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Ariane Web: Conseil d'État 450285, lecture du 24 février 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:450285.20220224

Décision n° 450285
24 février 2022
Conseil d'État

N° 450285
ECLI:FR:CECHR:2022:450285.20220224
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP SPINOSI, avocats


Lecture du jeudi 24 février 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 450285, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er mars, 3 mai et 3 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), l'Association de recherche, de communication et d'action pour l'accès aux traitements (ARCAT), le Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE), la Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s (FASTI), le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), la Ligue des droits de l'homme (LDH), Le paria, le Syndicat des avocats de France (SAF) et SOS - Hépatites Fédération demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° Sous le n° 450288, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er mars, 3 mai et 3 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE), l'Association de recherche, de communication et d'action pour l'accès aux traitements (ARCAT), le Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE), la Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s (FASTI), le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), la Ligue des droits de l'homme (LDH), Le paria, le Syndicat des avocats de France (SAF) et SOS - Hépatites Fédération demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-1734 du 16 décembre 2020 portant partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- la directive n° 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 mars 2019, Arib e.a. (C-444/17) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mai 2019, M e.a. (C-391/16, C77/17 et C-78/17) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mai 2020, FMS, FNZ, SA et SA Junior (C-924/19 PPU et C-925/19 PPU) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 janvier 2021, K.S. et M.H.K. contre The International Protection Appeals Tribunal e.a. et R.A.T. et D.S. contre Minister for Justice and Equality (C-322/19, C-385/19) ;
- la décision n° 428178 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat des Avocats pour la défense des droits des étrangers et autres.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 février 2022, présentée par les Avocats pour la défense des droits des étrangers et autres ;




Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique :

1. Aux termes de l'article 52 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie : " Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, et dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé, par voie d'ordonnance : / 1° A procéder à une nouvelle rédaction de la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin d'en aménager le plan, d'en clarifier la rédaction et d'y inclure les dispositions d'autres codes ou non codifiées relevant du domaine de la loi et intéressant directement l'entrée et le séjour des étrangers en France. / La nouvelle codification à laquelle il est procédé en application du présent 1° est effectuée à droit constant et sous réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l'état du droit, remédier aux erreurs et insuffisances de codification et abroger les dispositions, codifiées ou non, obsolètes ou devenues sans objet ; (...) / Les projets de loi de ratification de ces ordonnances sont déposés devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de ces ordonnances. "

2. Sur le fondement de cette habilitation législative, prorogée par l'article 14 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, le Gouvernement a pris l'ordonnance du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). A été pris le même jour un décret portant partie réglementaire du même code. L'association Avocats pour la défense des droits des étrangers et les autres associations requérantes demandent l'annulation, pour excès de pouvoir, de cette ordonnance et de ce décret par des requêtes qui présentent à juger des questions similaires et qu'il y a lieu, dès lors, de joindre pour y statuer par une seule décision.

3. Dans l'exercice des pouvoirs qu'il tient de l'article 38 de la Constitution, il appartient au Gouvernement, lorsqu'il est habilité à adopter à droit constant une nouvelle rédaction de la partie législative d'un code dans le but d'en améliorer l'accessibilité et l'intelligibilité dans le respect de la hiérarchie des normes, de procéder, conformément à l'habilitation qui lui a été donnée, aux modifications nécessaires pour assurer le respect, par les dispositions qu'il adopte, de la hiérarchie des normes. Cette circonstance de droit nouvelle interdit de regarder ces nouvelles dispositions comme purement confirmatives des dispositions législatives antérieures. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation des dispositions d'une telle ordonnance non ratifiée sont recevables devant le juge de l'excès de pouvoir, à qui il appartient, notamment, de se prononcer sur les moyens tirés de leur contrariété avec une norme supérieure, sans préjudice d'éventuelles questions prioritaires de constitutionnalité. La partie réglementaire d'un code, prise en conséquence de l'adoption de la partie législative du code, ne peut, en principe, pas davantage être regardée comme purement confirmative des dispositions règlementaires antérieures.

En ce qui concerne la légalité externe de l'ordonnance et du décret attaqués :

4. En réponse aux moyens tirés de ce qu'il n'est pas établi que le texte de l'ordonnance et celui du décret attaqués publiés au Journal officiel sont conformes aux projets initiaux du Gouvernement ou aux textes adoptés par la section de l'intérieur du Conseil d'Etat, le ministre a versé au dossier les textes des projets d'ordonnance et de décret adoptés par cette section, qui ont été communiqués aux associations requérantes. Celles-ci n'ayant pas assorti ces moyens des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, ils doivent dès lors être écartés.

En ce qui concerne la légalité interne de l'ordonnance :

S'agissant du livre II regroupant les dispositions applicables aux citoyens de l'Union européenne et aux membres de leur famille :

Quant aux articles L. 233-1, L. 233-2 et L. 236-1 du CESEDA en ce qu'ils sont relatifs au droit au séjour de plus de trois mois des enfants à charge d'un citoyen de l'Union européenne qui suit des études ou une formation professionnelle en France :

