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Ariane Web: Conseil d'État 410724, lecture du 26 juillet 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:410724.20180726

Décision n° 410724
26 juillet 2018
Conseil d'État

N° 410724
ECLI:FR:CECHR:2018:410724.20180726
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème et 6ème chambres réunies
M. Florian Roussel, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP GASCHIGNARD, avocats


Lecture du jeudi 26 juillet 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Clamecy à lui payer la somme de 23 879 euros en réparation des préjudices résultant de la décision du 9 décembre 2011 par laquelle le directeur du centre l'a exclu du système des astreintes mises en place dans cet établissement. Par un jugement n° 1401945 du 25 juin 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15LY02942 du 21 mars 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de M.A..., condamné le centre hospitalier de Clamecy à lui verser une indemnité de 2 000 euros.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 21 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Clamecy la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 ;
- le décret n° 2003-507 du 11 juin 2003 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. A...et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du centre hospitalier de Clamecy.



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 9 décembre 2011, le directeur du centre hospitalier de Clamecy a informé M. A..., adjoint des cadres hospitaliers titulaire, qu'il n'exercerait désormais plus aucune garde dans l'établissement ; que le recours gracieux formé par l'intéressé contre cette décision a été rejeté le 9 janvier 2012 ; que, par jugement du 26 décembre 2013, le tribunal administratif de Dijon a annulé ces deux décisions, aux motifs qu'elles ne reposaient sur aucun motif réel se rapportant à l'intérêt du service et que la décision du 9 décembre 2011 n'était pas motivée en droit ; que M. A...a alors introduit devant ce même tribunal une nouvelle requête, tendant à l'indemnisation du préjudice moral et financier qu'il estimait avoir subi du fait de l'illégalité de ces décisions ; que, par un jugement du 25 juin 2015, le tribunal a rejeté sa demande ; que, par un arrêt du 21 mars 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de M.A..., condamné le centre hospitalier de Clamecy à lui verser une indemnité de 2 000 euros au titre de son préjudice moral, tout en confirmant le refus du tribunal de l'indemniser de son préjudice financier, au motif qu'il ne pouvait prétendre à un avantage financier correspondant à des sujétions qu'il n'avait pas eu à subir ; que M. A...se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions indemnitaires ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, qui n'est pas sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'établissement. La durée de chaque intervention, temps de trajet inclus, est considérée comme temps de travail effectif. (...) " ; qu'aux termes de l'article 21 de ce décret : " Les astreintes sont organisées en faisant prioritairement appel à des agents volontaires " ; qu'aux termes de l'article 23 de ce décret : " Un même agent ne peut participer au fonctionnement du service d'astreinte que dans la limite d'un samedi, d'un dimanche et d'un jour férié par mois. La durée de l'astreinte ne peut excéder 72 heures pour 15 jours. (...) " ; qu'aux termes de l'article 25 de ce décret : " Le temps passé en astreinte donne lieu soit à compensation horaire, soit à indemnisation. Les conditions de compensation ou d'indemnisation des astreintes sont fixées par décret. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 juin 2003 relatif à la compensation et à l'indemnisation du service d'astreinte dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le temps passé en astreinte dans les conditions prévues par le titre II du décret du 4 janvier 2002 susvisé donne droit soit à une compensation horaire, soit à une indemnisation./ La compensation horaire est fixée au quart de la durée totale de l'astreinte à domicile./ L'indemnisation horaire correspond au quart d'une somme déterminée en prenant pour base le traitement indiciaire brut annuel de l'agent concerné au moment de l'astreinte dans la limite de l'indice brut 638 augmenté le cas échéant de l'indemnité de résidence, le tout divisé par 1 820. (...) " ;

3.Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les décisions du directeur du centre hospitalier de Clamecy excluant M. A... du dispositif des astreintes et rejetant son recours gracieux tendant à sa réintégration dans ce dispositif ont été annulées pour excès de pouvoir par un jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 décembre 2013, devenu définitif, au motif qu'elles n'étaient justifiées par aucun motif réel se rapportant à l'intérêt du service ; que, si l'exercice d'astreintes ne saurait constituer un droit, la cour n'a pu, sans erreur de droit, eu égard à la nature de l'illégalité constatée par le tribunal administratif et à l'autorité qui s'attachait à son jugement, exclure toute possibilité pour l'intéressé d'une indemnisation au titre du préjudice financier subi du fait des décisions fautives du directeur du centre hospitalier ; que, par suite, son arrêt doit être annulé en tant qu'il statue sur le préjudice financier de M. A... ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Clamecy et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Clamecy le versement à M. A...d'une somme de 3 000 euros au titre de ces mêmes dispositions ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 21 mars 2017 est annulé en tant qu'il statue sur le préjudice financier de M.A....

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Le centre hospitalier de Clamecy versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Clamecy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au centre hospitalier de Clamecy.


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