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Ariane Web: Conseil d'État 406667, lecture du 30 mai 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:406667.20180530

Décision n° 406667
30 mai 2018
Conseil d'État

N° 406667
ECLI:FR:CECHR:2018:406667.20180530
Inédit au recueil Lebon
6ème et 5ème chambres réunies
M. Jean-Baptiste de Froment, rapporteur
Mme Julie Burguburu, rapporteur public


Lecture du mercredi 30 mai 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 406667, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 janvier et 11 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des collectivités de compostage demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel du 2 novembre 2016 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des papiers graphiques en application des articles L. 541-10, L. 541-10-1 et D. 543-207 à D. 543-211 du code de l'environnement, en tant qu'il exclut l'activité de compostage des activités de recyclage éligibles au soutien financier dont peuvent bénéficier les collectivités territoriales de la part des éco-organismes ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler intégralement cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Sous le n° 406668, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 janvier et 11 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des collectivités de compostage demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel du 29 novembre 2016 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d'emballages ménagers en application des articles L. 541-10 et R. 543-53 à R. 543-65 du code de l'environnement, en tant qu'il exclut l'activité de compostage des activités de recyclage éligibles au soutien financier dont peuvent bénéficier les collectivités territoriales de la part des éco-organismes ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler intégralement cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................

3° Sous le n° 408516, par une ordonnance n° 1702103/4 du 22 février 2017, enregistrée le 28 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par l'association Amorce, l'association Cercle national du recyclage, le syndicat mixte de valorisation des déchets ménagers de la Charente et la communauté urbaine du Grand Dijon.

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 3 février 2017, et par un mémoire en réplique, enregistré le 24 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Amorce, l'association Cercle national du recyclage, le syndicat mixte de valorisation des déchets ménagers de la Charente dit " CALITOM " et la communauté urbaine du Grand Dijon demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel du 29 novembre 2016 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d'emballages ménagers en application des articles L. 541-10 et R. 543-53 à R. 543-65 du code de l'environnement, ensemble ledit cahier des charges ;

2) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;
- la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.



1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'environnement : " Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. / Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 541-9 du même code : " Les producteurs, importateurs ou exportateurs doivent justifier que les déchets engendrés, à quelque stade que ce soit, par les produits qu'ils fabriquent, importent ou exportent sont de nature à être gérés dans les conditions prescrites à l'article L. 541-2. (...) " ; qu'en vertu du II de l'article L. 541-10 du même code : " En application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent. / Les producteurs, importateurs et distributeurs, auxquels l'obligation susvisée est imposée par les dispositions de la présente section et sous réserve desdites dispositions, s'acquittent de leur obligation en mettant en place des systèmes individuels de collecte et de traitement des déchets issus de leurs produits ou en mettant en place collectivement des éco-organismes, organismes auxquels ils versent une contribution financière et transfèrent leur obligation et dont ils assurent la gouvernance. (...) / Les éco-organismes sont agréés par l'Etat pour une durée maximale de six ans renouvelable s'ils établissent qu'ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences d'un cahier des charges, fixé par arrêté interministériel, et après avis de l'instance représentative des parties prenantes de la filière. / (...) " ; qu'en vertu du IV de l'article L. 541-10-1, applicable au donneur d'ordre qui émet ou fait émettre des imprimés papiers, " Sous sa forme financière, la contribution prévue au présent article est versée à un organisme agréé par les ministères chargés de l'environnement, des collectivités territoriales, de l'économie et de l'industrie, qui verse aux collectivités territoriales une participation financière aux coûts de collecte, de valorisation et d'élimination qu'elles supportent. / (...) / Les contributions financières sont déterminées suivant un barème fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement, des collectivités territoriales, de l'économie et de l'industrie ", ce dernier étant qualifié de " barème aval " ;