5. D'une part, aux termes de l'article 2 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) / 2) ''membre de la famille'' : / a) le conjoint; / b) le partenaire (...) ; / c) les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt-et-un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) ; / d) les ascendants directs à charge et ceux du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) ; / (...) ". Et aux termes de l'article 7 de la même directive : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : / (...) / c) s'il est inscrit dans un établissement privé ou public, (...) pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et s'il dispose d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil et garantit à l'autorité nationale compétente (...) qu'il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille (...) ; / d) si c'est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c). / (...) / (...) 4. Par dérogation au paragraphe 1, point d) et au paragraphe 2 ci-dessus, seul le conjoint, le partenaire enregistré au sens de l'article 2, paragraphe 2, point b) et les enfants à charge bénéficient du droit de séjour en tant que membres de la famille d'un citoyen de l'Union qui remplit les conditions énoncées au paragraphe 1, point c). (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'est reconnu un droit au séjour de plus de trois mois aux descendants directs à charge du citoyen de l'Union européenne poursuivant des études ou une formation en France dans les conditions précisées par ces dispositions, ainsi qu'aux descendants directs à charge de son conjoint.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 200-4 du CESEDA : " Par membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : / 1° Conjoint du citoyen de l'Union européenne ; / 2° Descendant direct âgé de moins de vingt-et-un ans du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint ; / 3° Descendant direct à charge du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint ; / 4° Ascendant direct à charge du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint ". Aux termes de l'article L. 236-1 du CESEDA : " Un document de circulation pour étranger mineur est délivré de plein droit à l'étranger mineur résidant en France qui est : / 1° Un descendant direct d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1 ou l'enfant à charge d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées au 3° du même article ; / 2° Un descendant direct à charge du conjoint d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1. / (...) ". Aux termes de l'article L. 233-1 du CESEDA : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / (...) / 3° Ils sont inscrits dans un établissement (...) pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantissent disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour eux et pour leurs conjoints ou descendants directs à charge qui les accompagnent ou les rejoignent (...) / 5° Ils sont le conjoint ou le descendant direct à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. ". Aux termes, enfin, de l'article L. 233-2 du même code : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / Il en va de même pour les ressortissants de pays tiers, conjoints ou descendants directs à charge accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées au 3° de l'article L. 233-1. "

7. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 200-4 du CESEDA, qui transposent la définition de " membre de la famille " résultant de l'article 2 de la directive 2004/38/CE, y incluent tant les descendants directs à charge du citoyen de l'Union européenne que ceux de son conjoint. Les dispositions de l'article L. 236-1 du CESEDA, telles que reproduites au point précédent, reconnaissent quant à elles à " l'enfant à charge " d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées au 3° de l'article L. 233-1 du même code le droit de se voir délivrer de plein droit un document de circulation pour étranger mineur. Dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 200-4 et L. 236-1 du CESEDA seraient contradictoires en tant qu'elles consacrent d'une part la notion de descendant direct à charge et d'autre part celle d'enfant à charge doit être écarté comme manquant en fait.

8. En second lieu, il résulte des dispositions des articles L. 233-1 et L. 233-2, reproduites au point 6, telles qu'issues de l'ordonnance litigieuse, qu'elles ne reconnaissent un droit au séjour de plus trois mois qu'au conjoint et aux descendants directs à charge du citoyen de l'Union européenne relevant du 3° de l'article L. 233-1. Il s'ensuit qu'en tant qu'elles excluent le droit au séjour de plus de trois mois de l'enfant à charge du conjoint du citoyen de l'Union européenne, qui n'est pas le descendant direct de ce dernier, ces dispositions méconnaissent l'objectif de l'article 7 de la directive 2004/38/CE rappelé au point 5. Les requérantes sont, par suite, fondées à en demander l'annulation.

S'agissant du livre III regroupant les dispositions relatives à l'entrée des étrangers en France :

Quant aux dispositions de l'article L. 332-3 du CESEDA relatives à la possibilité d'opposer aux ressortissants de pays tiers des refus d'entrée aux frontières intérieures :

9. D'une part, l'article 32 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) prévoit que lorsque le contrôle aux frontières intérieures est réintroduit dans les conditions prévues au chapitre II du titre III, les dispositions pertinentes du titre II de ce règlement, relatif aux frontières extérieures, " s'appliquent mutatis mutandis ". L'article 14 du code frontières Schengen, qui relève du titre II de ce règlement, prévoit la possibilité d'édicter des refus d'entrée à l'encontre de ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas l'ensemble des conditions d'entrée énoncées au paragraphe 1 de l'article 6 et qui n'appartiennent pas à l'une des catégories de personnes visées au paragraphe 5 de l'article 6 du même règlement. D'autre part, il résulte du a) du paragraphe 2 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier que les États membres peuvent décider de ne pas appliquer cette directive aux ressortissants de pays tiers qui font l'objet " d'une décision de refus d'entrée conformément à l'article [14] du code frontières Schengen, ou arrêtés ou interceptés par les autorités compétentes à l'occasion du franchissement irrégulier par voie terrestre, maritime ou aérienne de la frontière extérieure d'un État membre et qui n'ont pas obtenu par la suite l'autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre ".

10. Dans son arrêt du 19 mars 2019, Arib e.a. (C-444/17), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que : " L'article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008 [...] lu en combinaison avec l'article 32 du [code frontières Schengen], doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à la situation d'un ressortissant de pays tiers, arrêté à proximité immédiate d'une frontière intérieure et en séjour irrégulier sur le territoire d'un État membre, même lorsque cet État membre a réintroduit, en vertu de l'article 25 de ce règlement, le contrôle à cette frontière, en raison d'une menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure dudit État membre. "

11. Dans sa décision n° 428175 du 27 novembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a jugé que les dispositions de l'article L. 213-3-1 du CESEDA, telles qu'issues de la loi du 10 septembre 2018 précitée, qui prévoyaient qu'en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, l'étranger en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut faire l'objet d'une décision de refus d'entrée dans les conditions de l'article L. 213-2 du même code lorsqu'il a pénétré sur le territoire métropolitain en franchissant une frontière intérieure terrestre sans y être autorisé et a été contrôlé dans une zone comprise entre cette frontière et une ligne tracée à dix kilomètres en deçà, sont contraires aux dispositions de la directive 2008/115/CE tels qu'interprétées par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne précité.

12. Les dispositions de l'ordonnance attaquée ne reprennent pas les dispositions de l'article L. 213-3-1 du CESEDA dans sa version antérieure et ne méconnaissent donc pas l'autorité de chose jugée par le Conseil d'Etat. Toutefois, le deuxième alinéa de l'article L. 332-3 du CESEDA, issu de l'ordonnance contestée, prévoit qu'une décision de refus d'entrée peut être prise " lors de vérifications effectuées à une frontière intérieure " en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures.

