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Ariane Web: Conseil d'État 446036, lecture du 28 juillet 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:446036.20210728

Décision n° 446036
28 juillet 2021
Conseil d'État

N° 446036
ECLI:FR:CECHS:2021:446036.20210728
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
M. Réda Wadjinny-Green, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public


Lecture du mercredi 28 juillet 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. A... G... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Capbreton (Landes).

Par un jugement n° 2000669-2001003 du 30 septembre 2020, le tribunal administratif a rejeté leurs protestations.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 novembre 2020 et 11 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. G... et C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à leurs protestations.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;
- le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 juillet 2021, présentée par MM. G... et C....


Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du premier tour des élections municipales qui s'est déroulé le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Capbreton (Landes), qui rassemble plus de 1 000 habitants, les vingt-neuf sièges à pourvoir l'ont été. La liste " Union Capbreton", conduite par M. E... F..., maire sortant, a obtenu 22 sièges, avec 1 896 voix, soit 50,25 % des suffrages exprimés et la liste " Nouveau Cap 2020-2026 " conduite par M. A... G... a obtenu 7 sièges, avec 1 877 voix, soit 49,74 % des suffrages exprimés. M. G... et M. B... H... C... demandent l'annulation du jugement du 30 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leurs protestations tendant à l'annulation de ces opérations électorales.

En ce qui concerne les listes électorales :

2. Aux termes de l'article L. 11 du code électoral : " I.- Sont inscrits sur la liste électorale de la commune, sur leur demande :/ 1° Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins et leurs enfants de moins de 26 ans ;/ 2° Ceux qui figurent pour la deuxième fois sans interruption, l'année de la demande d'inscription, au rôle d'une des contributions directes communales et, s'ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux. Tout électeur ou toute électrice peut être inscrit sur la même liste que son conjoint au titre de la présente disposition ;/ 2° bis Ceux qui, sans figurer au rôle d'une des contributions directes communales, ont, pour la deuxième fois sans interruption l'année de la demande d'inscription, la qualité de gérant ou d'associé majoritaire ou unique d'une société figurant au rôle, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ;/ 3° Ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans la commune en qualité de fonctionnaires (...) ". Il n'appartient pas au juge de l'élection, en l'absence de manoeuvre de nature à fausser les résultats du scrutin, d'apprécier si un électeur inscrit sur les listes électorales remplit effectivement l'une des conditions exigées par l'article L. 11 du code électoral. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que le maintien sur la liste électorale de Capbreton de MM. Philippe Anglade et Pascal d'Avezac de Moran, dont il n'est pas établi qu'ils ne remplissent aucune des conditions posées par l'article L. 11 du code électoral, ait constitué une manoeuvre destinée à fausser les résultats du scrutin.

En ce qui concerne les pressions sur les électeurs :

3. Aux termes de l'article L. 106 du même code : " Quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d'emplois publics ou privés ou d'autres avantages particuliers, faits en vue d'influencer le vote d'un ou plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d'obtenir leur suffrage, soit directement, soit par l'entremise d'un tiers, quiconque, par les mêmes moyens, aura déterminé ou tenté de déterminer un ou plusieurs d'entre eux à s'abstenir, sera puni de deux d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros ". S'il n'appartient pas au juge de l'élection de faire application de ces dispositions en ce qu'elles édictent des sanctions pénales, il lui revient, en revanche, de rechercher si des pressions telles que définies par celles-ci ont été exercées sur les électeurs et ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin. Il résulte de l'instruction que le 16 décembre 2019, une cérémonie de remise des clés et de signature de baux de logements locatifs sociaux a été organisée par l'Office HLM Habitat Sud Atlantic, dans une salle mise à sa disposition par la commune où une collation modeste a été proposée à une soixantaine de participants, en présence d'une adjointe au maire. Dès lors que la date de cette manifestation résulte d'un retard pris dans le calendrier des travaux par le promoteur immobilier, qu'il n'est pas établi que cette réunion revête un caractère exceptionnel et qu'il ne résulte pas de l'instruction que les propos tenus par le maire à cette occasion aient revêtu un caractère électoral ni que, contrairement à ce qui est allégué, 36 des participants à cette réunion aient été le jour même inscrits sur la liste électorale de Capbreton, le moyen tiré de ce que cette réunion aurait eu pour objet et pour effet d'exercer des pressions sur des électeurs ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que cette cérémonie méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral étant soulevé pour la première fois en appel, il ne peut être accueilli.

