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Ariane Web: Conseil d'État 419682, lecture du 19 décembre 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:419682.20191219

Décision n° 419682
19 décembre 2019
Conseil d'État

N° 419682
ECLI:FR:Code Inconnu:2019:419682.20191219
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Louise Cadin, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du jeudi 19 décembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 avril et 9 juillet 2018 et le 27 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société RMC Découverte demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2017-703 du 6 septembre 2017 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) l'a mise en demeure de se conformer à l'avenir aux stipulations de l'article 3-1-1 de sa convention, ainsi que la décision du 17 janvier 2018 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 septembre 2017 par laquelle le CSA a rejeté sa demande tendant à qualifier 27 programmes de documentaires ainsi que la décision du 17 janvier 2018 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge du Conseil supérieur de l'audiovisuel la somme de 5 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 26-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... A..., auditrice,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société RMC Découverte.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 décembre 2019, présentée par la société RMC Découverte ;



Considérant ce qui suit :

1. L'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que : " La délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'Etat et la personne qui en demande l'autorisation. (...) / La convention porte notamment sur un ou plusieurs des points suivants : 1° La durée et les caractéristiques générales du programme propre (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, la société RMC Découverte, éditrice du service de télévision par voie hertzienne du même nom, a conclu le 3 juillet 2012 avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) une convention qui stipule notamment, en son article 3-1-1, que la société s'engage à ce que " les documentaires représentent annuellement au moins 75 % du temps total de diffusion et portent sur une grande variété de sujets ".

2. Il ressort des pièces du dossier que, le CSA ayant estimé que vingt-sept programmes diffusés par la chaîne RMC Découverte au cours de l'année 2016 ne pouvaient être qualifiés de documentaires au sens des stipulations de l'article 3-1-1 de la convention du 3 juillet 2012 citée ci-dessus, le président du CSA a, le 21 septembre 2017, notifié à cette société, d'une part une décision de rejet, par le CSA, des demandes de " qualification " qu'elle avait présentées pour les vingt-sept programmes en question et, d'autre part, la décision du 6 septembre 2017 par laquelle le CSA, estimant que la société n'avait en conséquence pas rempli ses obligation de diffusion de documentaires pour l'année 2016, l'a mise en demeure de se conformer, pour l'avenir, à l'obligation prévue par l'article 3-1-1 de la convention.

3. La société RMC Découverte demande l'annulation de ces deux décisions, ainsi que des décisions du CSA du 17 janvier 2018 rejetant ses recours gracieux.

Sur la légalité des " refus de qualification " :

4. En premier lieu, en se fondant, pour déterminer si un programme ayant le caractère d'oeuvre audiovisuelle peut être qualifié de documentaire au sens de l'article 3-1-1 de la convention du 3 juillet 2012 cité au point 1, sur une appréciation d'ensemble des émissions en question, portant sur l'existence d'un point de vue d'auteur, mais aussi, pour les distinguer notamment des oeuvres de fiction ou de divertissement, premièrement sur la présence d'un apport de connaissances pour le spectateur, deuxièmement sur la présentation de faits ou de situations qui préexistent à la réalisation de l'émission, troisièmement sur l'absence - sans interdire toute reconstitution - de mises en scène artificielles et, enfin, lorsque le programme y est éligible, sur l'obtention du soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée au titre des oeuvres documentaires, le CSA n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En second lieu, la société RMC Découverte n'est pas fondée à soutenir que la décision refusant la " qualification " de ses programmes aurait, faute d'avoir été suffisamment prévisible, méconnu une obligation de " bonne foi et de loyauté " qui résulterait des dispositions de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 aux termes desquelles : " Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité publique indépendante, garantit l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle par tout procédé de communication électronique, dans les conditions définies par la présente loi (...) ".

Sur la légalité de la mise en demeure :

6. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " Les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et les opérateurs de réseaux satellitaires peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 ". Aux termes de l'article 4-2-1 de la convention du 3 juillet 2012 conclue par le CSA avec la société RMC Découverte : " Le Conseil peut mettre en demeure l'éditeur de respecter les stipulations figurant dans la convention et dans les avenants qui pourraient lui être annexés. Il rend publique cette mise en demeure ". Ces dispositions, qui confèrent au CSA le pouvoir de procéder à une mise en demeure, impliquent qu'une telle décision mentionne les faits constatés par le CSA, ainsi que les obligations dont il estime qu'elles ont été méconnues et auxquelles il invite l'éditeur, le distributeur ou l'opérateur à se conformer à l'avenir. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la mise en demeure litigieuse du 6 septembre 2017 comporte l'ensemble de ces éléments.

7. En deuxième lieu, l'illégalité d'un acte administratif ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. Si la mise en demeure litigieuse a bien pour fondement légal les stipulations de l'article 3-1-1 de la convention du 3 juillet 2012 et si la société RMC Découverte soutient que la mise en demeure n'aurait en revanche pas pu être prononcée si le CSA avait accepté la modification de ces stipulations, cette dernière circonstance n'a pas pour effet de conférer à la décision de refus de modification des stipulations en cause, opposée par le CSA le 22 juin 2018, le caractère de fondement légal de la mise en demeure. Celle-ci n'a pas davantage été prise pour l'application de ce refus. Par suite, le moyen par lequel la société RMC Découverte excipe de l'illégalité du refus de modification de la convention du 3 juillet 2012 est inopérant.

8. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 4, en estimant que plusieurs programmes diffusés par la chaîne RMC Découverte au cours de l'année 2016 n'avaient pas eu le caractère d'oeuvres documentaires au sens des stipulations de l'article 3-1-1 de la convention du 3 juillet 2012, pour en déduire que la société requérante avait méconnu, par un déficit d'au moins quinze points, l'obligation de diffusion qui lui incombait, le CSA n'a pas commis d'erreur de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire une enquête sur le fondement de l'article R. 623-1 du code de justice administrative, que la société RMC Découverte n'est fondée à demander, ni l'annulation des décisions de " refus de qualification " et de mise en demeure qu'elle attaque ni, par suite, celle des décisions du 17 janvier 2018 ayant rejeté ses recours gracieux. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société RMC Découverte est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société RMC Découverte et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Copie en sera adressée au ministre de la culture.


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