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Ariane Web: Conseil d'État 421685, lecture du 21 octobre 2019, ECLI:FR:CECHS:2019:421685.20191021

Décision n° 421685
21 octobre 2019
Conseil d'État

N° 421685
ECLI:FR:CECHS:2019:421685.20191021
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème chambre
Mme Pauline Berne, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
SCP L. POULET, ODENT, avocats


Lecture du lundi 21 octobre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 juin et 10 septembre 2018 et le 22 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national de l'enseignement privé - Union nationale des syndicats autonomes (SNEP - UNSA) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, née du silence gardé sur sa demande du 22 février 2018 d'abroger la dernière phrase du 1er alinéa de l'article R. 914-77 du code de l'éducation ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de prononcer, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision du Conseil d'Etat, l'abrogation sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Berne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat du syndicat national de l'enseignement privé - Union nationale des syndicats autonomes (SNEP-UNSA) ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 914-75 du code de l'éducation : " Aux dates fixées chaque année par un arrêté du recteur, les chefs d'établissement transmettent au recteur, s'il s'agit d'un établissement du second degré, ou au directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, s'il s'agit d'un établissement du premier degré : / 1° La liste des services, complets ou incomplets, y compris les services nouveaux auxquels il y aura lieu de pourvoir à la rentrée scolaire ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 914-76 du même code : " La liste des services vacants est publiée par les soins de l'autorité académique compétente, avec l'indication du délai dans lequel les candidatures seront reçues. / Les personnes qui postulent l'un de ces services font acte de candidature auprès de l'autorité académique. Elles en informent par tous moyens le ou les chefs d'établissement intéressés. / Les maîtres titulaires qui demandent pour la première fois une nomination dans un établissement d'enseignement privé justifient, à l'appui de leur candidature, de l'accord préalable du chef de l'établissement dans lequel ils sollicitent cette nomination ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 914-77 du même code : " L'autorité académique soumet les candidatures, accompagnées de l'avis des chefs d'établissement ou, à défaut d'avis, de la justification qu'ils ont été informés des candidatures par les intéressés, à la commission consultative mixte compétente. Lorsque l'avis sur les candidatures est donné dans le cadre d'un accord sur l'emploi auquel l'établissement adhère, le chef d'établissement en informe la commission consultative mixte ".

2. Le syndicat national de l'enseignement privé - Union nationale des syndicats autonomes (SNEP - UNSA) demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a rejeté sa requête en date du 22 février 2018 tendant à l'abrogation de la dernière phrase du premier alinéa de l'article R. 914-77 du code de l'éducation.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'Accord national professionnel sur l'organisation de l'emploi des maîtres des établissements catholiques d'enseignement du 2nd degré sous contrat d'association du 12 mars 1987 ainsi que l'Accord professionnel sur l'organisation de l'emploi dans l'enseignement catholique du 1er degré du 10 février 2006, conclus entre le secrétaire général de l'enseignement catholique et, notamment, les représentants des chefs d'établissements concernés, prévoient la mise en place de commissions académiques de l'emploi et de commissions diocésaines de l'emploi, chargées de faciliter le processus de recrutement dans les établissements relevant de l'enseignement catholique, en adaptant les offres et demandes selon les priorités, les voeux présentés par les candidats et les remarques formulées par les chefs d'établissement, dans le respect du cadre législatif et règlementaire applicable.

4. Les dispositions contestées se bornent à prévoir que la commission consultative mixte compétente est éclairée sur les conditions dans lesquelles l'avis du chef d'établissement a été rendu, en l'informant de ceux rendus dans le cadre décrit au point précédent et qui relève de la libre organisation de l'enseignement catholique. Elles n'ont ni pour objet ni pour effet de lier l'avis de la commission consultative mixte, ou de substituer aux avis rendus à l'autorité académique par le chef d'établissement et la commission consultative mixte compétente, dans le cadre de la procédure de mutation des maîtres de l'enseignement privé, l'avis des commissions mentionnées au point précédent, et elles ne portent pas sur les principes fondamentaux de l'éducation relevant de la compétence du législateur en vertu de l'article 34 de la Constitution. La circonstance que les commissions mentionnées au point précédent seraient dépourvues de représentativité est par ailleurs sans incidence sur la légalité des dispositions contestées. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne pouvait légalement introduire dans la procédure de mutation des maîtres de l'enseignement privé une procédure interne à l'enseignement catholique doit être écarté.

5. En deuxième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Ce principe n'interdisait donc pas au pouvoir règlementaire de prévoir une information de la commission consultative mixte sur les conditions dans lesquelles l'avis du chef d'établissement a été rendu, lorsque l'établissement d'enseignement privé en cause a conclu un accord sur l'emploi. Le moyen tiré de ce que les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité ne peut donc qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 914-1 du code de l'éducation, " Les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat. Ces maîtres bénéficient également des mesures de promotion et d'avancement prises en faveur des maîtres de l'enseignement public. / (...) / Les maîtres titulaires d'un contrat définitif dont le service est supprimé ou réduit, les maîtres titulaires d'un contrat provisoire préalable à l'obtention d'un contrat définitif ainsi que les lauréats de concours bénéficient d'une priorité d'accès aux services vacants d'enseignement ou de documentation des classes sous contrat d'association dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État ". La procédure de recrutement et de mutation des maîtres de l'enseignement privé n'entre pas dans le champ des mesures mentionnées au premier alinéa de l'article L. 914-1 précité dès lors, notamment, qu'elle ne concerne pas les conditions de service et de cessation d'activité des enseignants au sens de cet article. Par suite, le moyen tiré de que les dispositions contestées méconnaissent cet alinéa ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Ses conclusions présentées à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par conséquent, qu'être également rejetées.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête du syndicat national de l'enseignement privé - Union nationale des syndicats autonomes (SNEP - UNSA) est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SNEP - UNSA et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.


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