Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 445635, lecture du 3 mars 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:445635.20210303

Décision n° 445635
3 mars 2021
Conseil d'État

N° 445635
ECLI:FR:CECHS:2021:445635.20210303
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Carine Chevrier, rapporteur
M. Olivier Fuchs, rapporteur public


Lecture du mercredi 3 mars 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. J... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Saint-Jacut-les-Pins (Morbihan) pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires. Par un jugement n° 2001353 du 28 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa protestation.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 octobre 2020 et 18 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. J... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'élection de M. G... A... et de M. E... F... et, par voie de conséquence, de déclarer les bulletins de vote, sur lesquels ils étaient candidats, nuls ;

3°) d'annuler les opérations électorales et d'ordonner l'organisation de nouvelles élections.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme C... H..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;



1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 à Saint-Jacut-les-Pins, commune de plus de 1 000 habitants, les dix-neuf sièges de conseillers municipaux et les deux sièges de conseillers communautaires ont été pourvus. Quinze des sièges de conseillers municipaux et tous les sièges de conseillers communautaires ont été attribués à des candidats de la liste " Saint-Jacut-les-Pins, tous concernés ", conduite par M. D... I..., qui a obtenu 52,57 % des suffrages exprimés, tandis que les quatre autres sièges de conseillers municipaux ont été attribués à des candidats de la liste " Tous unis pour de nouvelles perspectives ", conduite par M. J... B.... Ce dernier relève appel du jugement du 28 septembre 2020 par laquelle le tribunal administratif de Rennes a rejeté la protestation qu'il a formée contre ces opérations électorales.

Sur l'inéligibilité de deux conseillers municipaux :

2. Aux termes de l'article L. 231 du code électoral : " (...) Ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : / (...) / 6° Les comptables des deniers communaux agissant en qualité de fonctionnaire et les entrepreneurs de services municipaux ; (...) ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. F..., conseiller municipal élu sur la liste de M. I..., est salarié de la société CONVIVIO, titulaire d'une convention de restauration passée avec la commune de Saint-Jacut-les-Pins visant à fournir le restaurant scolaire de la commune en liaison chaude. Aux termes de son contrat de travail, il y exerce, en tant qu'agent de maitrise, des fonctions de chef de cuisine chargé de la gestion. Il en résulte également que, si ses fonctions le conduisent à être l'interlocuteur de la commune pour établir les besoins en approvisionnements de la restauration scolaire, prestation pour laquelle il dispose de marges de manoeuvre opérationnelles, il n'exerce pas un rôle prépondérant dans les relations contractuelles entretenues avec la commune, contrairement à ce qu'allègue le requérant. Par suite, M. F... ne peut être regardé comme un entrepreneur de services municipaux au sens des dispositions précitées de l'article L. 231 du code électoral.

4. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. A..., également conseiller municipal élu sur la liste de M. I..., était président, à titre bénévole, de l'organisme de gestion de l'enseignement catholique (OGEC), qui gère l'école privée Saint-Joseph à Saint-Jacut-des-Pins et sa garderie, lequel bénéficie, à ce titre, de subventions versées par la commune. Cependant, outre le fait que la subvention communale résulte des obligations résultant des articles L. 442-5 et R. 442-44 du code de l'éducation, l'OGEC n'a pas, compte tenu de son objet et de son mode d'organisation et de fonctionnement, la nature d'un service municipal au sens des dispositions précitées de l'article L. 231 du code électoral. Dès lors, M. A... ne pouvait être regardé comme un entrepreneur de services municipaux pour l'application de ces mêmes dispositions.

Sur le déroulement des opérations électorales :

5. Aux termes de l'article L. 62 du code électoral : " (...) Sans quitter la salle du scrutin, (l'électeur) doit se rendre isolément dans la partie de la salle aménagée pour le soustraire aux regards pendant qu'il met son bulletin dans l'enveloppe (...) / Dans chaque bureau de vote, il y a un isoloir par trois cents électeurs inscrits ou par fraction. / Les isoloirs ne doivent pas être placés de façon à dissimuler au public les opérations électorales. (...)". Si M. B... fait valoir que, pour prendre en compte les recommandations pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'isoloir a été placé face au mur afin d'éviter la manipulation du rideau, le votant étant au moment de la mise du bulletin dans l'enveloppe de dos par rapport à l'espace d'attente matérialisé par des bandes au sol, il ne résulte pas de l'instruction que ces conditions d'organisation du bureau de vote, dont il était au demeurant président, aient porté atteinte au secret du vote.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa protestation.



D E C I D E :
--------------
Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. J... B..., à M. D... I..., premier dénommé, pour l'ensemble des autres défendeurs, et au ministre de l'intérieur.