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Ariane Web: Conseil d'État 411500, lecture du 12 avril 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:411500.20190412

Décision n° 411500
12 avril 2019
Conseil d'État

N° 411500
ECLI:FR:CECHR:2019:411500.20190412
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Cécile Viton, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocats


Lecture du vendredi 12 avril 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° La société par actions simplifiée (SAS) Printemps a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution partielle de la taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a acquittée, au titre de l'année 2015, pour son établissement situé 30, avenue d'Italie à Paris (75013). Par un jugement n° 1608550 du 8 février 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 17PA01204 du 8 juin 2017, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 juin 2017, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par la société Printemps contre ce jugement.

Sous le n° 411500, par ce pourvoi, enregistré le 7 avril 2017 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 et 17 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Printemps demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° La société Printemps a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution partielle de la taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a acquittée, au titre des années 2012 à 2014, pour son établissement situé 30, avenue d'Italie à Paris (75013). Par un jugement n° 1515246 du 8 février 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 17PA01203 du 8 juin 2017, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 juin 2017, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par la société Printemps contre ce jugement.

Sous le n° 411508, par ce pourvoi, enregistré le 7 avril 2017 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 et 17 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Printemps demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



....................................................................................

3° La société Printemps a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution partielle de la taxe sur les surfaces commerciales qu'elle avait acquittée, au titre des années 2012 à 2014, pour son établissement situé 25, cours de Vincennes à Paris (75020). Par un jugement n° 1611676 du 8 février 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 17PA01202 du 8 juin 2017, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 14 juin 2017, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par la société Printemps contre ce jugement.

Sous le n° 411509, par ce pourvoi, enregistré le 7 avril 2017 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 et 17 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Printemps demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;
- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Printemps ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 28 mars 2019, présentée par la société Printemps ;



Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de la société Printemps présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Printemps, qui exploite des grands magasins, a été assujettie à la taxe sur les surfaces commerciales au titre des années 2012 à 2015 pour son établissement situé 30, avenue d'Italie à Paris 13ème et au titre des années 2012 à 2014 pour son établissement situé 25, cours de Vincennes à Paris 20ème. Elle se pourvoit en cassation contre les jugements du 8 février 2017 par lesquels le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes de restitution partielle de ces impositions à hauteur de la part correspondant aux surfaces de vente qu'elle met à la disposition de diverses entreprises pour la vente de leurs marchandises. Par un pourvoi incident, le ministre de l'action et des comptes publics demande à ce que soient censurées l'erreur de qualification juridique et l'erreur de droit qu'aurait commises le tribunal en jugeant que la société Printemps offrait à ses cocontractants une prestation de services au sens des dispositions applicables à la taxe sur les surfaces commerciales, à raison des surfaces de vente mises à disposition.

3. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse quatre cents mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) / La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe, et celle visée à l'article L. 720-5 du code de commerce, s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. (...) / Pour les établissements dont le chiffre d'affaires au mètre carré est inférieur à 3 000 ?, le taux de cette taxe est de 5,74 ? au mètre carré de surface définie au troisième alinéa. Pour les établissements dont le chiffre d'affaires au mètre carré est supérieur à 12 000 ?, le taux est fixé à 34,12 ? (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 1er du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe sur les surfaces commerciales, pris pour l'application de ces dispositions, dans sa rédaction applicable aux années d'impositions en litige : " Les prestations de services, notamment la restauration, ne sont pas considérées comme des ventes au détail. Lorsqu'un établissement réalise à la fois des ventes au détail de marchandises en l'état et une autre activité, le chiffre d'affaires à prendre en considération au titre de la taxe d'aide est celui des ventes au détail en l'état, dès lors que les deux activités font l'objet de comptes distincts. ". En vertu de ces dispositions, la taxe sur les surfaces commerciales dont est redevable une entreprise est assise sur la surface de vente qu'elle exploite pour y exercer une activité de commerce de détail. La détermination de cette surface de vente ne dépend pas du chiffre d'affaires par mètre carré, qui n'a d'incidence que sur le taux de la taxe sur les surfaces commerciales. Il en résulte que l'exigence de comptes distincts lorsqu'un établissement réalise à la fois des ventes au détail de marchandises en l'état et une autre activité, prévue par le décret du 26 janvier 1995 afin de permettre de déterminer le taux de la taxe, est dépourvue d'incidence sur la détermination de l'assiette de la taxe.

