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Ariane Web: Conseil d'État 425116, lecture du 7 juillet 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:425116.20210707

Décision n° 425116
7 juillet 2021
Conseil d'État

N° 425116
ECLI:FR:CECHS:2021:425116.20210707
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Rozen Noguellou, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocats


Lecture du mercredi 7 juillet 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 octobre 2018 et 21 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société EcoDDS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre de la transition écologique et solidaire du 20 août 2018 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets diffus spécifiques (DDS) ménagers, pour le cas des catégories 3 à 10 de produits chimiques désignés à l'article R. 543-228 du code de l'environnement, ainsi que le cahier des charges qui y est annexé ;

2°) d'enjoindre aux ministres signataires du cahier des charges de déterminer des modalités de calcul des dotations annuelles aux provisions pour charges futures compatibles avec l'article 2.4.2.3 du cahier des charges ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 2006/123 /CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ;
- la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 ;
- la directive 2015/1535/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- le règlement 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de commerce ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société EcoDDS ;



Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 20 août 2018 dont la société EcoDDS demande l'annulation pour excès de pouvoir, le ministre de l'intérieur, le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l'économie et des finances ont, sur le fondement des dispositions des articles L. 541-10 et R. 543-234 du code de l'environnement, fixé la procédure d'agrément, à compter du 1er janvier 2019, ainsi que le cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets diffus spécifiques (DDS) ménagers, pour le cas des catégories 3 à 10 de produits chimiques désignés à l'article R. 543-228 du code de l'environnement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la transition écologique et solidaire :

2. Aux termes de l'article R. 414-3, dans sa version alors en vigueur, du code de justice administrative, relatif à la transmission de la requête et des pièces jointes par voie électronique : " (...) les requérants sont dispensés de produire les copies de leur requête (...) ainsi que des pièces qui y sont jointes. / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la société EcoDDS a transmis, par voie électronique, un fichier distinct pour chacune des pièces jointes dont l'intitulé et la numérotation correspondent, à chaque fois, à l'inventaire figurant dans sa requête. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'obligation prescrite par les dispositions de l'article R. 414-3 citées ci-dessus doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux décisions qui modifient, prorogent, retirent ou abrogent les décisions mentionnées à l'alinéa précédent soumises à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le cahier des charges annexé à l'arrêté litigieux fixe les orientations générales de gestion des DDS ménagers, régit les relations entre les éco-organismes, les metteurs sur le marché, les acteurs de la collecte séparée, les prestataires de transport et de traitement, les ministres signataires, le Censeur d'Etat, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise des énergies (ADEME) et la commission des filières à responsabilité élargie des producteurs. Il appartient, en particulier, à l'éco-organisme, dont les conditions d'agrément et l'ensemble des missions sont régies par le cahier des charges, d'assurer, conformément aux dispositions de ce document, financièrement et techniquement la collecte séparée, le transport et le traitement des DDS ménagers que lui remet tout détenteur situé sur le territoire national ainsi que d'assurer directement, et sous sa propre responsabilité, la prise en charge financière et technique du transport et du traitement des DDS ménagers ainsi collectés et, enfin, de transmettre à l'ADEME les indicateurs relatifs à la collecte. Le cahier des charges comporte, en outre, des dispositions fixant un objectif chiffré annuel de collecte de déchets au niveau national ainsi qu'un objectif chiffré minimal de valorisation énergétique et un taux de recyclage. Enfin, ses prescriptions imposent à l'éco-organisme titulaire de l'agrément, en cas de traitement des DDS ménagers réalisé à l'étranger, de s'assurer que celui-ci a eu lieu dans des installations respectant des dispositions équivalentes à celles prévues par le code de l'environnement et tenant compte des meilleures techniques disponibles.

6. Il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'arrêté attaqué et du cahier des charges qui lui est annexé, dont les effets sont directs et significatifs, ont une incidence sur l'environnement. Leur adoption devait, dès lors, être précédée, à peine d'illégalité, d'une consultation préalable du public conformément aux dispositions de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement précédemment citées. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que ses dispositions n'ont pas fait l'objet d'une telle consultation préalablement à leur adoption.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et alors qu'aucun autre moyen n'est de nature à justifier l'annulation de l'acte attaqué, que la société EcoDDS est fondée à soutenir que l'arrêté qu'elle attaque est entaché d'une illégalité justifiant son annulation. Compte tenu des effets excessifs d'une annulation immédiate au regard de l'intérêt général qui s'attache au maintien temporaire des effets du cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets diffus spécifiques et des risques que comporterait celle-ci pour la stabilité des situations qui ont pu se constituer lorsque l'arrêté attaqué était en vigueur, il y a lieu de différer l'effet de l'annulation jusqu'au 1er janvier 2022.

8. Eu égard aux motifs de l'annulation prononcée, la présente décision n'implique pas nécessairement la mesure d'exécution demandée par la société requérante. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être rejetées.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à la société EcoDDS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêté du 20 août 2018 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des DDS ménagers est annulé. Cette annulation prendra effet le 1er janvier 2022.
Article 2 : L'Etat versera à la société EcoDDS une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société EcoDDS, à la ministre de la transition écologique, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.