13. Eu égard aux termes des dispositions mentionnées au point 9 et aux motifs de l'arrêt précité de la Cour de justice de l'Union européenne, la question de savoir si, en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du règlement (UE) 2016/399, l'étranger en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 qui se présente à un point de passage frontalier autorisé, fixe ou mobile, sans être en possession des documents permettant de justifier d'une autorisation d'entrée ou du droit de séjourner en France, peut se voir opposer une décision de refus d'entrée, lors des vérifications effectuées à cette frontière, sur le fondement de l'article 14 de ce règlement, sans que soit applicable la directive 2008/115/CE, est déterminante pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat et présente une difficulté sérieuse d'interprétation du droit de l'Union européenne. Il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête n° 450285 dirigées contre l'article L. 332-3 du CESEDA, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance attaquée.

S'agissant du livre IV regroupant les dispositions relatives au séjour des étrangers en France :

Quant aux dispositions de l'article L. 423-5 du CESEDA, relatives au droit au séjour en cas de violences conjugales ou familiales :

14. Aux termes de l'article L. 423-5 du CESEDA, dans sa rédaction issue de l'ordonnance litigieuse : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie. / En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies. " Aux termes de l'article L. 423-6 du même code : " L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans à condition qu'il séjourne régulièrement en France depuis trois ans et que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. / La délivrance de cette carte est subordonnée au respect des conditions d'intégration républicaine prévues à l'article L. 413-7. / Elle peut être retirée en raison de la rupture de la vie commune dans un délai maximal de quatre années à compter de la célébration du mariage. / Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue par le décès de l'un des conjoints ou en raison de violences familiales ou conjugales, l'autorité administrative ne peut pas procéder au retrait pour ce motif. / (...) ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code, dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2021 : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". "

15. Les dispositions de l'article L. 313-12 du CESEDA, en vigueur avant l'ordonnance litigieuse, ont créé un droit particulier au séjour au profit d'un conjoint de ressortissant français, en raison de violences conjugales ou familiales ayant conduit à la rupture de la vie commune. Dans ce cas, le renouvellement du titre de séjour d'un étranger conjoint de ressortissant français n'est pas conditionné au maintien de la vie commune. Dès lors que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 423-5 issu de l'ordonnance attaquée prévoient que " la rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ", l'autorité administrative ne peut refuser le renouvellement du titre de séjour pour ce motif. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que ces dispositions méconnaîtraient la règle de codification à droit constant énoncée par l'article 52 de la loi du 10 septembre 2018 cité au point 1 et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui protègent notamment les victimes de violences conjugales, doivent être écartés.

S'agissant du livre V regroupant les dispositions relatives au droit d'asile et aux autres protections internationales :

Quant aux dispositions des articles L. 521-7 et L. 542-2 du CESEDA relatives au droit au maintien des demandeurs d'asile sur le territoire national pendant l'examen de leurs demandes :

16. En premier lieu, aux termes de l'article 9 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, relatif au droit au maintien sur le territoire : " 1. Les demandeurs sont autorisés à rester dans l'État membre, aux seules fins de la procédure, jusqu'à ce que l'autorité responsable de la détermination se soit prononcée conformément aux procédures en première instance prévues au chapitre III. Ce droit de rester dans l'État membre ne constitue pas un droit à un titre de séjour. / 2. Les États membres ne peuvent prévoir d'exception à cette règle que si une personne présente une demande ultérieure visée à l'article 41 (...) ". Aux termes de l'article 41 de la même directive, relatif aux dérogations au droit de rester sur le territoire en cas de demande ultérieure : " 1. Les États membres peuvent déroger au droit de rester sur le territoire lorsqu'une personne : / a) n'a introduit une première demande ultérieure, dont l'examen n'est pas poursuivi en vertu de l'article 40, paragraphe 5, qu'afin de retarder ou d'empêcher l'exécution d'une décision qui entraînerait son éloignement imminent de l'État membre concerné ; ou / b) présente une autre demande ultérieure de protection internationale dans le même État membre à la suite de l'adoption d'une décision finale déclarant une première demande ultérieure irrecevable en vertu de l'article 40, paragraphe 5, ou à la suite d'une décision finale rejetant cette demande comme infondée. / Les États membres ne peuvent faire usage de cette dérogation que si l'autorité responsable de la détermination estime qu'une décision de retour n'entraînera pas de refoulement direct ou indirect en violation des obligations internationales et à l'égard de l'Union incombant à cet État membre. / (...) ". Aux termes, enfin, du f) de l'article 2 de cette directive, aux fins d'application de la directive 2013/32/UE on entend par " ''autorité responsable de la détermination'', tout organe quasi juridictionnel ou administratif d'un État membre, responsable de l'examen des demandes de protection internationale et compétent pour se prononcer en première instance sur ces demandes "

17. Aux termes de l'article L. 542-2 du CESEDA : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; / b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; / c) une décision de rejet ou d'irrecevabilité dans les conditions prévues à l'article L. 753-5 ; / d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531 27 ; / e) une décision de clôture prise en application des articles L. 531-37 ou L. 531-38 ; l'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 531-40 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ; / 2° Lorsque le demandeur : / a) a informé l'office du retrait de sa demande d'asile en application de l'article L. 531-36 ; / b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement ; / c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; / d) fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale. / Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ". Et aux termes de l'article L. 521-7 du même code : " Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation (...) ne peut être refusée que dans les cas prévus aux c ou d du 2° de l'article L. 542-2. / Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. "

18. Les dispositions du 2ème alinéa du paragraphe 1 de l'article 41 de la directive 2013/32/UE, reproduites au point 16, conditionnent la mise en oeuvre, par les Etats membres, de la dérogation au droit au maintien sur le territoire après le dépôt d'une deuxième demande de réexamen d'une demande d'asile consécutif au rejet définitif de la première demande de réexamen, à l'appréciation de l'autorité responsable de la détermination quant à l'assurance que l'étranger ne fera pas l'objet d'un refoulement direct ou indirect en violation des obligations internationales et à l'égard de l'Union incombant à cet État membre, en cas de décision de retour. L'absence de délivrance d'une attestation de demandeur d'asile lors du dépôt d'une telle demande ne vaut pas décision de retour au sens de ces dispositions. Au demeurant, une décision de retour qui serait prise immédiatement après le dépôt de la deuxième demande de réexamen ne pourrait être exécutée avant que l'OFPRA n'ait examiné cette demande. Dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses des articles L. 521-7 et L. 542-2 du CESEDA méconnaissent la directive 2013/32/UE doit être écarté.

