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Ariane Web: Conseil d'État 437498, lecture du 13 juillet 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:437498.20210713

Décision n° 437498
13 juillet 2021
Conseil d'État

N° 437498
ECLI:FR:CECHR:2021:437498.20210713
Publié au recueil Lebon
3ème, 8ème, 9ème et 10ème chambres réunies
M. Matias de Sainte Lorette, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocats


Lecture du mardi 13 juillet 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2005. Par un jugement n° 1513163 en date du 8 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 17PA02152 du 7 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé ce jugement et remis à la charge de M. et Mme B... la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 et rejeté le surplus des conclusions présenté par le ministre de l'action et des comptes publics.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 8 janvier, 8 avril et 13 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1, 2 et 4 de cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de M. et Mme B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les 7 janvier et 12 juillet 2002, le conseil d'administration de la société G7 a décidé de proposer à M. B..., l'un de ses dirigeants, l'acquisition au prix unitaire de 0,15 euros de 222 092 bons de souscription d'actions. M. B... a acquis le 20 juin 2002 pour un montant de 22 209,15 euros, 148 061 bons de souscription d'actions que la société G7 avait émis le 7 janvier 2002, et le 10 octobre 2002, 74 031 bons de souscription d'actions émis le 12 juillet 2002 par cette société, pour un montant de 11 104,65 euros. Ces bons de souscription donnaient ainsi à M. B... le droit de souscrire des actions représentant une quote-part du capital social de la société G7 au prix unitaire de 49,22 euros pour la première émission du 7 janvier 2002, et de 49,46 euros pour la seconde émission du 12 juillet 2002, primes d'émissions comprises. Par l'article 1er d'une convention d'options croisées d'achat et de vente conclue le 16 septembre 2003, M. B... a consenti à la société Copag, qui détient la société G7 à concurrence de 69,47 %, et dont M. B... était directeur général, une option d'achat sur la totalité des bons de souscription d'actions qu'il détenait, sur une période allant du 7 janvier 2005 au 6 janvier 2007 pour les 148 061 bons de souscription d'actions émis le 7 janvier 2002, et sur une période du 12 juillet 2005 au 11 juillet 2007 pour les 74 031 bons de souscription d'actions émis le 12 juillet 2002. Il était convenu que le prix d'achat, déterminé sur la base d'une valeur unitaire de l'action G7 de 62,81 euros, serait de 13,59 euros pour chaque bon de souscription d'actions émis le 7 janvier 2002 et de 13,35 euros pour chaque bon de souscription d'actions émis le 12 juillet 2002. Par l'article 2 de la même convention, la société Copag a consenti à M. B... une option de vente portant sur la totalité de ses bons de souscription d'actions, dont le prix unitaire d'achat, déterminé sur la base d'une valeur unitaire de l'action G7 de 58,26 euros, serait de 9,04 euros pour les bons de souscription d'actions émis le 7 janvier 2002 et de 8,80 euros pour les bons de souscription d'actions émis le 12 juillet 2002. Le 15 janvier 2005, en application des stipulations de cette convention, la société Copag a acquis auprès de M. B... les 222 092 bons de souscription d'actions de la société G7 qu'il détenait, aux prix unitaires prévus par l'article 1er de la convention, soit 13,59 euros pour les bons émis le 7 janvier 2002 et 13,35 euros pour ceux émis le 12 juillet 2002, soit un montant total de 3 000 463 euros. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, à l'issue duquel ils ont été assujettis à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, majorée des intérêts de retard, au titre de l'année 2005, à raison de la taxation dans la catégorie des traitements et salaires du gain net réalisé lors de la cession de ces bons de souscription d'actions de la société G7. M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 7 novembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel du ministre de l'action et des comptes publics, a remis à leur charge les cotisations supplémentaires d'impôt litigieuses dont ils avaient été déchargés par le jugement du 8 mars 2017 du tribunal administratif de Paris.

2. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 82 du même code : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits ". Aux termes du 1 du I de l'article 150-0 A du même code : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que de l'article 150 UB, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières, (...) de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 15 000 euros par an ".

3. La circonstance que des options d'achat d'actions ou des bons de souscription d'actions ont été acquis ou souscrits à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette acquisition ou souscription est de nature à révéler l'existence d'un avantage à concurrence de la différence entre le prix ainsi acquitté et cette valeur. Un tel avantage, lorsqu'il trouve essentiellement sa source dans l'exercice par l'intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié, a le caractère d'un avantage accordé en sus du salaire, imposable au titre de l'année d'acquisition ou de souscription des options ou des bons dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du code général des impôts. Le caractère préférentiel de ce prix est en revanche sans incidence sur la nature des gains réalisés ultérieurement par le contribuable lors de l'exercice de ces options ou bons, lors de la cession des titres ainsi acquis ou lors de la cession des bons.

4. Les gains nets, calculés en tenant compte de l'avantage ayant été éventuellement imposé en application du point 3 ci-dessus, retirés par une personne physique de la cession à titre onéreux de bons de souscription d'actions sont en principe imposables suivant le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers institué par l'article 150-0 A du code général des impôts, y compris lorsque ces bons ont été acquis ou souscrits auprès d'une société dont le contribuable était alors dirigeant ou salarié, ou auprès d'une société du même groupe. Il en va toutefois autrement lorsque, eu égard aux conditions de réalisation du gain de cession, ce gain doit être regardé comme acquis non à raison de la qualité d'investisseur du cédant, mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant et constitue, ainsi, un revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du code général des impôt, réalisé et disponible l'année de la cession de ces bons. La qualification de gain en capital imposable selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières doit, en particulier, être écartée lorsque l'intéressé a bénéficié d'un mécanisme lui garantissant, dès l'origine ou ultérieurement, le prix de cession de ces bons dans des conditions constituant une contrepartie de l'exercice de ses fonctions de dirigeant ou de salarié.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que le gain réalisé par les requérants devait être imposé dans la catégorie des traitements et salaires, la cour s'est bornée à relever, d'une part, qu'à la suite de la convention signée le 16 septembre 2003, soit peu de temps après l'acquisition des bons, M. B... disposait de la garantie de pouvoir revendre à la société Copag ses bons de souscription d'actions à des prix fixés à l'avance, supérieurs en toute hypothèse aux prix auxquels il les avait lui-même acquis auprès de la société G7, et d'autre part, que l'émission des bons de souscription d'action était liée à la mission de M. B..., qui avait été chargé, à son arrivée à la direction de la société G7 en 2001, d'engager une démarche de restructuration et de redressement du groupe. En jugeant pour ces seuls motifs que le gain réalisé lors de la cession de ces bons litigieux devait être regardé comme un complément de salaire, sans rechercher si la convention d'échange d'options du 16 septembre 2003 avait été conclue dans des conditions constituant une contrepartie des fonctions de dirigeant alors exercées par M. B... dans la société Copag ou une société du même groupe, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 7 novembre 2019 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


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