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Décision n° 445591
22 avril 2021
Conseil d'État

N° 445591
ECLI:FR:CECHS:2021:445591.20210422
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Jonathan Bosredon, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du jeudi 22 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une protestation enregistrée le 22 mars 2020 au greffe du tribunal administratif de Nîmes, Mme I... D... P..., Mme J... L..., M. N... F... et M. E... K... ont demandé à ce tribunal, d'une part, d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Marvejols (Lozère), d'autre part, de déclarer Mme G... inéligible, d'annuler son élection par voie de conséquence et de réformer les résultats du scrutin.

Par une protestation enregistrée le 27 mai 2020 au greffe du tribunal administratif de Nîmes, Mme I... D... P..., Mme J... L..., M. N... F... et M. E... K..., ont demandé à ce tribunal d'annuler les délibérations du conseil municipal de la commune de Marvejols du 23 mai 2020 portant élection du maire et des adjoints et de déclarer Mme G... inéligible.

Par un jugement nos 2001012, 2001584 du 24 septembre 2020, ce tribunal a déclaré Mme M... G... inéligible au conseil municipal de Marvejols, proclamé élues Mme B... O... au conseil municipal de la commune et Mme C... H... au conseil communautaire de la communauté de communes du Gévaudan, annulé les délibérations du conseil municipal de Marvejols du 23 mai 2020 portant élection du maire et de ses adjoints et rejeté le surplus des conclusions des protestations.

Par une requête d'appel, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 octobre 2020, 19 novembre 2020 et 26 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme M... G... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement ;

2°) de rejeter les protestations de Mmes D... P... et L... et MM. F... et K... ;

3°) de mettre à la charge de Mmes D... P... et L... et de MM. F... et K... la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code électoral ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme G... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er avril 2021, présentée par Mme G....



Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue du premier tour des élections qui se sont déroulé le 15 mars 2020 à Marvejols (Lozère) pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de cette commune, la liste " Marvejols, bâtissons l'avenir ", conduite par Mme G..., a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés. Celle-ci a été élue maire par le conseil municipal de la commune de Marvejols lors de la séance du conseil municipal du 23 mai 2020, au cours de laquelle il a également été procédé à l'élection des adjoints.

2. Mme G... relève appel du jugement du 2 septembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes en tant que ce dernier, faisant droit à des protestations de Mme D... P..., Mme L..., M. F... et M. K..., d'une part, l'a déclarée inéligible au conseil municipal de Marvejols et a proclamé Mme B... O... élue au conseil municipal de la commune et Mme C... H... au conseil communautaire de la communauté de communes du Gévaudan et, d'autre part, a annulé les délibérations du conseil municipal de Marvejols du 23 mai 2020 portant élection du maire et de ses adjoints.

Sur l'éligibilité de Mme G... au conseil municipal :

3. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 228 du code électoral : " Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection ". Aux termes de l'article L. 11 du même code : " Sont inscrits sur la liste électorale, sur leur demande : 1° Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins ; 2° Ceux qui figurent pour la cinquième fois sans interruption, l'année de la demande d'inscription, au rôle d'une des contributions directes communales et, s'ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux (...) ". Aux termes de l'article 1407 du code général des impôts : " La taxe d'habitation est due : 1° Pour tous les locaux meublés affectés à l'habitation (...) ". Les articles 1408 et 1415 du même code précisent, respectivement, que " la taxe est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables " et que cette taxe est établie " pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année d'imposition ".

