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Ariane Web: Conseil d'État 421219, lecture du 12 février 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:421219.20200212

Décision n° 421219
12 février 2020
Conseil d'État

N° 421219
ECLI:FR:CECHR:2020:421219.20200212
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Nicolas Agnoux, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public


Lecture du mercredi 12 février 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Realnet a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012. Par une ordonnance n° 1602361 du 9 janvier 2018, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Melun lui a donné acte du désistement de sa demande.

Par un arrêt n° 18PA00111 du 11 avril 2018, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Realnet, annulé ce jugement et renvoyé la demande de la société Realnet devant le tribunal administratif de Melun.

Par un pourvoi, enregistré le 5 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Les écritures de la société Realnet présentées sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, bien que l'intéressée ait été informée de l'obligation de recourir à ce ministère, doivent être écartées des débats.

2. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (...) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ".

3. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société Realnet a saisi le tribunal administratif de Melun le 15 mars 2016 d'une demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012. L'administration fiscale a présenté un mémoire en défense, enregistré au greffe du tribunal le 30 août 2016. Par un courrier du 28 novembre 2017, notifié par la voie de l'application informatique Télérecours et dont le conseil de la requérante a accusé réception le 6 décembre, le président de la 3ème chambre du tribunal a demandé à la requérante de confirmer le maintien de ses conclusions, en précisant qu'à défaut de réception de cette confirmation dans un délai d'un mois, elle serait réputée s'être désistée de ses conclusions en application des dispositions précitées de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative. La société Realnet n'ayant pas répondu à ces demandes dans le délai fixé, le président de la 3ème chambre a, par une ordonnance du 9 janvier 2018, donné acte de son désistement. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 avril 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé cette ordonnance.

4. A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. Il n'appartient au juge de cassation de remettre en cause cette dernière appréciation que dans le cas où il estime, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, qu'il a été fait un usage abusif de la faculté ouverte par ces dispositions.

5. D'une part, en estimant que, eu égard à la date d'introduction de la demande, à l'importance du montant des impositions en litige et à l'absence de dégrèvement survenu en cours d'instance, rien ne permettait de s'interroger sur l'intérêt que conservait la demande pour la société Realnet, la cour a jugé que le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, n'avait pas fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1. Il résulte de ce qui est dit au point 4 qu'elle n'a pas méconnu son office et, par suite, n'a commis aucune erreur de droit.

6. D'autre part, le moyen tiré de ce que la cour aurait dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant que le courrier du 28 novembre 2017 était de nature à prêter à confusion, qui est dirigé contre un motif surabondant de l'arrêt attaqué, est sans incidence sur l'issue du litige et doit donc être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société Realnet.



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