2. Considérant que, par deux arrêtés datés respectivement des 2 novembre et 29 novembre 2016, les ministres compétents ont, sur le fondement des dispositions de l'article L. 541-10 du code de l'environnement citées au point 1, défini les procédures d'agrément des éco-organismes des filières " papiers graphiques " et " emballages ménagers " et approuvé les cahiers des charges de ces organismes pour la période 2017-2022 ; que ces deux arrêtés prévoient, notamment, de mettre fin, à compter du 1er janvier 2018, à la participation financière des éco-organismes aux coûts de collecte, de valorisation et d'élimination supportés par les collectivités territoriales de métropole pour les déchets de ces deux filières faisant l'objet d'un traitement par la voie du compostage ; que, par les requêtes nos 406667 et 406668, la Fédération nationale des activités de compostage demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés dans cette dernière mesure ou, à titre subsidiaire, leur annulation intégrale ; que, par la requête n° 408516, l'association Amorce, l'association Cercle national du recyclage, le syndicat mixte de valorisation des déchets ménagers de la Charente et la communauté urbaine du Grand Dijon demandent l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2016 ; qu'il y a lieu de joindre l'ensemble de ces requêtes pour statuer par une seule décision ;

Sur les interventions dans les instances nos 406667 et 406668 :

3. Considérant, d'une part, que l'association Cercle national du recyclage justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation des arrêtés des 2 et 29 novembre 2016 attaqués ; que, d'autre part, l'association Amorce justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2016 attaqué ; qu'ainsi, leurs interventions sont recevables ;

Sur le désistement dans l'instance n° 408516 :

4. Considérant que le désistement d'instance de la communauté urbaine du Grand Dijon dans la requête n° 408516 est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Sur le cadre juridique commun aux deux arrêtés attaqués :

5. Considérant que l'article 46 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, fixe à la politique concernant le traitement des déchets les objectifs nationaux suivants : " (...) b) Augmenter le recyclage matière et organique afin d'orienter vers ces filières un taux de 35 % en 2012 et 45 % en 2015 de déchets ménagers et assimilés contre 24 % en 2004, ce taux étant porté à 75 % dès 2012 pour les déchets d'emballages ménagers et les déchets banals des entreprises hors bâtiment et travaux publics, agriculture, industries agro-alimentaires et activités spécifiques. / En particulier, améliorer la gestion des déchets organiques en favorisant en priorité la gestion de proximité de ces derniers, avec le compostage domestique et de proximité, et ensuite la méthanisation et le compostage de la fraction fermentescible des déchets ménagers et plus particulièrement celle des déchets des gros producteurs collectés séparément pour assurer notamment la qualité environnementale, sanitaire et agronomique des composts et la traçabilité de leur retour au sol " ; que, " pour atteindre ces objectifs ", le même article confie à l'Etat le soin de mettre en oeuvre un dispositif complet associant : " (...) e) Un cadre réglementaire, économique et organisationnel permettant d'améliorer la gestion de certains flux de déchets, notamment par le développement de collectes sélectives et de filières appropriées (...) ; dans le cas particulier des emballages, le financement par les contributeurs sera étendu aux emballages ménagers consommés hors foyer et la couverture des coûts de collecte, de tri et de traitement sera portée à 80 % des coûts nets de référence d'un service de collecte et de tri optimisé, dans l'agrément de l'éco-organisme compétent à l'occasion de son renouvellement fin 2010, pour prendre effet au plus tard fin 2012 (...) " ;

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement : " La politique nationale de prévention et de gestion des déchets est un levier essentiel de la transition vers une économie circulaire. Ses objectifs, adoptés de manière à respecter la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie au II, sont les suivants : / (...) 4° Augmenter la quantité de déchets faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière, notamment organique, en orientant vers ces filières de valorisation, respectivement, 55 % en 2020 et 65 % en 2025 des déchets non dangereux non inertes, mesurés en masse. Le service public de gestion des déchets décline localement ces objectifs pour réduire les quantités d'ordures ménagères résiduelles après valorisation. A cet effet, il progresse dans le développement du tri à la source des déchets organiques, jusqu'à sa généralisation pour tous les producteurs de déchets avant 2025, pour que chaque citoyen ait à sa disposition une solution lui permettant de ne pas jeter ses biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles, afin que ceux-ci ne soient plus éliminés, mais valorisés. La collectivité territoriale définit des solutions techniques de compostage de proximité ou de collecte séparée des biodéchets et un rythme de déploiement adaptés à son territoire. (...) / Les soutiens et les aides publiques respectent la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie au II du présent article et la hiérarchie de l'utilisation dans les ressources définie à l'article L. 110-1-2. / (...) " ;

