Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 440159, lecture du 29 juillet 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:440159.20210729

Décision n° 440159
29 juillet 2021
Conseil d'État

N° 440159
ECLI:FR:CECHS:2021:440159.20210729
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
Mme Dominique Agniau-Canel, rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public


Lecture du jeudi 29 juillet 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 avril 2020 et 31 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler pour excès de pouvoir la décision d'interdire aux adultes d'utiliser une bicyclette pour les déplacements prévus au 5° du I de l'article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, révélée par la publication, sur le site internet du gouvernement, de la réponse à une question intitulée " Puis-je continuer de faire une sortie en vélo ' " ;
2° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 001 francs CFAP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Agniau-Canel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 3131-15 du code de la santé publique, issu la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, dispose que, dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut notamment : " 1° Restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixées par décret ; 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ; (...) Les mesures prescrites en application des 1° à 10° du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu (...) ". Sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, l'article 3 du décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, modifié et complété à plusieurs reprises, interdit, en dernier lieu jusqu'au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile, à l'exception de certains déplacements obéissant aux motifs qu'il énumère. Au nombre de ceux-ci figurent notamment, au 5° du I de cet article, " les déplacements brefs, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile, liés soit à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d'autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie ".

2. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'intervention du décret du 23 mars 2020, a été publiée sur un site gouvernemental, à l'adresse "https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus ", l'indication selon laquelle il était interdit aux adultes, même seuls, de pratiquer le vélo pour les loisirs.

3. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre.

4. Il résulte des termes mêmes de l'article 3 du décret du 23 mars 2020 cité ci-dessus que l'usage, pour un déplacement qu'il autorise, d'un moyen de déplacement particulier, notamment d'une bicyclette, ne saurait, à lui seul, caractériser une violation de l'interdiction qu'il édicte.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision de publier sur un site gouvernemental l'indication selon laquelle il était interdit aux adultes, même seuls, de pratiquer le vélo pour les loisirs, en tant que cette interdiction s'appliquait aux déplacements autorisés par l'article 3 du décret du 23 mars 2020, c'est-à-dire aux déplacements brefs, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile. Est sans incidence, eu égard à l'office du juge de l'excès de pouvoir, la circonstance que cette publication ait été supprimée au terme de quelques semaines. Il n'y a, en revanche, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
----------------

Article 1er : La décision de publier sur un site gouvernemental, en mars 2020, l'indication selon laquelle il était interdit aux adultes, même seuls, de pratiquer le vélo pour les loisirs, est annulée en tant qu'elle s'appliquait aux déplacement autorisés par l'article 3 du décret du 23 mars 2020.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... et au ministre des solidarités et de la santé.