Quant aux dispositions de l'article L. 542-6 du CESEDA relatives à la possibilité de demander la suspension d'une décision d'éloignement lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin :

19. Aux termes de l'article 46 de la directive 2013/32/UE, relatif au droit à un recours effectif : " 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs disposent d'un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants : / a) une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris : / (...) / ii) les décisions d'irrecevabilité de la demande en application de l'article 33, paragraphe 2 / (...) / b) le refus de rouvrir l'examen d'une demande après que cet examen a été clos en vertu des articles 27 et 28 ; / (...) / 5. Sans préjudice du paragraphe 6, les États membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu'à l'expiration du délai prévu pour l'exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l'attente de l'issue du recours. / 6. En cas de décision : (...) / b) considérant une demande comme irrecevable en vertu de l'article 33, paragraphe 2, points a), b, ou d) ; / c) rejetant la réouverture du dossier du demandeur après qu'il a été clos conformément à l'article 28 ; / (...) / une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l'État membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l'État membre et lorsque, dans ces cas, le droit de rester dans l'État membre dans l'attente de l'issue du recours n'est pas prévu par le droit national. / (...) / 8. Les États membres autorisent le demandeur à rester sur leur territoire dans l'attente de l'issue de la procédure visant à décider si le demandeur peut rester sur le territoire, visée aux paragraphes 6 et 7. / (...) "

20. Aux termes de l'article L. 542-6 du CESEDA, dans sa rédaction issue de l'ordonnance attaquée : " Lorsque le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des b, c ou d du 1° de l'article L. 542-2, l'étranger peut demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement. / Cette demande est présentée dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 752-5 à L. 752-12 lorsque le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2. / Elle est présentée dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 753-7 à L. 753-11 lorsque le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application du c du 1° de l'article L. 542-2 ". Aux termes de l'article L. 752-5 du même code : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. " Aux termes de l'article L. 753-7 du même code : " En cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, demander au président du tribunal administratif de suspendre l'exécution de [l']éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. "

21. Les associations requérantes soutiennent qu'en ne prévoyant pas la suspension de l'exécution de la décision dans les cas prévus au a) et e) du 1° de l'article L. 542-2, reproduits au point 17, l'article L. 542-6 méconnaîtrait le droit à un recours effectif garanti par l'article 46 de la directive 2013/32/UE.

22. D'une part, le demandeur d'asile bénéficiant déjà d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne ou du statut de réfugié et d'une protection effective dans un Etat tiers où il est effectivement réadmissible, cas prévu au a) du 1° de l'article L. 542-2 du CESEDA reproduit au point 17, et qui fait l'objet, après qu'une décision d'irrecevabilité a été prise sur sa demande, d'une décision de remise à l'Etat qui lui a accordé sa protection, en application des dispositions de l'article L. 621-1 du CESEDA, dans les cas définis aux articles L. 621-2 à L. 621-7 du même code, ne dispose pas d'un droit à se maintenir sur le territoire jusqu'à l'expiration du délai de recours et, le cas échéant, dans l'attente de l'issue de son recours. Toutefois, les paragraphes 5 et 6 de l'article 46 de la directive 2013/32/UE impliquent qu'il doive pouvoir saisir une juridiction compétente pour décider s'il peut rester sur le territoire jusqu'à ce qu'il soit statué sur son recours. Si les dispositions de l'article L. 542-6 du CESEDA ne prévoient pas que, dans cette hypothèse, l'étranger puisse demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement, il résulte des termes mêmes de l'article L. 753-7 du CESEDA, qu'en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de sa demande par l'OFPRA, l'étranger peut demander la suspension de la décision d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, jusqu'à ce qu'elle statue.

23. D'autre part, si lorsque son dossier de demande d'asile a été clos en application des articles L. 531-37 et L. 531-38 du CESEDA, l'étranger, qui peut contester la décision de clôture dans les conditions mentionnées à l'article L. 531-40 du même code, ne dispose pas d'un droit à se maintenir sur le territoire jusqu'à l'expiration du délai de recours contre la décision de l'OFPRA refusant de rouvrir son dossier, cette décision ne constitue pas par elle-même une décision d'éloignement de l'étranger du territoire.

24. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 46 la directive 2013/32/UE par les dispositions de l'article L. 542-6 du CESEDA doit être écarté.

Quant aux articles L. 551-15 et L. 551-16 du CESEDA relatifs au refus ou la suspension des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile :

25. Aux termes de l'article 7 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale : " 3. Les États membres peuvent prévoir que, pour bénéficier des conditions matérielles d'accueil, les demandeurs doivent effectivement résider dans un lieu déterminé fixé par les États membres. Ces décisions, qui peuvent être à caractère général, sont prises au cas par cas et fondées sur le droit national. ". Aux termes de l'article 20 de la même directive : " Les États membres peuvent limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsqu'un demandeur : / a) abandonne le lieu de résidence fixé par l'autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité ou, si une autorisation est nécessaire à cet effet, sans l'avoir obtenue ; / ou b) ne respecte pas l'obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d'information ou ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile dans un délai raisonnable fixé par le droit national ; / ou c) a introduit une demande ultérieure telle que définie à l'article 2, point q), de la directive 2013/32/UE. / En ce qui concerne les cas visés aux points a) et b), lorsque le demandeur est retrouvé ou se présente volontairement aux autorités compétentes, une décision dûment motivée, fondée sur les raisons de sa disparition, est prise quant au rétablissement du bénéfice de certaines ou de l'ensemble des conditions matérielles d'accueil retirées ou réduites. / 2. Les États membres peuvent aussi limiter les conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils peuvent attester que le demandeur, sans raison valable, n'a pas introduit de demande de protection internationale dès qu'il pouvait raisonnablement le faire après son arrivée dans l'État membre. / 3. Les États membres peuvent limiter ou retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsqu'un demandeur a dissimulé ses ressources financières et a donc indûment bénéficié de conditions matérielles d'accueil. / (...) / 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ou les sanctions visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. / 6. Les États membres veillent à ce que les conditions matérielles d'accueil ne soient pas retirées ou réduites avant qu'une décision soit prise conformément au paragraphe 5. "