7. Considérant, d'autre part, qu'en vertu du II de l'article L. 541-1 du même code, la hiérarchie des modes de traitement des déchets consiste à privilégier, dans l'ordre : " a) La préparation en vue de la réutilisation ; / b) Le recyclage ; / c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; / d) L'élimination " ; qu'en vertu de l'article L. 110 1-2 du même code, la hiérarchie dans l'utilisation des ressources consiste à privilégier " les ressources issues du recyclage ou de sources renouvelables, puis les ressources recyclables, puis les autres ressources, en tenant compte du bilan global de leur cycle de vie " ;

8. Considérant, par ailleurs, que l'article L. 541-1-1 du même code définit le recyclage comme " toute opération de valorisation par laquelle les déchets, y compris les déchets organiques, sont retraités en substances, matières ou produits aux fins de leur fonction initiale ou à d'autres fins ", à l'exclusion des opérations de valorisation énergétique des déchets, de celles relatives à la conversion des déchets en combustible et des opérations de remblaiement ; que le compostage, dès lors qu'il permet de produire une matière fertilisante ou un support de culture conforme aux normes permettant son utilisation à cette fin, doit être regardé comme relevant du recyclage au sens de ces dispositions ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales : " Les communes, la métropole de Lyon ou les établissements publics de coopération intercommunale assurent, éventuellement en liaison avec les départements et les régions, la collecte et le traitement des déchets des ménages. " ; qu'en vertu de l'article L. 2224-16 du même code : " Le maire peut régler la présentation et les conditions de la remise des déchets en fonction de leurs caractéristiques. Il fixe notamment les modalités de collectes sélectives et impose la séparation de certaines catégories de déchets, notamment du papier, des métaux, des plastiques et du verre, pour autant que cette opération soit réalisable d'un point de vue technique, environnemental et économique. / Le service communal et, le cas échéant, les personnes dûment autorisées peuvent seuls recevoir ces déchets. / La gestion de ces déchets par la personne qui les produit peut être réglementée. " ;

Sur l'arrêté du 2 novembre 2016 relatif aux éco-organismes de la filière " papiers graphiques " :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'application combinée des dispositions citées aux points 6 à 9, et en particulier des principes de hiérarchie dans l'utilisation des ressources et de hiérarchie des modes de traitement des déchets, que l'arrêté attaqué a pu légalement, en fixant le cahier des charges des éco-organismes de la filière " papiers graphiques ", prévoir que la part des soutiens financiers calculée selon le tonnage de déchets collectés par application du " barème aval ", versée par les éco-organismes aux collectivités territoriales, serait déterminée en fonction de ceux de ces déchets qui, issus du tri et de la collecte sélectifs, sont orientés vers la filière de recyclage de l'industrie papetière en vue de leur retraitement aux fins de leur fonction initiale ; que le barème ainsi fixé conduit légalement, dans le respect des principes résultant des articles L. 541-1 et L. 110-1-2 du code de l'environnement, à privilégier la production de ressources issues du recyclage ; que, par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance de ces principes doivent être écartés ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué met fin au soutien financier des éco-organismes de la filière pour les déchets de type " papier graphique " qui, faute d'avoir fait l'objet d'un tri et d'une collecte sélective conforme aux standards de qualité fixés par le cahier des charges, ne peuvent faire l'objet d'un recyclage par l'industrie papetière ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les déchets de ce type, correctement triés et collectés, soient nécessaires au bon fonctionnement des installations de compostage, ces dernières ayant vocation à traiter, à titre principal, les déchets organiques, en particulier les biodéchets, et disposant d'autres sources de matière carbonée pour leur fonctionnement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il exclut désormais le compostage des activités de recyclage ouvrant droit, pour les collectivités territoriales en charge du service public de gestion des déchets, à un soutien financier de la part des éco-organismes de la filière " papier graphique " doit être écarté ;

