Conseil d'État
N° 454392
ECLI:FR:CECHR:2021:454392.20211217
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Alexis Goin, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
Lecture du vendredi 17 décembre 2021
Vu la procédure suivante :
M. H... L... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à titre principal, de suspendre l'exécution de la décision du 19 avril 2021 par laquelle la ministre des armées lui a retiré son habilitation " secret-défense " et d'enjoindre à la ministre de lui délivrer cette habilitation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance et, à titre subsidiaire, d'ordonner la production des motifs ayant justifié le retrait de son habilitation sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par une ordonnance n° 2104709 du 24 juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu l'exécution de cette décision et enjoint à la ministre des armées de restituer provisoirement à M. L... son habilitation dans un délai de huit jours.
Par un pourvoi, enregistré le 8 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. L....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le code pénal ;
- l'arrêté du Premier ministre du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Marseille que M. L..., ingénieur, a été recruté par la société Technicatome à compter du 1er janvier 2006. Par un courrier du 19 avril 2021, le délégué général pour l'armement a informé l'officier de sécurité de cette société que l'habilitation " secret-défense " de M. L... avait été retirée. M. L... a été licencié le 12 mai 2021. Le 27 mai 2021, il a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de suspendre l'exécution de la décision de retrait de son habilitation. Par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a fait droit à sa demande.
3. Aux termes de l'article 413-9 du code pénal : " Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès. / (...) Les niveaux de classification des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d'Etat ".
4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 2311-3 du code de la défense, dans sa rédaction applicable au litige : " Le niveau Secret-Défense est réservé aux informations et supports dont la divulgation est de nature à nuire gravement à la défense nationale. " Aux termes de l'article R. 2311-7 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Nul n'est qualifié pour connaître des informations et supports classifiés s'il n'a fait au préalable l'objet d'une décision d'habilitation et s'il n'a besoin, selon l'appréciation de l'autorité d'emploi sous laquelle il est placé, (...) de les connaître pour l'exercice de sa fonction ou l'accomplissement de sa mission ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2311-8 du même code, dans sa rédaction applicable : " La décision d'habilitation précise le niveau de classification des informations et supports classifiés dont le titulaire peut connaître ainsi que le ou les emplois qu'elle concerne. Elle intervient à la suite d'une procédure définie par le Premier ministre ".
5. Aux termes de l'article 27 de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, dans sa version approuvée par l'arrêté du Premier ministre du 30 novembre 2011, applicable au litige : " La durée de validité de l'habilitation est liée à la durée d'occupation du poste qui a justifié sa délivrance. Elle cesse lorsque l'intéressé quitte son emploi. " Selon l'article 31 de cette instruction : " L'habilitation prend fin de trois manières : soit lorsque l'intéressé quitte le poste qui a motivé son habilitation, soit lorsque la validité de l'habilitation expire, soit parce que l'habilitation est retirée. / 1. Cessation des fonctions : / L'habilitation liée à l'occupation d'un poste ou à l'exercice d'une fonction déterminée expire lorsque son titulaire change d'affectation ou cesse ses fonctions. (...) ".
6. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a retenu que la demande de M. L... tendant à la suspension de l'exécution de la décision prononçant le retrait de l'habilitation qui lui avait été délivrée n'avait pas perdu son objet à la date d'effet de son licenciement, au motif que cette décision l'empêcherait de postuler à des emplois équivalents. En statuant par de tels motifs, alors qu'il résulte des dispositions précédemment citées qu'une décision d'habilitation est délivrée pour l'exercice de fonctions déterminées ou l'occupation d'un poste déterminé, qu'elle cesse en conséquence lorsque l'intéressé est licencié, et qu'elle ne saurait, par suite, autoriser l'accès à des informations ou supports classifiés pour l'exercice d'un autre emploi, le juge des référés a commis une erreur de droit. Il s'ensuit que son ordonnance doit être annulée.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. L... a été licencié le 12 mai 2021. Il suit de là que la décision ayant prononcé le retrait de son habilitation doit être regardée comme ayant épuisé ses effets à cette date. Par suite, sa demande de suspension avait perdu son objet avant l'introduction de sa demande en référé le 27 mai 2021. Cette dernière est, dès lors, irrecevable et ne peut qu'être rejetée.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. L... devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 24 juin 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. L... devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. H... L....
Délibéré à l'issue de la séance du 24 novembre 2021 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. I... J..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. D... N..., Mme A... K..., M. C... G..., M. E... M..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.
Rendu le 17 décembre 2021.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alexis Goin
La secrétaire :
Signé : Mme F... B...
