Conseil d'État
N° 415837
ECLI:FR:CECHR:2019:415837.20191129
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. François Weil, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP KRIVINE, VIAUD, avocats
Lecture du vendredi 29 novembre 2019
Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 28 avril 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une ordonnance n° 17028159 du 6 octobre 2017, le président de chambre désigné par la présidente de la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande comme irrecevable.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 novembre 2017 et 20 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Krivine, Viaud, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Weil, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Krivine, Viaud, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... demande l'annulation de l'ordonnance du 6 octobre 2017 par laquelle a été rejetée comme tardive sa requête tendant à l'annulation de la décision du 28 avril 2017 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides refusant de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
2. L'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La Cour nationale du droit d'asile statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prises en application des articles L. 711-1 à L. 711-4, L. 712-1 à L. 712-3, L. 713-1 à L. 713-4, L. 723-1 à L. 723-8, L. 723-11, L. 723-15 et L. 723-16. A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office (...) ".
3. Aux termes de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991, applicable aux demandes introduites devant la Cour nationale du droit d'asile avant le 1er janvier 2019 : " Devant la Cour nationale du droit d'asile, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. Si l'aide juridictionnelle est sollicitée en vue d'introduire le recours devant la cour, elle doit être demandée dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'office. Dans le cas contraire, l'aide juridictionnelle peut être demandée lors de l'introduction du recours, exercé dans le délai. Ces délais sont notifiés avec la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides susceptible de recours ". L'article 39 du décret du 19 décembre 1991, applicable devant la Cour nationale du droit d'asile, dispose que lorsque l'aide juridictionnelle a été sollicitée avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, " un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ". Enfin, selon les dispositions de l'article R. 733-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le président de la cour et les présidents qu'il désigne à cet effet peuvent, par ordonnance motivée : (...) 4° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance ou qui n'ont pas été régularisés à l'expiration du délai imparti par une demande adressée en ce sens en application de l'article R. 733-9 ".
4. Il résulte de ces dispositions, applicables en l'espèce, que le président de la Cour nationale du droit d'asile ou les présidents qu'il a désignés peuvent rejeter par une ordonnance motivée les recours manifestement irrecevables parce que tardifs, notamment lorsque le recours du requérant ayant obtenu l'aide juridictionnelle a été enregistré après l'expiration du nouveau délai ouvert, dans les conditions prévues par l'article 39 du décret du 19 décembre 1991, à la suite de l'interruption du délai de recours par l'effet de la demande d'aide juridictionnelle.
5. Toutefois, afin d'assurer au requérant le bénéfice effectif du droit qu'il tient de la loi du 10 juillet 1991, dans le cas où l'auxiliaire de justice justifie avoir été informé de sa désignation à une date rendant en pratique impossible l'introduction du recours avant l'expiration de ce nouveau délai, le recours introduit dans le mois qui suit la date de cette information ne peut être regardé comme tardif.
6. Il ressort des pièces du dossier de la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile que la décision de refus de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été notifiée le 12 mai 2017 à M. A..., lequel a formé une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de 15 jours prescrit par l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991. Si la décision d'admission à l'aide juridictionnelle a été, le 7 juin 2017, notifiée à M. A..., l'avocate de celui-ci, qui avait été désignée par le bureau d'aide juridictionnelle auprès de la Cour nationale du droit d'asile par la même décision, n'a toutefois pas été informée de sa désignation et n'a introduit la requête que le 20 juillet 2017.
7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en rejetant cette requête comme manifestement irrecevable, l'auteur de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit. M. A... est, par suite, fondé à en demander l'annulation.
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Krivine, Viaud, son avocat, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance n° 17028159 du 6 octobre 2017 du président de section de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Krivine, Viaud, avocat de M. A..., la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
N° 415837
ECLI:FR:CECHR:2019:415837.20191129
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. François Weil, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP KRIVINE, VIAUD, avocats
Lecture du vendredi 29 novembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 28 avril 2017 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une ordonnance n° 17028159 du 6 octobre 2017, le président de chambre désigné par la présidente de la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande comme irrecevable.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 novembre 2017 et 20 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Krivine, Viaud, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Weil, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Krivine, Viaud, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... demande l'annulation de l'ordonnance du 6 octobre 2017 par laquelle a été rejetée comme tardive sa requête tendant à l'annulation de la décision du 28 avril 2017 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides refusant de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
2. L'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La Cour nationale du droit d'asile statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prises en application des articles L. 711-1 à L. 711-4, L. 712-1 à L. 712-3, L. 713-1 à L. 713-4, L. 723-1 à L. 723-8, L. 723-11, L. 723-15 et L. 723-16. A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office (...) ".
3. Aux termes de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991, applicable aux demandes introduites devant la Cour nationale du droit d'asile avant le 1er janvier 2019 : " Devant la Cour nationale du droit d'asile, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. Si l'aide juridictionnelle est sollicitée en vue d'introduire le recours devant la cour, elle doit être demandée dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'office. Dans le cas contraire, l'aide juridictionnelle peut être demandée lors de l'introduction du recours, exercé dans le délai. Ces délais sont notifiés avec la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides susceptible de recours ". L'article 39 du décret du 19 décembre 1991, applicable devant la Cour nationale du droit d'asile, dispose que lorsque l'aide juridictionnelle a été sollicitée avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, " un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ". Enfin, selon les dispositions de l'article R. 733-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le président de la cour et les présidents qu'il désigne à cet effet peuvent, par ordonnance motivée : (...) 4° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance ou qui n'ont pas été régularisés à l'expiration du délai imparti par une demande adressée en ce sens en application de l'article R. 733-9 ".
4. Il résulte de ces dispositions, applicables en l'espèce, que le président de la Cour nationale du droit d'asile ou les présidents qu'il a désignés peuvent rejeter par une ordonnance motivée les recours manifestement irrecevables parce que tardifs, notamment lorsque le recours du requérant ayant obtenu l'aide juridictionnelle a été enregistré après l'expiration du nouveau délai ouvert, dans les conditions prévues par l'article 39 du décret du 19 décembre 1991, à la suite de l'interruption du délai de recours par l'effet de la demande d'aide juridictionnelle.
5. Toutefois, afin d'assurer au requérant le bénéfice effectif du droit qu'il tient de la loi du 10 juillet 1991, dans le cas où l'auxiliaire de justice justifie avoir été informé de sa désignation à une date rendant en pratique impossible l'introduction du recours avant l'expiration de ce nouveau délai, le recours introduit dans le mois qui suit la date de cette information ne peut être regardé comme tardif.
6. Il ressort des pièces du dossier de la procédure devant la Cour nationale du droit d'asile que la décision de refus de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été notifiée le 12 mai 2017 à M. A..., lequel a formé une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de 15 jours prescrit par l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991. Si la décision d'admission à l'aide juridictionnelle a été, le 7 juin 2017, notifiée à M. A..., l'avocate de celui-ci, qui avait été désignée par le bureau d'aide juridictionnelle auprès de la Cour nationale du droit d'asile par la même décision, n'a toutefois pas été informée de sa désignation et n'a introduit la requête que le 20 juillet 2017.
7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en rejetant cette requête comme manifestement irrecevable, l'auteur de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit. M. A... est, par suite, fondé à en demander l'annulation.
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à la SCP Krivine, Viaud, son avocat, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance n° 17028159 du 6 octobre 2017 du président de section de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Krivine, Viaud, avocat de M. A..., la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.