12. Considérant, en troisième lieu, que le II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, énonce au nombre des principes qui, " dans le cadre des lois qui en définissent la portée ", inspire les politiques de l'environnement et notamment la gestion des ressources : " 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. (...) " ; que, comme il a été dit aux points 10 et 11, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué prévoit de concentrer le soutien financier des éco-organismes à l'appui d'un service de collecte et de tri optimisé permettant un recyclage dans la filière papetière ; que cette évolution, destinée à accroitre le taux de recyclage en incitant financièrement les gestionnaires du service public de gestion des déchets à améliorer le tri et la collecte, et en leur apportant alors un soutien financier plus important, ne conduit pas, contrairement à ce qui est soutenu, à empêcher la réalisation des objectifs de développement du recyclage des déchets énoncés par les dispositions, citées au point 6, de l'article L. 541-1 du code de l'environnement et ne méconnaît pas, par suite, le principe de non régression énoncé au 9° du II de l'article L. 110-1 du même code ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; que, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le maintien d'un soutien financier à l'activité de compostage dans les seules collectivités d'outre-mer est motivé par la rareté des installations de recyclage de déchets de papiers dans ces territoires, à la différence du reste du territoire national ; que la différence de traitement entre les collectivités territoriales d'outre-mer et celles de métropole qui résulte de l'arrêté attaqué est en rapport direct avec son objet et n'est pas manifestement disproportionnée au regard du motif qui la justifie ; que, dès lors, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté méconnait le principe d'égalité entre les collectivités territoriales d'outre-mer et celles de métropole ; que, d'autre part, le décret organise un dispositif de soutien aux collectivités territoriales de métropole en charge du service public de gestion des déchets qui consiste, ainsi qu'il a été dit précédemment, à déterminer la part principale de la contribution financière des éco-organismes en fonction des tonnages de déchets de papier graphique répondant aux " standards de qualité " permettant de les orienter vers les filières de recyclage de l'industrie papetière et, par ailleurs, à ne plus assurer de soutien financier pour les déchets de ce type demeurés dans les ordures ménagères résiduelles qui bénéficiaient auparavant de versements déterminés sur une base forfaitaire en fonction des modes de traitement de ces dernières ; que l'arrêté institue ainsi des règles identiques pour l'ensemble de ces collectivités et ne crée pas de différence de traitement pour l'application du principe d'égalité ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que s'il est soutenu que l'arrêté attaqué méconnait le principe de libre administration des collectivités territoriales, qui s'exerce, en vertu de l'article 72 de la Constitution, " dans les conditions prévues par la loi ", d'une part, l'exclusion du compostage du champ des modes de recyclage ouvrant droit à un soutien financier des collectivités territoriales est conforme aux objectifs de valorisation des déchets fixés au I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement et, d'autre part et en tout état de cause, l'arrêté qui met en oeuvre ces objectifs fixés par le législateur en organisant un soutien financier aux collectivités territoriales ne méconnaît pas, en lui-même, ce principe ;

15. Considérant, en sixième lieu, que l'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante ; qu'en principe, les normes nouvelles ont vocation à s'appliquer immédiatement ; que, toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, la réglementation nouvelle ; qu'il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ;

16. Considérant, d'une part, que l'arrêté attaqué prévoit que le dispositif issu de l'arrêté précédent est reconduit pour 2017, la suppression du soutien financier aux déchets de la filière demeurés dans les ordures ménagères n'entrant en vigueur qu'en 2018 ; que les diminutions de ressources qu'il entraîne sont par ailleurs susceptibles d'être compensées par une amélioration des processus de tri et de ramassage ; qu'il ne résulte ainsi pas des pièces du dossier que les conditions d'entrée en vigueur de la nouvelle règlementation porteraient une atteinte excessive aux intérêts financiers des collectivités territoriales assurant le service public de gestion des déchets ; que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions contestées de l'arrêté attaqué soient susceptibles d'avoir une incidence significative sur le développement de l'activité de compostage, laquelle vise principalement le recyclage des déchets organiques, tel qu'il est prévu par le 4° du I de l'article L. 541-1 du code de l'environnement ; que le moyen tiré de l'atteinte au principe de sécurité juridique doit, par suite, être écarté ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête n° 406667 tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2016 en tant qu'il exclut l'activité de compostage des activités de recyclage éligibles au soutien financier dont peuvent bénéficier les collectivités territoriales de la part des éco-organismes, ainsi que ses conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à l'annulation intégrale de cet arrêté, doivent être rejetées ;


Sur l'arrêté du 29 novembre 2016 relatif aux éco-organismes de la filière " emballages ménagers " :

