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Ariane Web: Conseil d'État 448178, lecture du 21 avril 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:448178.20210421

Décision n° 448178
21 avril 2021
Conseil d'État

N° 448178
ECLI:FR:CECHS:2021:448178.20210421
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Guillaume Leforestier, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
BOUTHORS, avocats


Lecture du mercredi 21 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui fixer un rendez-vous pour le dépôt de sa demande de délivrance de titre de séjour, d'instruire cette demande et de statuer sur cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance du tribunal, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, le temps de l'instruction, un récépissé de demande de titre de séjour.

Par une ordonnance n° 2010702 du 24 novembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Par un pourvoi, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 décembre 2020, 6 janvier et 12 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B... une convocation afin qu'il dépose sa demande d'admission au séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la SCP Bouthors, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Bouthors, avocat de M. B... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil que M. B..., ressortissant malien, qui déclare être arrivé en France en septembre 2018, a souhaité solliciter la délivrance d'un titre de séjour après avoir fait l'objet, le 29 juillet 2019, d'une obligation de quitter le territoire français assorti d'une interdiction de retour d'un an à compter de la notification de cette décision. N'étant pas parvenu à obtenir un rendez-vous au service des étrangers de la préfecture de la Seine-Saint-Denis sur son site internet, M. B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui donner une date de rendez-vous pour qu'il puisse déposer un dossier de demande de titre de séjour, d'instruire cette demande et de statuer sur celle-ci dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'ordonnance du tribunal, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Il se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 24 novembre 2020 par laquelle le juge des référés de ce tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ".

3. Eu égard aux conséquences qu'a sur la situation d'un étranger, notamment sur son droit à se maintenir en France et, dans certains cas, à y travailler, la détention du récépissé qui lui est en principe remis après l'enregistrement de sa demande et au droit qu'il a de voir sa situation examinée au regard des dispositions relatives au séjour des étrangers en France, il incombe à l'autorité administrative, après lui avoir fixé un rendez-vous, de le recevoir en préfecture et, si son dossier est complet, de procéder à l'enregistrement de sa demande, dans un délai raisonnable.

4. Lorsque le rendez-vous ne peut être obtenu qu'en se connectant au site internet de la préfecture, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que, si l'étranger établit qu'il n'a pu obtenir une date de rendez-vous, malgré plusieurs tentatives n'ayant pas été effectuées la même semaine, il peut demander au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de lui communiquer, dans un délai qu'il fixe, une date de rendez-vous. Si la situation de l'étranger le justifie, le juge peut préciser le délai maximal dans lequel ce rendez-vous doit avoir lieu. Il fixe un délai bref en cas d'urgence particulière.

5. Pour rejeter la demande présentée par M. B... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-3 du code de justice administrative tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui donner une date de rendez-vous pour qu'il puisse déposer un dossier de demande de titre de séjour, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a considéré que les très nombreuses captures d'écran du site de la préfecture indiquant l'absence de plage horaire disponible durant les mois de juin, juillet, août et octobre 2020 qu'il produisait étant anonymes, il ne pouvait être regardé comme apportant suffisamment d'éléments de nature à établir qu'il aurait tenté en vain d'obtenir une date de rendez-vous. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que lorsqu'un étranger tente d'obtenir un rendez-vous sur le site de la préfecture de la Seine Saint Denis en vue de déposer une demande de titre de séjour, la page indiquant qu'il n'existe plus de plage horaire disponible est toujours anonyme, dès lors qu'elle apparaît avant même que l'étranger ait été en mesure d'enregistrer ses données personnelles, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a dénaturé les pièces du dossier.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de l'instruction que pour demander la délivrance d'un rendez-vous auprès du service des étrangers de la préfecture de la Seine-Saint-Denis afin de pouvoir y faire enregistrer sa demande de titre de séjour, M. B... justifie, d'une part, de cent-quarante-neuf captures d'écran, datées précisément par un système informatique, attestant de son incapacité à obtenir un rendez-vous en ligne sur le site de la préfecture entre les 10 juin et 11 juillet 2020, puis entre les 28 août et 11 septembre 2020 et enfin entre le 22 septembre et le 1er octobre 2020, d'autre part, de soixante-dix-neuf copies d'écran supplémentaires datées du 29 novembre au 16 décembre 2020. Par suite, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui communiquer une date de rendez-vous dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte ni de faire droit aux autres conclusions à fin d'injonction.

9. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Bouthors, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 24 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de communiquer une date de rendez-vous à M. B... pour le dépôt de sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Bouthors, avocat de M. B..., une somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.