26. Aux termes de l'article L. 551-15 du CESEDA : " Les conditions matérielles d'accueil peuvent être refusées, totalement ou partiellement, au demandeur dans les cas suivants : / 1° Il refuse la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 551-3 ; / 2° Il refuse la proposition d'hébergement qui lui est faite en application de l'article L. 552-8 ; / 3° Il présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ; / 4° Il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° de l'article L. 531-27. / La décision de refus des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. " Aux termes de l'article L. 551-16 du même code : " Il peut être mis fin, partiellement ou totalement, aux conditions matérielles d'accueil dont bénéficie le demandeur dans les cas suivants : / 1° Il quitte la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 551-3 ; / 2° Il quitte le lieu d'hébergement dans lequel il a été admis en application de l'article L. 552-9 ; / 3° Il ne respecte pas les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes ; / 4° Il a dissimulé ses ressources financières ; / 5° Il a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ; / 6° Il a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes. / Un décret en Conseil d'Etat prévoit les sanctions applicables en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d'hébergement. / La décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Elle est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites selon des modalités définies par décret. / Lorsque la décision mettant fin aux conditions matérielles d'accueil a été prise en application des 1°, 2° ou 3° du présent article et que les raisons ayant conduit à cette décision ont cessé, le demandeur peut solliciter de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le rétablissement des conditions matérielles d'accueil. L'office statue sur la demande en prenant notamment en compte la vulnérabilité du demandeur ainsi que, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acception initiale des conditions matérielles d'accueil. " Et aux termes de l'article D. 551-18 du CESEDA : " (...) / Lorsque la décision est motivée par la circonstance que le demandeur a dissimulé ses ressources financières, a fourni des informations mensongères sur sa situation familiale ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes, elle entraîne la restitution des montants indûment versés au titulaire de l'allocation. "

27. En premier lieu, les dispositions de l'article 20 de la directive 2013/33/UE, qui précisent les cas dans lesquels les Etats membres peuvent limiter ou retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, ne font pas obstacle à ce que les Etats membres subordonnent, conformément au troisième paragraphe de l'article 7 de la même directive, l'octroi des aides matérielles aux demandeurs d'asile à l'acceptation d'une offre d'hébergement dans un lieu déterminé. Il résulte des dispositions reproduites au point précédent, qu'est prévue, pour chaque hypothèse de refus ou de suspension des conditions matérielles d'accueil, la possibilité pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration d'y procéder totalement ou partiellement, en tenant compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que ces dispositions consacreraient des cas de refus ou de suspension automatique et totale des conditions matérielles d'accueil, en méconnaissance des dispositions de la directive 2013/33/UE et de l'autorité de chose jugée par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux dans sa décision n° 428178 du 27 novembre 2020, doit être écarté.

28. En deuxième lieu, la possibilité de mettre fin, totalement ou partiellement, au bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsque le demandeur d'asile a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes, prévue au 5° et 6° de l'article L. 551-16 du CESEDA, correspond à l'hypothèse, prévue au point 3 de l'article 20 de la directive 2013/33/UE, dans laquelle un demandeur a indûment bénéficié de conditions matérielles d'accueil, cas dans lequel il peut être mis fin au bénéfice de leur part indue. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient la directive 2013/33/UE en tant qu'elles consacrent de nouveaux cas dans lesquels les conditions matérielles d'accueil peuvent être supprimées ne peut qu'être écarté.

29. En troisième lieu, les dispositions de la même directive ne prévoient pas systématiquement la possibilité pour l'intéressé de demander le rétablissement des conditions matérielles d'accueil lorsqu'elles ont été retirées, notamment dans le cas où elles étaient indues. Cette possibilité n'est par ailleurs pas prévue en cas de refus initial des conditions matérielles d'accueil. Dès lors, le moyen tiré de ce que, dans les cas où les conditions matérielles d'accueil sont refusées ou suspendues, l'abstention des dispositions litigieuses à en prévoir le possible rétablissement à la demande de l'intéressé méconnaîtrait ces dispositions ne peut qu'être écarté.

30. En quatrième lieu, d'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 551-16 du CESEDA que le moyen tiré de ce que le demandeur d'asile ne serait pas autorisé à présenter ses observations avant l'édiction d'une décision de suspension des conditions matérielles d'accueil doit être écarté comme manquant en fait. D'autre part, dès lors que les dispositions des articles L. 522-1 à L. 522-5 de ce code organisent l'évaluation de la vulnérabilité du demandeur d'asile et de ses besoins particuliers à la suite de la présentation de sa demande d'asile, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les dispositions litigieuses auraient dû prévoir le recueil des observations des demandeurs d'asile préalablement à une décision leur refusant, totalement ou partiellement, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, dans le but d'apprécier leur vulnérabilité.

Quant aux articles L. 554-1 et L. 554-3 du CESEDA relatifs aux conditions d'accès des demandeurs d'asile au marché du travail :

31. Aux termes de l'article L. 554-1 du CESEDA : " L'accès au marché du travail peut être autorisé au demandeur d'asile lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, pour des raisons qui ne sont pas imputables au demandeur, n'a pas statué sur la demande d'asile dans un délai de six mois à compter de l'introduction de la demande. ". Et aux termes de l'article L. 554-3 du même code : " Le demandeur d'asile est soumis aux règles de droit commun applicables aux travailleurs étrangers pour la délivrance d'une autorisation de travail. Toutefois, l'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de deux mois à compter de la réception de la demande d'autorisation de travail pour s'assurer que l'embauche de l'étranger respecte les conditions de droit commun d'accès au marché du travail. A défaut de notification dans ce délai, l'autorisation est réputée acquise. Elle est applicable pendant la durée du droit au maintien sur le territoire français du demandeur d'asile. "

32. En premier lieu, le paragraphe 1 de l'article 15 de la directive 2013/33/UE prévoit que les États membres veillent à ce que les demandeurs aient accès au marché du travail dans un délai maximal de neuf mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale lorsqu'aucune décision en première instance n'a été rendue par l'autorité compétente et que le retard ne peut être imputé au demandeur. Telles qu'interprétées par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 janvier 2021, K.S et M.H.K, et R.A.T. et D.S. (C-322/19 et C-385/19), ces dispositions s'opposent à une réglementation nationale qui exclut un demandeur de protection internationale de l'accès au marché du travail au seul motif qu'une décision de transfert a été prise à son égard, en application du règlement (UE) n° 604/2013. Il suit de là que les associations requérantes sont fondées à soutenir qu'en ce qu'elles conditionnent l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile à l'introduction d'une demande devant l'OFPRA, qui ne peut être saisi par les demandeurs d'asile faisant l'objet d'une décision de transfert, les dispositions de l'article L. 554-1 du CESEDA sont incompatibles avec les objectifs de celle-ci.