18. Considérant qu'en vertu de l'article R. 543-55 du code de l'environnement, " La gestion des déchets résultant de l'abandon des emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les ménages " est régie par les dispositions de la sous-section " Déchets d'emballages ménagers " de la section 5 du chapitre III du titre IV du livre V de ce code ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 543-56 du code : " Tout producteur, tout importateur, dont les produits sont commercialisés dans des emballages de la nature de ceux mentionnés à l'article R. 543-55 ou, si le producteur ou l'importateur ne peuvent être identifiés, la personne responsable de la première mise sur le marché de ces produits, est tenu de contribuer ou de pourvoir à la gestion de l'ensemble de ses déchets d'emballage, dans le respect des dispositions des articles L. 2224-13 à L. 2224-16 du code général des collectivités territoriales. " ; qu'aux termes de l'article R. 543-58 du même code : " Tout organisme ou entreprise qui a pour objet de prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles R. 543-56 et R. 543-57, les déchets d'emballages de ses cocontractants est agréé pour une durée maximale de six ans, renouvelable, par décision conjointe du ministre chargé de l'environnement, du ministre chargé de l'économie, du ministre chargé de l'industrie, du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé des collectivités territoriales " ; qu'en vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 543-58-1 du même code, le cahier des charges prévu à l'article L. 541-10 fixe, notamment, " les bases des versements opérés par l'organisme ou l'entreprise agréé en vue d'assurer aux collectivités territoriales une prise en charge des coûts de collecte, de tri et de traitement à hauteur de 80 % des coûts nets de référence d'un service de collecte et de tri optimisé " ; que l'article R. 543-59 du même code précise enfin que l'organisme ou l'entreprise mentionné à l'article R. 543-58 doit, à l'appui de sa demande d'agrément, indiquer les conditions dans lesquelles il prévoit de satisfaire aux clauses du cahier des charges prévu à l'article R. 543-58-1, et mentionne à cet effet, les objectifs qu'il entend réaliser par les accords qu'il passera notamment avec les collectivités territoriales ;

En ce qui concerne la légalité externe :

19. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, conformément à l'article D. 541-6-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, la commission des filières de responsabilité élargie des producteurs, dans sa formation transversale, a été consultée pour avis par le ministre chargé de l'environnement sur le projet d'arrêté litigieux ; que si l'association Amorce et autres font valoir que parmi les membres de la commission figurait alors un représentant de l'association Eco-emballages une telle circonstance n'a pas été de nature à affecter la régularité de l'avis rendu ;

En ce qui concerne la légalité interne :

20. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué comporte un nouveau dispositif de soutien financier de la part des éco-organismes de la filière " emballages ménagers " et destiné aux collectivités territoriales en charge du service public de gestion des déchets qui, comme cela est précisé à l'article I.2.b du cahier des charges qui lui est annexé, assure que l'éco-organisme titulaire de l'agrément prévu à l'article L. 541-10 du code de l'environnement met en oeuvre " les actions nécessaires pour contribuer activement à ce que soit atteint, en 2022, l'objectif national de 75 % de recyclage de l'ensemble des emballages ménagers (...) mis sur le marché en France " ; qu'à ce titre, il contribue à l'objectif de recyclage par un soutien financier dans le cadre du " barème F ", principalement à la tonne d'emballages ménagers recyclés, selon les modalités décrites au point IV.2, et de manière exceptionnelle pour la période 2018-2022, par des mesures d'accompagnement des collectivités territoriales ; que, de même que pour les déchets de la filière " papier graphique ", le cahier des charges prévoit que les soutiens financiers relatifs aux déchets d'emballages ménagers sont à titre principal consacrés à ceux qui, issus du tri et de la collecte sélectifs répondant à des exigences de qualité définis à l'article VI.1.b, sont orientés vers les filières de recyclage des cinq matériaux d'emballages pris en compte, c'est-à-dire l'acier, l'aluminium, les plastiques, le verre et les papiers/cartons, en vue de leur retraitement aux fins de leur fonction initiale ; qu'il conduit ainsi à privilégier la production de ressources issues du recyclage ; que le cahier des charges met en revanche fin au soutien apporté au titre du traitement par voie de compostage des déchets d'emballages ménagers demeurés dans les ordures ménagères résiduelles ; que la Fédération nationale des collectivités de compostage présente, à l'encontre de l'arrêté du 29 novembre 2016, les mêmes moyens que ceux présentés à l'encontre de l'arrêté du 2 novembre 2016 ; que ces moyens peuvent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 à 16 et en tenant compte, s'agissant du moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique, non du maintien pendant un an de la réglementation précédente, mais des modalités du soutien dit " de transition " prévu au chapitre IV.1.c du cahier des charges annexé à l'arrêté attaqué ;