4. Il résulte de l'instruction que Mme G... n'était pas électrice dans la commune de Marvejols et n'était pas inscrite au rôle des contributions directes de cette commune au 1er janvier 2020. Il appartenait dès lors à l'intéressée, en application des dispositions précitées de l'article L. 228 du code électoral, de justifier par tous moyens qu'elle aurait dû être inscrite à ce rôle à cette date, comme elle le soutient. A cet égard, en premier lieu, si Mme G... produit un contrat de prêt à usage d'habitation portant sur un logement situé dans la commune, conclu avec un membre de sa belle-famille et mentionnant qu'il a été signé le 1er septembre 2019, des témoignages du propriétaire de ce logement et de ses enfants attestant de la réalité de ce prêt et des attestations émanant de différentes personnes affirmant qu'elle occupait effectivement ce logement, ces documents, qui n'ont pas date certaine, ne sont pas de nature à établir que Mme G... aurait dû être inscrite au rôle des contributions directes de la commune de Marvejols au 1er janvier 2020. En deuxième lieu, ne permettent pas davantage d'apporter cette preuve un devis établi par une entreprise de déménagement, auquel Mme G... n'a pas donné suite, ainsi qu'une attestation d'assurance et un appel de cotisations d'assurance se rapportant à ce logement, qui portent sur une période postérieure au 1er janvier 2020. En troisième lieu, l'attestation de la direction départementale des finances publiques du 17 février 2020 indiquant que Mme G..., domiciliée à Grèzes, devait être inscrite au rôle des impôts directs locaux dans la commune de Marvejols au 1er janvier 2020 a été établie sur la foi des seules déclarations de l'intéressée et ne saurait pallier l'absence d'autres éléments ayant valeur probante établissant qu'elle disposait au 1er janvier 2020 d'un logement dans la commune de Marvejols. Il en va de même, pour les mêmes motifs, de l'avis d'imposition à la taxe d'habitation au titre l'année 2020 établi le 19 octobre 2020 à raison du logement que Mme G... allègue avoir occupé à Marvejols au 1er janvier 2020. En quatrième lieu, Mme G... ne saurait utilement se prévaloir de l'adresse à laquelle lui a été notifié le jugement du tribunal administratif de Nîmes, cette notification ayant été faite à l'adresse qu'elle avait elle-même indiquée au greffe du tribunal administratif et, en outre, à une date postérieure au 1er janvier 2020.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé son élection en qualité de conseiller municipal de la commune de Marvejols et en qualité de conseiller communautaire ainsi que la délibération du conseil municipal du 23 mai 2020 constatant son élection en qualité de maire de la commune.

6. Toutefois, l'annulation de l'élection du maire n'entraînant pas l'annulation, par voie de conséquence, de l'élection des adjoints au maire, Mme G... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes s'est fondé, pour prononcer l'annulation de l'élection des adjoints au maire, sur l'existence d'un lien étroit unissant le maire à ses adjoints.

7. Sur ce point, il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par Mmes D... P..., A... L..., M. F... et M. K... au soutien de leur contestation des délibérations du conseil municipal de la commune de Mervejols du 23 mai 2020 portant élection des adjoints au maire.

8. Si Mme D... P..., Mme L..., M. F... et M. K... soutiennent que les délibérations du conseil municipal du 23 mai 2020 pour l'élection des adjoints au maire se seraient tenues à huis-clos, cette circonstance, à la supposer avérée, n'est pas de nature, par elle-même, à porter atteinte à la régularité et à la sincérité du scrutin.

9. Par suite, Mme D... P..., Mme L..., M. F... et M. K... ne sont pas fondés à demander l'annulation des délibérations du conseil municipal de la commune de Marvejols du 23 mai 2020 portant élection des adjoints au maire.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit ni aux conclusions de Mme G... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni à celles de Mme D... P..., Mme L..., M. F... et M. K... tendant aux mêmes fins.



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 septembre 2020 est annulé en tant qu'il prononce l'annulation de l'élection des adjoints au maire de la commune de Marvejols.
Article 2 : La demande de Mme D... P..., Mme L..., M. F... et M. K... tendant à l'annulation des délibérations du conseil municipal de la commune de Mervejols du 23 mai 2020 portant élection des adjoints au maire est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme G... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme D... P..., Mme L..., M. F... et M. K... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme M... G..., Mme I... D... P..., Mme J... L..., M. N... F..., M. E... K... et au ministre de l'intérieur.