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Ariane Web: Conseil d'État 445529, lecture du 12 avril 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:445529.20210412

Décision n° 445529
12 avril 2021
Conseil d'État

N° 445529
ECLI:FR:CECHS:2021:445529.20210412
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Laurent-Xavier Simonel, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
CABINET COLIN - STOCLET ; SCP CAPRON, avocats


Lecture du lundi 12 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par quatre protestations, M. K... H..., M. I... E..., M. B... A... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les opérations électorales qui ont eu lieu le 15 mars 2020 pour le premier tour des élections municipales dans la commune de Lamothe-Landerron (Gironde). Par un jugement nos 2001338, 2001340, 2001341, 2001476 du 21 septembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs protestations.

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 octobre 2020 et les 18 janvier, 4 février et 8 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. H..., M. E... et M. A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les opérations électorales qui ont eu lieu le 15 mars 2020 pour le premier tour des élections municipales dans la commune de Lamothe-Landerron et, à titre subsidiaire, d'annuler l'élection de Mme F... J....


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Colin - Stoclet, avocat de M. K... H..., de M. I... E... et de M. B... A... et à la SCP Capron, avocat de M. D... G... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue du premier tour du scrutin organisé le 15 mars 2020 dans la commune de Lamothe-Landerron (Gironde) en vue de l'élection des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, la liste " Ensemble au service de notre village ", conduite par M. G..., a obtenu 243 voix et s'est vu attribuer 12 sièges sur les 15 à pourvoir au conseil municipal, ainsi que les deux sièges à pourvoir au conseil communautaire, et la liste " Agir ensemble Lamothe 2020 ", conduite par M. H..., a obtenu 233 voix et s'est vu attribuer 3 sièges au conseil municipal.

2. Aux termes de l'article L. 231 du code électoral : " Ne peuvent être conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois : (...) 6° (...) les entrepreneurs municipaux ".

3. Il résulte de l'instruction que, depuis 2011, la commune confie à la SARL J..., dont les parts sociales sont détenues par Mme J... et son époux et dont Mme J... a assuré la gérance à compter du 31 décembre 2018, ce qui lui conférait dans la gestion de celle-ci un rôle prépondérant, d'une part, tous les ans, pour un montant de plus de 10 000 euros, le fauchage des bas-côtés de la voirie dont la commune a conservé l'entretien et, d'autre part, de manière régulière, des travaux divers comportant notamment le curage des fossés ou la remise en état de chemins vicinaux, ces travaux s'étant, au demeurant, poursuivis selon les mêmes modalités après l'élection. Compte tenu de leur caractère régulier et de leur importance pour la commune, ces travaux ont établi des liens d'intérêt suffisants entre la commune et Mme J... pour faire regarder cette dernière comme un entrepreneur de services municipaux au sens de l'article L. 231-6 du code électoral. A cet égard, est sans incidence la circonstance, au demeurant non établie, que la SARL J... aurait été la seule en situation d'accomplir ces travaux. Par suite, M. H..., qui est recevable à invoquer pour la première fois en appel ce moyen d'ordre public, est fondé à soutenir que Mme J... était inéligible en application des dispositions de l'article L. 231-6 du code électoral.

4. Compte tenu du très faible écart de voix séparant les deux listes en présence, cette irrégularité doit être regardée comme ayant altéré la sincérité du scrutin. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. H... et autres sont fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif a rejeté leur protestation et à demander l'annulation de l'ensemble des opérations électorales.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. H... et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. G... au titre de ces dispositions.




D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 21 septembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Lamothe-Landerron (Gironde) sont annulées.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. K... H..., M. I... E..., M. B... A... et à M. D... G....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.