignation de l'ensemble des conseillers attribués à la commune dès lors que, comme il a été dit ci-dessus au C...6 et conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi du 9 mars 2015, aucun conseiller communautaire n'avait été élu à l'occasion du précédent renouvellement intégral, c'est-à-dire général au sens du b) du 1° de l'article L. 5211-6-2, du conseil municipal le 6 décembre 2015. Ainsi, le moyen tiré de ce que la désignation des conseillers communautaires n'aurait dû porter que sur les trois conseillers supplémentaires attribués à la commune à la suite de la nouvelle répartition des sièges entre les communes membres doit être écarté.

9. Il résulte de ce tout qui précède que Mme J...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa protestation. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme Z...O...et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme J...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mmes G...J..., Z...O..., F...P..., V...I..., H...T..., K...L..., B...N...et E...X..., à MM. AA...M..., S...Q..., R...C..., S...D..., U...Y...et W...A...et au ministre de l'intérieur.


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