4. Pour rejeter les requêtes de la société Printemps tendant à la restitution de la taxe sur les surfaces commerciales acquittée à raison des surfaces de vente qu'elle met à la disposition de diverses entreprises pour la vente de leurs marchandises, le tribunal administratif de Paris, après avoir estimé qu'elle exerçait, à raison de ces surfaces, une activité de prestation de services, a jugé que la production d'une liste détaillée des cocontractants, des contrats correspondants et d'un plan des locaux permettant d'identifier les espaces commerciaux objets de ces contrats ne pouvait se substituer à l'exigence de comptes distincts en ce qui concerne ses activités de vente de détail en l'état et ses activités de prestation de services, et qu'en l'absence de ces précisions, la détermination des superficies dédiées à cette prestation de services n'était pas établie. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en statuant ainsi, le tribunal a commis une erreur de droit.

5. Par suite, la société Printemps est fondée à demander l'annulation des jugements qu'elle attaque. Il en résulte que les pourvois incidents du ministre de l'action et des comptes publics perdent leur objet et qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler les affaires au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre de l'exploitation de ses grands magasins, la société Printemps a conclu avec plusieurs sociétés souhaitant y assurer la commercialisation de leurs produits, des " contrats de commission à la vente et de développement commercial ", par lesquels elle met à la disposition de ces sociétés, désignées comme " fournisseurs ", des emplacements réservés à la vente de leurs marchandises. Si les ventes s'effectuent sur les emplacements litigieux avec le concours du personnel spécialisé des fournisseurs qui fixent seuls le prix et les conditions de vente des marchandises et assument les frais d'aménagement des emplacements, ces ventes sont réalisées, aux termes mêmes des conditions générales de chaque contrat, par la société Printemps, en son nom propre et auprès de sa propre clientèle, pendant la totalité des jours et heures d'ouverture du grand magasin, les paiements par chèques ou cartes accréditives étant libellés à son nom. En outre, la société Printemps supporte les charges générales d'exploitation, détermine conjointement avec les fournisseurs les installations et décorations des emplacements, dispose d'un droit de regard sur l'assortiment des marchandises exposées à la vente ainsi que sur les projets de campagne publicitaire des fournisseurs et, enfin, se rémunère sous la forme d'une commission perçue sur le montant des ventes reversé aux fournisseurs. Enfin, si la plupart des contrats sont conclus pour une durée comprise entre un et cinq ans, assortie d'une clause de renouvellement tacite, et sont en pratique appliqués pendant plusieurs années consécutives, leurs stipulations réservent à la société Printemps la faculté de modifier ou déplacer à tout moment l'emplacement de vente pour tenir compte notamment des impératifs de sa propre politique commerciale, sous réserve d'un délai de préavis.

8. Il résulte des stipulations de ces contrats que la société Printemps doit être regardée comme exploitant ces surfaces de vente, au sens des dispositions de la loi du 13 juillet 1972 citées au point 3 ci-dessus, pour y réaliser une activité de vente au détail, et non comme exerçant une activité de prestation de service de mise à disposition d'espaces de ventes au détail.

9. L'instruction administrative BOI-TFP-TSC nos 60 et 210 du 12 septembre 2012 relative à la notion d'activité de commerce de détail et aux personnes redevables, ne contient, en tout état de cause, aucune interprétation formelle du texte fiscal dont le bénéfice est susceptible d'être invoqué par la société Printemps sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Printemps n'est pas fondée à demander la restitution de la taxe sur les surfaces commerciales acquittée à raison des surfaces de vente litigieuses.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Paris du 8 février 2017 sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les pourvois incidents du ministre de l'action et des comptes publics.

Article 3 : Les demandes de restitution de la société Printemps et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée (SAS) Printemps et au ministre de l'action et des comptes publics.




Voir aussi