N° 454392
ECLI:FR:CECHR:2021:454392.20211217
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Alexis Goin, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
Lecture du vendredi 17 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. H... L... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à titre principal, de suspendre l'exécution de la décision du 19 avril 2021 par laquelle la ministre des armées lui a retiré son habilitation " secret-défense " et d'enjoindre à la ministre de lui délivrer cette habilitation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance et, à titre subsidiaire, d'ordonner la production des motifs ayant justifié le retrait de son habilitation sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par une ordonnance n° 2104709 du 24 juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a suspendu l'exécution de cette décision et enjoint à la ministre des armées de restituer provisoirement à M. L... son habilitation dans un délai de huit jours.
Par un pourvoi, enregistré le 8 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. L....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le code pénal ;
- l'arrêté du Premier ministre du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Marseille que M. L..., ingénieur, a été recruté par la société Technicatome à compter du 1er janvier 2006. Par un courrier du 19 avril 2021, le délégué général pour l'armement a informé l'officier de sécurité de cette société que l'habilitation " secret-défense " de M. L... avait été retirée. M. L... a été licencié le 12 mai 2021. Le 27 mai 2021, il a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de suspendre l'exécution de la décision de retrait de son habilitation. Par l'ordonnance attaquée, le juge des référés a fait droit à sa demande.
3. Aux termes de l'article 413-9 du code pénal : " Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès. / (...) Les niveaux de classification des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d'Etat ".
4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 2311-3 du code de la défense, dans sa rédaction applicable au litige : " Le niveau Secret-Défense est réservé aux informations et supports dont la divulgation est de nature à nuire gravement à la défense nationale. " Aux termes de l'article R. 2311-7 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Nul n'est qualifié pour connaître des informations et supports classifiés s'il n'a fait au préalable l'objet d'une décision d'habilitation et s'il n'a besoin, selon l'appréciation de l'autorité d'emploi sous laquelle il est placé, (...) de les connaître pour l'exercice de sa fonction ou l'accomplissement de sa mission ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 2311-8 du même code, dans sa rédaction applicable : " La décision d'habilitation précise le niveau de classification des informations et supports classifiés dont le titulaire peut connaître ainsi que le ou les emplois qu'elle concerne. Elle intervient à la suite d'une procédure définie par le Premier ministre ".
5. Aux termes de l'article 27 de l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, dans sa version approuvée par l'arrêté du Premier ministre du 30 novembre 2011, applicable au litige : " La durée de validité de l'habilitation est liée à la durée d'occupation du poste qui a justifié sa délivrance. Elle cesse lorsque l'intéressé quitte son emploi. " Selon l'article 31 de cette instruction : " L'habilitation prend fin de trois manières : soit lorsque l'intéressé quitte le poste qui a motivé son habilitation, soit lorsque la validité de l'habilitation expire, soit parce que l'habilitation est retirée. / 1. Cessation des fonctions : / L'habilitation liée à l'occupation d'un poste ou à l'exercice d'une fonction déterminée expire lorsque son titulaire change d'affectation ou cesse ses fonctions. (...) ".
6. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a retenu que la demande de M. L... tendant à la suspension de l'exécution de la décision prononçant le retrait de l'habilitation qui lui avait été délivrée n'avait pas perdu son objet à la date d'effet de son licenciement, au motif que cette décision l'empêcherait de postuler à des emplois équivalents. En statuant par de tels motifs, alors qu'il résulte des dispositions précédemment citées qu'une décision d'habilitation est délivrée pour l'exercice de fonctions déterminées ou l'occupation d'un poste déterminé, qu'elle cesse en conséquence lorsque l'intéressé est licencié, et qu'elle ne saurait, par suite, autoriser l'accès à des informations ou supports classifiés pour l'exercice d'un autre emploi, le juge des référés a commis une erreur de droit. Il s'ensuit que son ordonnance doit être annulée.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. L... a été licencié le 12 mai 2021. Il suit de là que la décision ayant prononcé le retrait de son habilitation doit être regardée comme ayant épuisé ses effets à cette date. Par suite, sa demande de suspension avait perdu son objet avant l'introduction de sa demande en référé le 27 mai 2021. Cette dernière est, dès lors, irrecevable et ne peut qu'être rejetée.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. L... devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 24 juin 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. L... devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à M. H... L....
Délibéré à l'issue de la séance du 24 novembre 2021 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. I... J..., M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. D... N..., Mme A... K..., M. C... G..., M. E... M..., M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.
Rendu le 17 décembre 2021.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Alexis Goin
La secrétaire :
Signé : Mme F... B...