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Ariane Web: Conseil d'État 440335, lecture du 25 mai 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:440335.20200525

Décision n° 440335
25 mai 2020
Conseil d'État

N° 440335
ECLI:FR:CECHR:2020:440335.20200525
Inédit au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Fabio Gennari, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public


Lecture du lundi 25 mai 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B... A..., à l'appui de la demande qu'elle a formée devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation du premier tour des élections municipales qui s'est déroulé le 15 mars 2020 à Juvignac (Hérault), a présenté, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, un mémoire, enregistré le 17 avril 2020 au greffe de ce tribunal, par lequel elle a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 2001425 QPC du 29 avril 2020, enregistrée le 30 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente du tribunal administratif de Montpellier a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité ainsi soulevée, portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 262 du code électoral.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61 -1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code électoral ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- les décisions du Conseil constitutionnel n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 et n° 2013-667 DC du 16 mai 2013 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;




Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 262 du code électoral, applicable aux communes de 1 000 habitants et plus : " Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de quatre sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de quatre sièges à pourvoir. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa ci-après. (...) ".

3. Ces dispositions sont applicables au litige qui tend à l'annulation du premier tour des élections municipales qui s'est déroulé le 15 mars 2020 à Juvignac (Hérault).

4. Le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution, dans leur rédaction applicable aux communes de 3500 habitants et plus, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982. Postérieurement à la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, qui a complété l'article 4 de la Constitution, la décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013 s'est également prononcée dans ses motifs et son dispositif sur l'abaissement aux communes de 1000 habitants et plus du champ d'application de ces dispositions. Toutefois, le contexte inédit dans lequel s'est déroulé, sur l'ensemble du territoire national, le scrutin du 15 mars 2020, qui a conduit, en particulier, à l'adoption de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, dont les articles 19 et 20 portent sur ce scrutin, doit être regardé comme caractérisant un changement des circonstances susceptible de justifier le réexamen de la conformité de l'article L. 262 du code électoral à la Constitution.

5. Enfin, soulève une question présentant un caractère sérieux le moyen tiré de ce que les dispositions du premier alinéa de cet article portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux articles 3 et 4 de la Constitution, en raison de l'absence d'exigence pour les communes concernées, pour procéder à la répartition des sièges dès le premier tour, que les suffrages recueillis par la liste arrivée en tête correspondent non seulement à la majorité absolue des suffrages exprimés mais aussi à une part minimale du nombre d'inscrits. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.


D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 262 du code électoral est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Premier ministre, au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Montpellier.


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