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Ariane Web: Conseil d'État 433609, lecture du 7 avril 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:433609.20210407

Décision n° 433609
7 avril 2021
Conseil d'État

N° 433609
ECLI:FR:CECHR:2021:433609.20210407
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Manon Chonavel, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SCP DE NERVO, POUPET ; LE PRADO ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du mercredi 7 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 janvier 2017 par lequel la maire de Paris a délivré à la société civile immobilière du 144, rue de la Tour un permis de construire en vue de la surélévation de deux niveaux d'un bâtiment de trois étages situé 144, rue de la Tour. Par un jugement n° 1703894 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un pourvoi et deux mémoires en réplique, enregistrés le 14 août 2019, le 16 juin 2020 et le 28 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2021 ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... C..., auditrice,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de Mme D..., à Me Le Prado, avocat de la société civile immobilière du 144, rue de la Tour et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la ville de Paris ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 2 janvier 2017, la maire de Paris a délivré à la société civile immobilière du 144, rue de la Tour un permis de construire en vue de la surélévation de deux niveaux d'un bâtiment de trois étages sur un niveau de sous-sol à usage de commerce et d'habitation. Par un jugement du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme D..., qui occupe un immeuble situé en vis-à-vis de la façade sur cour du projet, tendant à l'annulation de ce permis de construire. Mme D... se pourvoit en cassation contre ce jugement.

2. L'article UG 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Paris définit les prescriptions applicables aux implantations de constructions par rapport aux limites séparatives. Aux termes des dispositions du 1° de l'article UG 7.1, relatives aux façades ou parties de façades comportant des baies constituant l'éclairement premier des pièces principales : " Lorsqu'une façade ou une partie de façade à édifier en vis-à-vis d'une limite séparative (...) comporte une ou plusieurs baies constituant l'éclairement premier de pièces principales, elle doit respecter, au droit de cette limite, un prospect minimal de 6 mètres (sauf s'il est fait application des dispositions définies à l'article UG.7.2 - Cour commune et servitude contractuelle d'implantation - ou des dispositions énoncées au 2° alinéa de l'article UG.10.2) ". Aux termes des dispositions du 3° de ce même article, relatives aux façades ou parties de façades ne comportant pas de baie constituant une vue : " Lorsqu'une façade ou une partie de façade à édifier ne comporte pas de baie constituant une vue, elle peut être implantée en limite séparative ". L'article UG.7 du même règlement dispose par ailleurs que : " Les travaux projetés sur une construction existante non conforme aux dispositions du présent article sont soumis aux conditions énoncées au § VI des dispositions générales ci-avant ". Aux termes, enfin, du 1° de l'article VI de ces dernières dispositions : " Lorsqu'une construction existante n'est pas conforme aux dispositions applicables dans la zone où elle se situe, l'autorisation d'exécuter des travaux ne peut être accordée que pour des travaux qui n'aggravent pas la non-conformité de la construction avec ces dispositions ou sont sans effet à leur égard. (...) ".

3. Pour l'application des règles de prospect prévues par les dispositions précitées, qui sont seulement définies en fonction de la présence et de la nature des baies que comporte la façade ou partie de façade à édifier et sont indépendantes de la hauteur des constructions, des travaux tendant à la surélévation au droit d'un bâtiment implanté en méconnaissance des dispositions du 1° de l'article UG 7.1 doivent être regardés comme n'aggravant pas cette non-conformité si la façade des niveaux créés ne comporte pas de baie constituant une vue.

4. Après avoir relevé que les niveaux 1, 2 et 3 de l'immeuble existant ne respectaient pas la règle de prospect définie par les dispositions du 1° de l'article UG 7.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Paris citées au point 2, le tribunal administratif n'a par suite pas commis d'erreur de droit en jugeant que le projet autorisé, bien que consistant en la surélévation du bâtiment existant, ne pouvait, eu égard à ses caractéristiques, qu'il a ainsi prises en compte contrairement à ce qui est soutenu, être regardé comme aggravant la non-conformité de la construction aux règles prévues par ces dispositions. Les règles de prospect ainsi définies ne conduisant pas à prendre en considération d'autre construction que celle faisant l'objet des travaux soumis à autorisation, le tribunal n'a pas insuffisamment motivé son jugement en écartant l'argumentation tirée des effets négatifs du projet litigieux sur l'éclairement des pièces de l'immeuble que la requérante occupe en vis-à-vis comme n'étant pas assortie d'éléments suffisamment précis. Il ne s'est pas davantage contredit en ne retenant pas pour autant l'absence d'intérêt pour agir de l'intéressée pour rejeter sa demande.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D..., au titre des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros à verser respectivement à la ville de Paris et à la société civile immobilière du 144, rue de la Tour.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme D... est rejeté.
Article 2 : Mme D... versera une somme de 1 500 euros respectivement à la ville de Paris et à la société civile immobilière du 144, rue de la Tour, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... D..., à la société civile immobilière du 144, rue de la Tour et à la ville de Paris.


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