33. En deuxième lieu, la circonstance que puissent être constatés des retards dans l'enregistrement des demandes d'asile est sans incidence sur la compatibilité des dispositions litigieuses avec le paragraphe 1 de l'article 15 de la directive 2013/33/UE.

34. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 15 de la directive 2013/33/UE : " Les États membres décident dans quelles conditions l'accès au marché du travail est octroyé au demandeur, conformément à leur droit national, tout en garantissant que les demandeurs ont un accès effectif à ce marché. (...) ".

35. L'obligation pour les demandeurs d'asile, comme pour tous les travailleurs étrangers, d'obtenir une autorisation pour accéder au marché du travail français n'a pas pour effet de rendre le droit d'accès à ce marché ineffectif. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 554-3 du CESEDA méconnaîtraient l'objectif de la directive 2013/33/UE de rendre effectif l'accès du marché du travail aux demandeurs d'asile doit être écarté.

36. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes sont seulement fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant que les articles L. 233-1 et L. 233-2 du CESEDA excluent le droit au séjour de plus de trois mois de l'enfant à charge du citoyen de l'Union européenne qui vient faire des études ou suivre une formation professionnelle en France lorsqu'il n'est pas son descendant direct et en tant que les dispositions de l'article L. 554-1 du CESEDA excluent l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile faisant l'objet d'une décision de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013.

En ce qui concerne la légalité interne du décret :

37. La contrariété d'une disposition législative aux stipulations d'un traité international ou au droit de l'Union européenne ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre un acte réglementaire que si ce dernier a été pris pour son application ou si en elle constitue la base légale.

S'agissant du livre III regroupant les dispositions relatives à l'entrée des étrangers en France :

Quant à l'article R. 332-1 du CESEDA relatif à l'autorité compétente pour édicter des refus d'entrée sur le territoire français :

38. Les associations requérantes ne peuvent, pour obtenir l'annulation des dispositions contestées, qui se bornent à désigner les autorités administratives compétentes pour prendre les décisions de refus d'entrée à la frontière définies à l'article L. 332-2 du CESEDA, utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de la méconnaissance par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 332-3 du CESEDA de la directive 2008/115/CE, en tant qu'elles prévoient qu'une décision de refus d'entrée peut être prise " lors de vérifications effectuées à une frontière intérieure " en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures.

Quant à l'article R. 343-18 du CESEDA relatif à l'accès des associations aux zones d'attente :

39. Aux termes du point 2 de l'article 8 de la directive 2013/33/UE : " Les États membres veillent à ce que les organisations et les personnes qui fournissent des conseils et des orientations aux demandeurs puissent accéder effectivement aux demandeurs présents aux points de passage frontaliers, y compris aux zones de transit, aux frontières extérieures. Les États membres peuvent prévoir des règles relatives à la présence de ces organisations et de ces personnes à ces points de passage et, en particulier, soumettre l'accès à un accord avec les autorités compétentes des États membres. Des restrictions à cet accès ne peuvent être imposées que, lorsqu'en vertu du droit national, elles sont objectivement nécessaires à la sécurité, l'ordre public ou la gestion administrative des points de passage, pour autant que ledit accès n'en soit pas alors considérablement restreint ou rendu impossible. ". Et aux termes de l'article R. 343-18 du CESEDA : " L'accès des associations à la zone d'attente ne doit pas entraver le fonctionnement de cette dernière et les activités qu'y exercent les services de l'Etat, les entreprises de transport et les exploitants d'infrastructures. / Il s'exerce dans le respect des opinions politiques, philosophiques ou religieuses des étrangers maintenus. "

40. En premier lieu, en prévoyant, de manière générale, que l'accès des associations à la zone d'attente ne doit pas entraver le fonctionnement de cette dernière et les activités qu'y exercent les services de l'Etat, les entreprises de transport et les exploitants d'infrastructures, le premier alinéa de l'article R. 343-18 ne méconnaît, par lui-même, ni le principe constitutionnel de fraternité dont découle la liberté d'aider autrui dans un but humanitaire, ni les dispositions du paragraphe 2 de l'article 8 de la directive 2013/32/UE.

41. En second lieu, en rappelant le respect dû aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses des étrangers maintenus en zone d'attente, ces dispositions n'ont pas entendu soumettre les membres et personnels des associations habilitées à intervenir en zone d'attente aux mêmes obligations que celles applicables aux agents du service public.

S'agissant du livre IV regroupant les dispositions relatives au séjour des étrangers en France :

Quant aux dispositions de l'article R. 425-5 du CESEDA relatives à la protection des étrangers dénonçant des faits constitutifs de l'infraction de traite des êtres humains ou de proxénétisme :

42. Aux termes de l'article L. 425-1 du CESEDA : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". Et aux termes de l'article R. 425-5 du même code, tel qu'issu du décret attaqué : " Une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée par le préfet territorialement compétent à l'étranger qui satisfait aux conditions définies à l'article L. 425-1. / La même carte de séjour temporaire peut également être délivrée à un mineur âgé d'au moins seize ans, remplissant les conditions mentionnées au présent article et qui déclare vouloir exercer une activité professionnelle salariée ou suivre une formation professionnelle. / La demande de carte de séjour temporaire est accompagnée du récépissé du dépôt de plainte de l'étranger ou fait référence à la procédure pénale comportant son témoignage. "

43. Si les associations requérantes soutiennent qu'en ne prévoyant pas, à la différence des dispositions règlementaires antérieures, le renouvellement du titre de séjour pendant toute la durée de la procédure pénale, le Premier ministre aurait méconnu l'obligation des Etats de protéger les victimes de la traite résultant de l'article 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, un tel moyen ne peut qu'être écarté, les dispositions prévoyant ce renouvellement ayant été insérées dans la partie législative du CESEDA, à l'article L. 425-1.

