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Ariane Web: Conseil d'État 435095, lecture du 10 mars 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:435095.20210310

Décision n° 435095
10 mars 2021
Conseil d'État

N° 435095
ECLI:FR:CECHR:2021:435095.20210310
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Géraud Sajust de Bergues, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX, avocats


Lecture du mercredi 10 mars 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

La société de distribution automobile a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge et la restitution des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 à raison d'un établissement qu'elle exploite à Saumur. Par un jugement n ° 1700860 du 2 août 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 18NT03672 du 2 octobre 2019, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le pourvoi formé par la société de distribution automobile contre ce jugement.

Par ce pourvoi, enregistré le 2 octobre 2018 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 janvier et 23 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société de distribution automobile demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société de distribution automobile ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de distribution automobile, qui exerce une activité de vente et de réparation de véhicules automobiles, a fait l'objet, au titre des années 2014 et 2015, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie, par voie de taxation d'office sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, à la taxe sur les surfaces commerciales pour les années 2014 et 2015 au titre de l'établissement qu'elle exploite à Saumur (Maine-et-Loire). La société de distribution automobile se pourvoit en cassation contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande de décharge des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales qui lui ont ainsi été réclamées.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse les 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) / (...) / La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe, et celle visée à l'article L. 720-5 du code de commerce, s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement, et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. / (...) ".

3. Pour juger que la société de distribution automobile était assujettie à la taxe sur les surfaces commerciales au titre de l'établissement qu'elle exploite à Saumur, le tribunal administratif a retenu que la surface de l'espace de livraison de cet établissement devait être incluse dans la surface de vente de l'établissement, laquelle dépassait de ce fait le seuil de 400 mètres carrés fixé par les dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972. Après avoir relevé, par une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation, que cet espace de livraison ne constituait pas un espace fermé au sein duquel la clientèle ne pouvait circuler, le tribunal a considéré que cet espace de livraison, dans lequel les clients prenaient possession du véhicule qu'ils avaient acheté, permettait à ces derniers de finaliser leur achat. Il en a déduit que cet espace, affecté à la circulation de la clientèle pour y effectuer des achats, constituait une surface de vente entrant dans l'assiette de la taxe sur les surfaces commerciales. En statuant ainsi, le tribunal administratif a suffisamment motivé sa décision, n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

5. Devant le tribunal administratif, la société de distribution automobile a invoqué le bénéfice du paragraphe 235 de l'instruction référencée BOI-TFP-TSC publiée au bulletin officiel des impôts du 4 mars 2015, selon lequel " La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe, s'entend des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente et à leur paiement, ainsi que de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. Cette définition inclut aussi les espaces affectés au retrait des marchandises dès lors que le public peut y circuler librement ".

6. C'est sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que cette instruction ne comportait pas une interprétation différente de celle de la loi.

7. Ce motif justifiant à lui seul le jugement attaqué en ce qu'il a écarté l'invocation du bénéfice de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la société requérante ne peut utilement critiquer le motif par lequel le tribunal administratif a estimé que la société requérante ne pouvait se prévaloir de cette instruction sur le fondement du premier alinéa de cet article, lequel doit être regardé comme présentant un caractère surabondant.

8. Il résulte de ce qui précède que la société de distribution automobile n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée, à ce titre, par la société de distribution automobile soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société de distribution automobile est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société de distribution automobile et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


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