21. Considérant, en deuxième lieu, que l'article IV.1.a du cahier des charges annexé à l'arrêté attaqué dispose que " Le titulaire conclut un contrat, sur la base d'un contrat type précisé ci-dessous, avec toute collectivité territoriale compétente en matière de collecte et/ou de traitement de déchets ménagers qui lui en fait la demande, dans les 30 jours qui suivent la réception de cette demande complète ", le contrat type prévoyant que le titulaire verse des soutiens financiers à la collectivité territoriale contractante selon les modalités du barème F prévues au IV.2 ; que l'exigence de passer un contrat afin de bénéficier des soutiens financiers d'un éco-organisme agréé prévu par le II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement, découle de l'économie générale du dispositif de responsabilité élargie du producteur et, s'agissant de la filière ici en cause, résulte des dispositions des articles R. 543-58-1 et R. 543-59 du même code ; que s'il est soutenu, par la voie de l'exception, que l'article R. 543-58-1 serait entaché d'illégalité, cette allégation n'est pas assortie des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, l'association Amorce et autres ne peuvent soutenir que les dispositions de l'article IV.1.a du cahier des charges méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales ;

22. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions du II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement citées au point 1 n'imposent pas que l'intégralité des coûts de collecte, de tri et de traitement des déchets soit à la charge des producteurs, lesquels sont seulement tenus d'y " contribuer " ; que l'article 46 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, cité au point 5, fixe d'ailleurs l'objectif que la couverture des coûts de collecte, de tri et de traitement des déchets d'emballages ménagers soit portée à 80 % des coûts nets de référence d'un service de collecte et de tri optimisé ; que, par suite, en prévoyant que le taux de couverture par les éco-organismes de la filière " emballages ménagers ", qui agissent pour le compte des producteurs de ces déchets, des coûts de collecte, de tri et de traitement des emballages ménagers supportés par les collectivités territoriales doit être de 80 %, le cahier des charges annexé à l'arrêté attaqué n'a méconnu ni les dispositions précitées, ni le principe " pollueur-payeur " énoncé à l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

23. Considérant, en quatrième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 20, le cahier des charges annexé à l'arrêté attaqué prévoit que les soutiens financiers relatifs aux déchets d'emballages ménagers sont à titre principal consacrés à ceux qui, issus du tri et de la collecte sélectifs, sont orientés vers les filières de recyclage des matériaux d'emballages en vue de leur retraitement aux fins de leur fonction initiale, conduisant ainsi à privilégier la production de ressources issues du recyclage et à inciter les collectivités territoriales en charge du service public de gestion des déchets à augmenter la proportion de déchets orientés vers ces filières ; qu'il comporte, par ailleurs, à son article IV.3 des " mesures d'accompagnement aux collectivités territoriales pour le déploiement de nouveaux moyens de collecte et de tri en vue de l'élargissement des consignes de tri ou pour l'optimisation de leur dispositif existant afin de contribuer à l'atteinte des objectifs nationaux fixés tout en optimisant les coûts ", dont il fixe le montant minimum ; qu'ainsi, il ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 543-58-1 du code de l'environnement qui reprennent les orientations fixées par l'article 46 de la loi du 3 août 2009 ;

24. Considérant, en cinquième lieu et dernier lieu, que le moyen tiré de " l'absence de responsabilité et l'absence d'objectif au niveau du cahier des charges " n'est pas assorti de précisions de nature à en apprécier le bien fondé ;

25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes nos 408516 et 406668 doivent être rejetées ;

Sur les demandes formées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante ;



D E C I D E :
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Article 1er : Il est donné acte du désistement d'instance de la communauté urbaine du Grand Dijon dans la requête n° 408516.

Article 2 : Les interventions de l'association Cercle national du recyclage dans les instances nos 406667 et 406668 et de l'association Amorce dans l'instance n° 406667 sont admises.

Article 3 : Les requêtes nos 406667 et 406668 de la Fédération nationale des collectivités de compostage et la requête n° 408516 de l'association Amorce, de l'association Cercle national du recyclage et du syndicat mixte de valorisation des déchets ménagers de la Charente sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des collectivités de compostage, à l'association Amorce, représentant unique désigné pour l'ensemble des requérants de la requête n° 408516 et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie pour information sera adressé au ministre de l'économie et des finances, au ministre de la cohésion des territoires et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.