Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 439835, lecture du 5 août 2020, ECLI:FR:CECHS:2020:439835.20200805

Décision n° 439835
5 août 2020
Conseil d'État

N° 439835
ECLI:FR:CECHS:2020:439835.20200805
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public


Lecture du mercredi 5 août 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2000496 du 30 mars 2020, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente du tribunal administratif de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la commune de Jarny.

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nancy le 19 février 2020, la commune de Jarny demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de refus du Premier ministre d'abroger le décret n° 2005-918 du 2 août 2005 portant approbation de la directive territoriale d'aménagement des bassins miniers nord-lorrains.

Par un mémoire, enregistré le 21 février 2020 au greffe du tribunal administratif de Nancy et présenté en application de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la commune de Jarny demande, à l'appui de sa requête, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'urbanisme, notamment son article L. 111-1-1 dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ;
- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 94-358 DC du 26 janvier 1995 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Pour demander au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, la commune de Jarny soutient qu'en ce qu'elle ne prévoit pas la participation de l'ensemble des communes concernées par l'élaboration des directives territoriales d'aménagement, cette disposition porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales garantie par l'article 72 de la Constitution.

3. Toutefois, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 4 de la loi du 4 février 1995, dont est issu l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995. Les circonstances, d'une part, que cette décision ne s'est pas expressément prononcée sur le grief tiré de la méconnaissance de l'article 72 de la Constitution et, d'autre part, que le régime juridique des directives territoriales d'aménagement a été ultérieurement modifié par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, ne constituent pas, contrairement à ce qui est soutenu, un changement des circonstances au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de nature à justifier que la conformité de cette disposition à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel. Par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Jarny.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Jarny et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée, au Premier ministre, à la ministre de la transition écologique et au Conseil constitutionnel.