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Ariane Web: Conseil d'État 431472, lecture du 10 décembre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:431472.20211210

Décision n° 431472
10 décembre 2021
Conseil d'État

N° 431472
ECLI:FR:CECHR:2021:431472.20211210
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Nicolas Agnoux, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du vendredi 10 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. H... J... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'aménagement et de redevance d'archéologie préventive, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles il a été assujetti par deux titres de perception du 4 décembre 2015, à raison de constructions irrégulièrement édifiées sur le territoire de la commune d'Arles (Bouches-du-Rhône). Par un jugement n° 1607544 du 4 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 19MA02386 du 7 juin 2019, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté par M. J... contre ce jugement en tant qu'il statue sur les conclusions relatives à la taxe d'aménagement.

Par ce pourvoi, enregistré le 19 avril 2019 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et régularisé le 26 juillet 2019, M. J... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il statue sur les conclusions relatives à la taxe d'aménagement ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. J... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire d'Arles a délivré à M. J..., par un arrêté du 21 juin 2004, un permis de construire des boxes à chevaux d'une surface hors oeuvre brute de 40 m² puis, par un arrêté du 17 janvier 2005, un permis modificatif l'autorisant à modifier l'implantation de ces boxes et à réaliser une piscine. Le 18 septembre 2012, un procès-verbal établi par la commune a constaté la présence de deux bâtiments d'habitation sur la parcelle en litige, édifiés sans autorisation d'urbanisme. En conséquence, deux titres de perception ont été émis à l'encontre de M. J... le 4 décembre 2015 au titre de la taxe d'aménagement, de la redevance d'archéologie préventive et des pénalités correspondantes. M. J... se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 4 mars 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe d'aménagement et des pénalités correspondantes.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 331-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Les opérations d'aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d'agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime d'autorisation en vertu du présent code donnent lieu au paiement d'une taxe d'aménagement, sous réserve des dispositions des articles L. 331-7 à L. 331-9. / Les redevables de la taxe sont les personnes bénéficiaires des autorisations mentionnées au premier alinéa du présent article ou, en cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation de construire ou d'aménager, les personnes responsables de la construction. / Le fait générateur de la taxe est, selon les cas, la date de délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager, celle de délivrance du permis modificatif, celle de la naissance d'une autorisation tacite de construire ou d'aménager, celle de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ou, en cas de constructions ou d'aménagements sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation de construire ou d'aménager, celle du procès-verbal constatant l'achèvement des constructions ou des aménagements en cause ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 331-20 du même code : " La taxe d'aménagement est liquidée selon la valeur et les taux en vigueur à la date soit de la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager ou du permis modificatif, soit de la naissance d'une autorisation tacite de construire ou d'aménager, soit de la décision de non-opposition à une déclaration préalable, soit du procès-verbal constatant les infractions ". Enfin, l'article L. 331-22 du même code dans sa version applicable au litige dispose que : " Lorsqu'une demande d'autorisation de construire a été déposée, la procédure de rectification contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales peut être mise en oeuvre. / Si aucune déclaration n'a été déposée, les bases ou les éléments servant au calcul de la taxe et des sanctions applicables sont portés à la connaissance du redevable trente jours au moins avant la mise en recouvrement ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 11 du code de procédure pénale : " Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. / Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, préalablement à la notification des titres de perception en litige, la direction départementale des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône a adressé à M. J... un courrier en date du 24 juillet 2015 qui, d'une part, faisait état de l'édification d'une construction sans autorisation en se référant, sans autre précision, au procès-verbal de constat d'infraction du 18 septembre 2012 dont elle avait été rendue destinataire et, d'autre part, déterminait les bases de la taxe d'aménagement ainsi que des pénalités correspondantes. Devant le tribunal administratif de Marseille, M. J... soutenait que l'administration avait entaché la procédure d'irrégularité en s'abstenant de répondre, avant la notification du titre de perception relatif à cette taxe, à ses demandes tendant à ce que lui soit communiqué ce procès-verbal. Le tribunal a écarté ce moyen en jugeant que les dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale faisaient obstacle à la communication du procès-verbal qui constituait une pièce de procédure pénale couverte par le secret de l'enquête et de l'instruction.

5. Toutefois, les dispositions législatives du code de l'urbanisme citées au point 2 impliquent que le procès-verbal d'infraction, nécessaire à l'établissement de la taxe d'aménagement, puisse être porté à la connaissance du contribuable pour lui permettre de faire valoir utilement ses observations. Elles relèvent par suite des exceptions prévues à l'article 11 du code de procédure pénale, de sorte qu'il appartient à l'administration de communiquer cette pièce au contribuable qui en fait la demande ou, si elle n'en dispose pas, de l'inviter à présenter sa demande à l'autorité judiciaire. Dès lors, en statuant comme il l'a fait, le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. J... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il statue sur la taxe d'aménagement et les pénalités correspondantes.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit, l'administration s'est abstenue, avant de notifier le titre de perception relatif à la taxe d'aménagement, de répondre aux demandes de M. J... tendant à ce que lui soit communiqué le procès-verbal de constat d'infraction sur lequel elle se fondait, dans son courrier du 24 juillet 2015, pour établir l'imposition en litige et a, par suite, entaché la procédure d'irrégularité. M. J... est donc fondé à demander la décharge de cette imposition.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à M. J... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'ensemble de la procédure.


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 4 mars 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il statue sur la taxe d'aménagement.

Article 2 : M. J... est déchargé de la taxe d'aménagement ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti par titre de perception du 4 décembre 2015.

Article 3 : L'Etat versera à M. J... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. H... J... et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 novembre 2021 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. G... F..., M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre; Mme A... N..., M. D... E..., Mme K... B..., M. L... C..., Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 10 décembre 2021.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Nicolas Agnoux
La secrétaire :
Signé : Mme I... M...


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