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Ariane Web: Conseil d'État 410956, lecture du 5 avril 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:410956.20190405

Décision n° 410956
5 avril 2019
Conseil d'État

N° 410956
ECLI:FR:CECHR:2019:410956.20190405
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Pauline Berne, rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public
SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY, avocats


Lecture du vendredi 5 avril 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

1°) Le syndicat des personnels du ministère de l'agriculture (SP Agri-CFDT) a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 27 juin 2014 rejetant son recours gracieux à l'encontre de la décision du 27 janvier 2014 rejetant la demande de décharge syndicale présentée par le syndicat SP Agri-CFDT au bénéfice de Mme A...B..., ensemble ladite décision, d'autre part, à l'annulation de la décision implicite de rejet par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie de la demande de décharge syndicale présentée par le syndicat SP Agri-CFDT le 4 avril 2014.

Par un jugement n° 1413164 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 27 juin 2014 rejetant le recours gracieux à l'encontre de la décision du 27 janvier 2014 rejetant la demande de décharge syndicale présentée par le syndicat SP Agri-CFDT au bénéfice de Mme A...B..., ensemble ladite décision et a rejeté le surplus de la demande.

2°) Le syndicat SP Agri-CFDT a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 12 août 2014 rejetant sa demande de décharge syndicale présentée au bénéfice de Mme A...B....

Par un jugement n° 1420981 du 3 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 12 août 2014 rejetant sa demande de décharge syndicale présentée au bénéfice de Mme A...B...et a rejeté le surplus de la demande.

Par un arrêt n° 16PA01195, 16PA01196 du 28 mars 2017, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, annulé les articles 1er et 2 des jugements n° 1413164 et n° 1420981 du tribunal administratif de Paris et rejeté les demandes présentées par le SP Agri-CFDT devant ce tribunal administratif ainsi que ses conclusions d'appel.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 mai et le 29 août 2017 et le 30 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat SP Agri CFDT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels du ministre ;

3°) de mettre à la charge du ministre de l'agriculture et de l'alimentation la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 2008-370 du 18 avril 2008 ;
- le décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 ;
- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Berne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat des personnels du ministère de l'agriculture SP Agri-CFDT ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le syndicat SP Agri-CFDT a sollicité le 22 janvier 2014 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire de la forêt une décharge d'activité de services à hauteur de 20 % au bénéfice de MmeB..., ingénieure divisionnaire de l'agriculture et de l'environnement, corps dont la gestion est assurée par le ministre de l'agriculture. Mme B...était en poste à la direction départementale des territoires de Saône-et-Loire, service relevant du Premier ministre en application de l'article 1er du décret du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles. Par courriers successifs du 27 janvier, du 14 février et du 27 février 2014, le ministre de l'agriculture a indiqué au syndicat que Mme B...étant rémunérée sur un programme budgétaire du ministère de l'écologie, la demande de décharge devait être présentée à ce ministre. A la suite d'une nouvelle demande de décharge présentée le 3 avril 2014 par le syndicat SP Agri-CFDT, le ministre de l'agriculture a confirmé par un courrier du 27 juin 2014 qu'il ne se considérait pas compétent et que la demande de décharge devait être présentée au ministre de l'écologie, par l'intermédiaire du syndicat CFDT de ce ministère. Le syndicat SP Agri-CFDT a également présenté le 4 avril 2014 une demande de décharge au bénéfice de Mme B...au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Par deux demandes enregistrées devant le tribunal administratif de Paris, le syndicat SP Agri-CFDT a demandé à ce tribunal, d'une part d'annuler les décisions du ministre de l'agriculture du 27 janvier et du 27 juin 2014 ainsi que la décision implicite de rejet du ministre de l'écologie de sa demande présentée le 4 avril 2014, d'autre part d'annuler la décision implicite de rejet du ministre de l'agriculture opposée à une nouvelle demande de décharge présentée le 12 juin 2014. Par un arrêt du 28 mars 2017, contre lequel le syndicat SP Agri-CFDT se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a annulé les jugements du 3 février 2016 du tribunal administratif de Paris en tant qu'ils avaient annulé les décisions de rejet du ministre de l'agriculture et rejeté les demandes présentées par le syndicat SP Agri-CFDT en première instance.