Quant à l'article R. 431-14 du CESEDA relatif à la délivrance d'un récépissé de première demande de titre autorisant à travailler aux jeunes relevant des articles L. 423-22 et L. 435-3 de ce code :

44. En premier lieu, si les associations requérantes soutiennent que le décret attaqué a modifié les dispositions réglementaires des codes du travail et de la sécurité sociale en méconnaissance de dispositions législatives relatives à l'accès à l'assurance maladie et au travail, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit être écarté.

45. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du CESEDA : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. " Saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement de ces dispositions, par un étranger admis à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et l'âge de dix-huit ans, qui satisfait aux conditions de séjour définies par cet article et justifie qu'il dispose d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation ou que la conclusion d'un tel contrat lui a été proposée, le préfet doit remettre au pétitionnaire un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, en application des dispositions de l'article R. 431-14.

46. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-3 du CESEDA n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article R. 431-14 de ce code prévoit que le titulaire du récépissé de demande de première délivrance d'un titre de séjour " salarié " ou " travailleur temporaire " est autorisé à exercer une activité professionnelle, le moyen tiré de ce qu'elles seraient illégales faute de viser les titulaires d'un récépissé de demande de première délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 doit, en tout état de cause, être écarté.

47. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-14, dans sa rédaction résultant du décret litigieux et du rectificatif publié au Journal officiel du 24 avril 2021 : " Est autorisé à exercer une activité professionnelle le titulaire du récépissé de demande de première délivrance des titres de séjour suivants : / (...) / 3° La carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" prévue à l'article L. 423-1, L. 423-7, L. 423-8, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-22, L. 425-1 ou L. 426-5 ; / (...) ". Dès lors, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient celles de l'article L. 423-22 du CESEDA faute d'autoriser le titulaire d'un récépissé de première demande de titre de séjour sur ce fondement à travailler, doit être écarté comme manquant en fait.

S'agissant du livre V regroupant les dispositions relatives au droit d'asile et aux autres protections internationales :

Quant aux dispositions des articles R. 531-24 à 531-29 du CESEDA, relatives au traitement des demandes d'asile en procédure accélérée :

48. En premier lieu, ces dispositions sont prises pour l'application des articles L. 531-24 à L. 531-27 qui déterminent, sans rien ajouter au droit antérieurement en vigueur, les différents cas dans lesquels les demandes d'asile peuvent être examinées selon une procédure dite " accélérée ". Dès lors, le moyen tiré de ce qu'elles seraient prises pour l'application d'un nouveau cas de recours à cette procédure ne peut qu'être écarté.

49. En second lieu, d'une part, que la demande d'asile soit instruite normalement ou de manière accélérée, l'OFPRA apprécie seul son bien-fondé. D'autre part, les dispositions de la directive 2013/33/UE laissent la possibilité aux Etats membres d'accélérer, dans certains cas énumérés au paragraphe 8 de l'article 31, le traitement de la demande d'asile, mais n'imposent pas que seule l'autorité responsable de l'examen de la demande d'asile au sens de l'article 4 de cette directive puisse identifier les cas où la procédure de traitement peut être accélérée. Dès lors, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de la méconnaissance de la directive 2013/33/UE par les dispositions législatives que les dispositions réglementaires contestées mettent en oeuvre, en tant qu'elles prévoient que, dans certains cas, c'est l'autorité administrative et non l'OFPRA, qui décide d'accélérer la procédure de traitement de la demande d'asile, doit être écarté.

Quant aux articles R. 551-5, R. 551-21 et D. 551-17 du CESEDA, relatifs aux conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile :

50. En premier lieu, aucune des dispositions des articles R. 551-5, R. 551-21 et D. 551-17 du CESEDA n'est prise pour l'application des 5° et 6° de l'article L. 551-16 du même code. Dès lors, les associations requérantes ne peuvent utilement soutenir, par voie d'exception, que ces dispositions législatives méconnaîtraient la directive 2013/33/UE.

51. En deuxième lieu, les moyens tirés par voie d'exception de la méconnaissance de cette directive par les dispositions de l'article L. 551-15 et les autres dispositions de l'article L. 551-16 peuvent être écartés pour les motifs indiqués aux points 25 à 30, de même que le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de chose jugée par la décision n° 428178 précitée du Conseil d'Etat, statuant au contentieux.

S'agissant du livre VII regroupant les dispositions relatives à l'exécution des décisions d'éloignement :

Quant aux dispositions de l'article R. 721-2 du CESEDA, relatives à l'autorité administrative compétente pour fixer le pays de renvoi :

52. Les dispositions de l'article R. 721-2 du CESEDA, qui se bornent à désigner l'autorité administrative compétente pour prendre la décision relative au pays de renvoi de l'étranger dont l'éloignement a été décidé, sont prises pour l'application de l'article L. 721-3 du même code. Par suite les associations requérantes ne peuvent utilement contester par la voie de l'exception les dispositions des articles L. 721-5 ou L. 722-7 relatives au régime contentieux de cette décision.

Quant aux dispositions des articles R. 732-1 et R. 751-7 du CESEDA, relatives aux autorités compétentes pour assigner à résidence ou placer en rétention une personne faisant l'objet d'une interdiction de retour :

53. Les associations, qui contestent sans autre précision les dispositions des articles R. 732-1 et R. 751-7 du CESEDA, lesquelles se bornent à désigner l'autorité administrative compétente pour décider de l'assignation à résidence d'un étranger dans les différentes hypothèses prévues par le législateur, ne peuvent utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de la contrariété des dispositions du 2° de l'article L. 731-1 du CESEDA avec les dispositions de la directive 2008/115/CE.