En ce qui concerne la désignation des scrutateurs :

4. Selon l'article L. 65 du code électoral : " Dès la clôture du scrutin, (...). Le bureau désigne parmi les électeurs présents un certain nombre de scrutateurs sachant lire et écrire, lesquels se divisent par tables de quatre au moins. Si plusieurs candidats ou plusieurs listes sont en présence, il leur est permis de désigner respectivement les scrutateurs, lesquels doivent être répartis également autant que possible par chaque table de dépouillement. Le nombre de tables ne peut être supérieur au nombre d'isoloirs. / ( ...) A chaque table, l'un des scrutateurs extrait le bulletin de chaque enveloppe et le passe déplié à un autre scrutateur ; celui-ci le lit à haute voix ; les noms portés sur les bulletins sont relevés par deux scrutateurs au moins sur des listes préparées à cet effet (...) ". Aux termes de l'article R. 65 du même code : " Les scrutateurs désignés, en application de l'article L. 65, par les candidats ou mandataires des listes en présence ou par les délégués prévus à l'article R. 47, sont pris parmi les électeurs présents ; les délégués peuvent être également scrutateurs. Leurs nom, prénoms et date de naissance sont communiqués au président du bureau au moins une heure avant la clôture du scrutin. Ces scrutateurs sont affectés aux tables de dépouillement de telle sorte que la lecture des bulletins et l'inscription des suffrages soient, autant que possible, contrôlées simultanément par un scrutateur de chaque candidat ou de chaque liste ".

5. S'il résulte de l'instruction que, comme le recommandait le ministre de l'intérieur dans sa circulaire du 9 mars 2020 relative à l'organisation des élections municipales des 15 et 22 mars 2020 en situation d'épidémie de coronavirus COVID-19, la commune de Capbreton a, préalablement au scrutin, afin d'assurer la présence de scrutateurs en nombre suffisant dans ces circonstances exceptionnelles, établi un tableau répartissant les scrutateurs entre les seize tables de dépouillement des huit bureaux de vote et comportant des représentants des deux listes en présence, cette circonstance n'est pas de nature à caractériser une méconnaissance des dispositions des articles L. 65 et R. 65 du code électoral, dès lors qu'il ne résulte pas des observations portées dans les procès-verbaux que les scrutateurs n'ont pas été désignés par les bureaux de vote parmi les électeurs présents lors de la clôture du scrutin, ni que leur nombre aurait été inférieur au nombre de quatre par table.

En ce qui concerne le bureau de vote n°5 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 62 du code électoral : " Dès la clôture du scrutin, la liste d'émargement est signée par tous les membres du bureau. Il est aussitôt procédé au dénombrement des émargements ". Il ne résulte pas de l'instruction que l'irrégularité résultant de l'absence de signature par les membres du bureau de vote n° 5 de la liste d'émargement, en méconnaissance de l'article R. 62 du code électoral, a eu une influence sur la sincérité du scrutin, en dépit des erreurs matérielles que le procès-verbal du bureau de vote n° 5 comporte, d'ailleurs rectifiées dans le procès-verbal centralisateur comme l'explicite l'observation qui y est portée par M. D..., délégué de la liste " Union Capbreton ".

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 64 du code électoral : " Le dépouillement est opéré par des scrutateurs sous la surveillance des membres du bureau. / A défaut de scrutateurs en nombre suffisant, le bureau de vote peut y participer ". En l'absence de toute observation au procès-verbal, la seule circonstance que la feuille de dépouillement des votes de la première table ne comporte que deux signatures tandis que celle de la deuxième table en comporte cinq, alors que les photographies de ces deux tables établissent que chacune d'entre elles comportait cinq scrutateurs, ne saurait être regardée comme constitutive d'une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin, pas plus que la circonstance que des tables de dépouillement auraient été complétées par des membres du bureau alors que les scrutateurs y étaient en nombre suffisant, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 64 du code électoral.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 69 du code électoral : " Les résultats arrêtés par chaque bureau et les pièces annexes ne peuvent en aucun cas être modifiés ". Il résulte de l'instruction, d'une part, que la feuille de dépouillement de la deuxième table fait apparaître 162 voix pour la liste " Union Capbreton ", 120 voix pour la liste " Nouveau Cap ", 7 votes blancs et 2 votes nuls, alors qu'à la suite d'une erreur matérielle les totaux qui y sont reportés sont ceux de la première table. D'autre part, le procès-verbal du bureau de vote n° 5 comporte un nombre erroné de 184 voix pour la liste " Union Capbreton ", alors qu'il ressort des deux feuilles de dépouillement que 284 suffrages lui sont acquis selon le recensement des bâtonnets qui ont été apposés par les scrutateurs et un nombre erroné de 486 suffrages exprimés, alors que ceux-ci s'établissent à 472. Toutefois, dès lors que, d'une part, comme il a été dit au point 4, ces erreurs matérielles ont été rectifiées dans le procès-verbal centralisateur, ce à quoi l'article R. 69 du code électoral ne fait pas obstacle, et, d'autre part, qu'aucune observation sur les opérations de dépouillement n'a été portée au procès-verbal, ces circonstances ne sont pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à établir l'existence d'une fraude ni d'une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.

En ce qui concerne les bureaux de vote n°s 4 et 8 :

9. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que les listes d'émargement des bureaux de vote n°s 4 et 8 comporteraient chacune deux signatures identiques laissant supposer l'existence d'un double vote.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à leur charge la somme que M. F... demande au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de MM. G... et C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. F... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... G..., à M. B... C... et à M. E... F....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet des Landes.