2. Aux termes, d'une part, de l'article 16 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique : " I. - Un crédit de temps syndical, utilisable sous forme de décharges de service ou de crédits d'heure selon les besoins de l'activité syndicale, est déterminé, au sein de chaque département ministériel, à l'issue du renouvellement général des comités techniques. Son montant global, exprimé en effectifs décomptés en équivalents temps plein, est calculé en fonction d'un barème appliqué aux effectifs. Ce montant est reconduit chaque année jusqu'aux élections suivantes, sauf modification du périmètre du département ministériel entraînant une variation de plus de 20 % des effectifs. / II. - Le contingent global de crédit de temps syndical de chaque ministère est calculé par application du barème ci-après : 1° Un équivalent temps plein par tranche de 230 agents jusqu'à 140 000 agents ; 2° Un équivalent temps plein par tranche de 650 agents, au-delà de 140 000 agents. / Les effectifs pris en compte correspondent au nombre des électeurs inscrits sur les listes électorales pour l'élection au comité technique ministériel. / III. - Le contingent global de crédit de temps syndical est réparti entre les organisations syndicales compte tenu de leur représentativité, appréciée de la manière suivante : 1° La moitié du contingent ministériel résultant de l'application du barème est répartie entre les organisations syndicales représentées au comité technique ministériel, en fonction du nombre de sièges qu'elles détiennent ; 2° L'autre moitié est répartie entre toutes les organisations syndicales ayant présenté leur candidature à l'élection du comité technique ministériel, proportionnellement au nombre de voix qu'elles ont obtenues. (...) VI. - Les organisations syndicales désignent librement parmi leurs représentants les bénéficiaires de crédits de temps syndical. / Les décharges de service sont exprimées sous forme d'une quotité annuelle de temps de travail. Les crédits d'heures sont utilisés sous forme d'autorisations d'absence d'une demi-journée minimum. / La liste nominative des bénéficiaires des crédits de temps syndical sollicités sous forme de décharges d'activité de service est communiquée par les organisations syndicales concernées au ministre ou au chef de service intéressé. Est par ailleurs mentionnée la part des crédits de temps syndical destinée à être utilisée sous forme de crédits d'heures. / Dans la mesure où la désignation d'un agent se révèle incompatible avec la bonne marche de l'administration, le ministre ou le chef de service motive son refus et invite l'organisation syndicale à porter son choix sur un autre agent. La commission administrative paritaire ou la commission consultative paritaire compétente doit être informée de cette décision ".

3. Aux termes, d'autre part, du deuxième alinéa du II de l'article 18 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat : " Les agents affectés, le cas échéant dans les conditions du décret du 18 avril 2008 susvisé, ou mis à disposition dans un service placé sous autorité d'un ministre autre que celui en charge de leur gestion sont électeurs au seul comité technique ministériel du département ministériel assurant leur gestion ainsi qu'au comité technique de proximité du service dans lequel ils exercent leurs fonctions ".

4. En premier lieu, les décharges d'activité de service constituent l'une des modalités d'exercice de la liberté syndicale dans la fonction publique, dans les conditions définies par les dispositions de l'article 16 du décret du 28 mai 1982 citées au point 2. En jugeant que le principe de liberté syndicale ne couvrait pas l'attribution aux syndicats de facilités pour l'exercice du droit syndical, dont l'octroi de décharges d'activités de service, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.

5. En second lieu, il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que le crédit de temps syndical est déterminé, au niveau de chaque département ministériel, en fonction du nombre d'électeurs inscrits sur les listes électorales pour l'élection au comité technique ministériel, puis réparti, en fonction de leurs résultats à cette élection, entre les organisations syndicales représentées au sein de ce comité ou ayant présenté des candidats. Chacune de ces organisations syndicales désigne librement parmi ses représentants les bénéficiaires de sa part du crédit de temps syndical. Elle communique au ministre en charge du département ministériel ou au chef de service intéressé la liste nominative des bénéficiaires des crédits sollicités sous forme de décharges d'activité de service. Ces bénéficiaires sont des agents de ce département ministériel et à ce titre électeurs au comité technique ministériel, quand bien même ils seraient affectés dans un service placé sous l'autorité d'un autre ministre ou mis à sa disposition. Dans ce cas, l'autorité compétente recueille l'accord de cet autre ministre ou du chef du service où est affecté l'agent, lequel se prononce au regard de la compatibilité de la décharge sollicitée avec la bonne marche de ce service.

6. Par suite, en jugeant que le ministre de l'écologie était seul compétent pour accorder une décharge d'activité de service à Mme B...au motif que celle-ci était rémunérée par un programme budgétaire relevant de ce ministre, sans rechercher si elle était électrice au comité technique paritaire du ministère de l'agriculture au titre duquel le syndicat SP Agri-CFDT l'avait désignée comme bénéficiaire d'un crédit de temps syndical, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation l'arrêt qu'il attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au SP Agri-CFDT au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 28 mars 2017 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera au SP Agri-CFDT une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.-761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat SP Agri-CFDT, au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.


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