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Ariane Web: Conseil d'État 437587, lecture du 16 juin 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:437587.20210616

Décision n° 437587
16 juin 2021
Conseil d'État

N° 437587
ECLI:FR:CECHR:2021:437587.20210616
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public
SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du mercredi 16 juin 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... C..., Mme E... C... et M. F... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 février 2016 du préfet de la Somme accordant à M. G... B... l'autorisation d'exploiter une superficie de 63,9 hectares de terres situées sur le territoire de la commune de Quend (Somme), ainsi que la décision par laquelle il a rejeté leur recours gracieux contre cette décision. Par un jugement n° 1602297 du 29 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à leur demande.

Par un arrêt n° 18DA01484, 18DA01573 du 14 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, d'une part, de M. G... B... et de M. D... B..., d'autre part, annulé ce jugement en tant qu'il annule l'arrêté du 12 février 2016 en ce qu'il accorde à M. B... l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées AO 141, 142, 144, 145, 146 et 150 mais rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 janvier 2020, 7 avril 2020 et 26 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. Jean-Philippe et Dominique B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus de leurs conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de M. C... et autres la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes ;

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de MM. Dominique et Jean-Philippe B... et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. C... et autres.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 juin 2021, présentée par MM. B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 12 février 2016, le préfet de la Somme a autorisé M. G... B... à cultiver, d'une part, des parcelles d'une superficie de plus de 61 hectares appartenant à M. et Mme C..., d'autre part, six parcelles appartenant à d'autres propriétaires. Saisi par M. et Mme C..., le tribunal administratif d'Amiens a, par un jugement du 29 mai 2018, annulé la totalité de cette autorisation. Sur appel du ministre de l'agriculture et de l'alimentation et de MM. Jean-Philippe et Dominique B..., la cour administrative d'appel de Douai a, par un arrêt du 14 novembre 2019, rejeté les conclusions des appelants dirigées contre ce jugement en tant qu'il annule l'autorisation d'exploiter les terres appartenant à M. et Mme C..., tout en annulant ce jugement en tant qu'il porte sur les parcelles des autres propriétaires. MM. Jean-Philippe et Dominique B... se pourvoient en cassation contre cet arrêt en tant seulement qu'il rejette leur appel relatif à l'autorisation d'exploiter les terres appartenant à M. et Mme C....

2. Lorsqu'une opération portant sur une exploitation agricole est, en vertu du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, au nombre de celles soumises à autorisation dans le cadre du contrôle des structures agricoles, la demande d'autorisation est présentée conformément aux dispositions de l'article R. 331-4 du même code. Le deuxième alinéa de cet article dispose en particulier que : " Si la demande porte sur des biens n'appartenant pas au demandeur, celui-ci doit justifier avoir informé par écrit de sa candidature le propriétaire ". Par ailleurs, en vertu du I de l'article R. 331-5 du même code, lorsque la commission départementale d'orientation de l'agriculture mentionnée à l'article R. 313-l est saisie : " (...) Les candidats, les propriétaires et les preneurs en place sont informés de la date d'examen des dossiers les concernant par la commission par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé ".

3. S'il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime que, lorsque la demande d'autorisation d'exploitation agricole émane d'une personne qui n'est pas propriétaire des parcelles en cause, cette personne doit en principe avoir informé elle-même le propriétaire de sa candidature, l'absence dans le dossier de demande de la pièce établissant qu'il a procédé à cette information n'est pas par elle-même de nature à entacher sa demande d'irrégularité, dès lors que le propriétaire a été effectivement informé de sa candidature, y compris, le cas échéant, par l'administration au cours de l'instruction du dossier, dans des conditions lui permettant de présenter, en temps utile, ses observations écrites. Lorsque la demande est soumise à la commission départementale d'orientation de l'agriculture, l'information du propriétaire doit lui permettre de présenter utilement ses observations préalablement à la réunion de cette commission. A défaut d'avoir été assurée par le demandeur lui-même, cette information peut résulter de la lettre recommandée que l'administration adresse au propriétaire pour l'informer de l'examen de cette candidature par la commission, conformément aux dispositions de l'article R. 331-5 du même code.

4. Il résulte des termes de l'arrêt attaqué que, pour rejeter l'appel de MM. Jean-Philippe et Dominique B... dirigé contre le jugement du tribunal administratif en tant qu'il annulait l'autorisation d'exploiter les terres appartenant à M. et Mme C..., la cour administrative d'appel a jugé que la candidature de M G... B... était, s'agissant de ces terres, irrégulière au regard des dispositions de l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime, faute qu'il soit établi que M. et Mme C... aient été informés de sa candidature. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que, si M. et Mme C... contestaient avoir été spécialement informés de l'intention de M. G... B... d'exploiter leurs terres par l'intéressé lui-même, ils ne contestaient pas avoir reçu la lettre du 15 janvier 2016 par laquelle le préfet de la Somme, en les informant de l'examen de la candidature de M. B... par la commission départementale d'orientation de l'agriculture, les invitait à formuler leurs observations écrites sur cette candidature, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

5. Il y a lieu, par suite, d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en tant seulement qu'il rejette l'appel de MM. Jean-Philippe et Dominique B... relatif à l'autorisation d'exploiter les terres appartenant à M. et Mme C....

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... et autres le versement à M. G... B... et à M. D... B... d'une somme de 1 500 euros chacun, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de MM. Jean-Philippe et Dominique B..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que demandent, au même titre, M. C... et autres.



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 14 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de MM. Jean-Philippe et Dominique B... dirigées contre le jugement du 29 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il annule l'arrêté du 12 février 2016 accordant à M. G... B... l'autorisation d'exploiter six parcelles situées sur le territoire de la commune de Quend.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai dans la limite de la cassation prononcée.

Article 3 : M. C... et autres verseront à M. G... B... et à M. D... B... la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. G... B..., à M. D... B..., à M. A... C..., à Mme E... C..., à M. F... C... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


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