Quant aux dispositions des articles R. 732-1, R. 751-7, 754-1 et R. 754-2 du CESEDA, relatives à la rétention des demandeurs d'asile :

54. En premier lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du CESEDA : " A son arrivée au centre de rétention, l'étranger reçoit notification des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. / A cette fin, il peut bénéficier d'une assistance juridique et linguistique. Lui sont notamment indiquées les conditions de recevabilité d'une demande d'asile formée en rétention prévues à l'article L. 754-1 ". Aux termes de l'article L. 754-1 du CESEDA : " La demande d'asile d'un étranger placé ou maintenu en rétention n'est pas recevable si elle est formulée plus de cinq jours après qu'il s'est vu notifier ses droits en matière d'asile dans les conditions prévues à l'article L. 744-6. Toutefois, cette irrecevabilité n'est pas opposable à l'étranger qui invoque, au soutien de sa demande, des faits survenus après l'expiration de ce délai. / L'irrecevabilité de la demande d'asile peut être opposée par l'autorité administrative lorsque cette demande a été présentée par un étranger, en provenance d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 531-25, au-delà des cinq premiers jours de rétention dans le seul but de faire échec à l'exécution effective et imminente de la décision d'éloignement. " Et aux termes de l'article R. 754-2 du même code : " L'étranger placé ou maintenu en rétention administrative qui souhaite demander l'asile est informé, sans délai, de la procédure de demande d'asile, de ses droits et de ses obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ces obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. / Cette information lui est communiquée dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. "

55. Les associations requérantes soutiennent qu'en tant qu'elles mettent en oeuvre les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 754-1 du CESEDA, qui méconnaîtraient le droit constitutionnel d'asile, les dispositions de l'article R. 754-2 du CESEDA sont illégales.

56. Un tel moyen qui, contestant, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, des dispositions d'une ordonnance relevant du domaine de la loi, ne peut être soulevé postérieurement au délai d'habilitation que par une question prioritaire de constitutionalité, présentée dans un mémoire distinct. Ayant été présenté après l'expiration du délai d'habilitation défini par l'article 52 de la loi du 10 septembre 2018, et prorogé par la loi du 23 mars 2020, ce moyen, qui n'a pas été présenté par mémoire distinct ne peut, par suite et en tout état de cause, qu'être écarté.

57. En deuxième lieu, selon l'article L. 754-2 du même code : " Lorsqu'un étranger placé ou maintenu en rétention présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut procéder, pendant la rétention, à la détermination de l'État responsable de l'examen de cette demande conformément à l'article L. 571-1 et, le cas échéant, à l'exécution d'office du transfert dans les conditions prévues à l'article L. 751-13. ". Aux termes de l'article R. 732-1 du même code : " L'autorité administrative compétente pour assigner un étranger à résidence en application de l'article L. 731-1 est le préfet de département où se situe le lieu d'assignation à résidence et, à Paris, le préfet de police ". Aux termes de l'article R. 751-7 : " L'autorité compétente pour ordonner le placement en rétention administrative d'un étranger en application de l'article L. 751-9 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. ". Enfin, aux termes de l'article R. 754-1 : " Les dispositions du présent chapitre [relatif aux demandes d'asile en rétention] ne sont pas applicables à l'étranger dont la demande d'asile relève de l'article L. 571-1 et qui est placé en rétention en vue de l'exécution d'une décision de transfert en application de l'article L. 572-1. / L'étranger en est informé dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. "

58. Les associations requérantes soutiennent qu'en tant qu'elles mettent en oeuvre les dispositions de l'article L. 754-2 du CESEDA qui méconnaîtraient l'article 28 du règlement 604/2013/UE faute de prévoir que lorsqu'un étranger placé en rétention présente une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre de l'Union européenne, son maintien en rétention doit être décidé, après que l'autorité administrative a apprécié le risque de fuite et sa vulnérabilité, les dispositions des articles R. 732-1, R. 751-7 et R. 754-1 sont illégales.

59. Elles ne sauraient toutefois utilement contester, par la voie de l'exception, l'incompatibilité avec le droit de l'Union européenne de l'article L. 754-2 du CESEDA à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les articles R. 732-1, R. 751-7 et R. 754-1 du même code, qui n'ont pas été pris pour l'application de ces dispositions et dont celles-ci ne constituent pas la base légale.

Sur les conséquences à tirer de ce qui précède :

60. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes sont seulement fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant que les articles L. 233-1 et L. 233-2 du CESEDA excluent le droit au séjour de plus de trois mois de l'enfant à charge du citoyen de l'Union européenne qui vient faire des études ou suivre une formation professionnelle en France lorsqu'il n'est pas son descendant direct et en tant que les dispositions de l'article L. 554-1 du CESEDA excluent l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile faisant l'objet d'une décision de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013.

61. Il y a lieu par ailleurs de surseoir à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la requête n° 450285 en tant qu'elles portent sur le deuxième alinéa de l'article L. 332-3 du CESEDA, issu de l'ordonnance attaquée, jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question préjudicielle mentionnée au point 13.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

62. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que réclament les associations requérantes au titre de ces dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête n° 450285 dirigées contre l'article L. 332-3 du CESEDA jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante : En cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du règlement (UE) 2016/399, l'étranger en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut-il se voir opposer une décision de refus d'entrée, lors des vérifications effectuées à cette frontière, sur le fondement de l'article 14 de ce règlement, sans que soit applicable la directive 2008/115/CE '
Article 2 : Les articles L. 233-1 et L. 233-2 du CESEDA sont annulés en tant qu'ils excluent le droit au séjour de plus de trois mois de l'enfant à charge du citoyen de l'Union européenne qui vient faire des études ou suivre une formation professionnelle en France lorsqu'il n'est pas son descendant direct.
Article 3 : L'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est annulé en tant qu'il exclut l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile faisant l'objet d'une décision de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), première requérante dénommée, au ministre de l'intérieur et au président de la Cour de justice de l'Union européenne.
Copie en sera adressée au Premier ministre.


Voir aussi