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Ariane Web: Conseil d'État 450692, lecture du 11 mai 2022, ECLI:FR:CECHS:2022:450692.20220511

Décision n° 450692
11 mai 2022
Conseil d'État

N° 450692
ECLI:FR:CECHS:2022:450692.20220511
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
Mme Cécile Nissen, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SOLTNER, avocats


Lecture du mercredi 11 mai 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014. Par un jugement n° 1601479 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19NT00731 du 14 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mars et 14 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Soltner, avocat de M. A... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., qui vivait en Arabie Saoudite au cours des années 2012 à 2014, a demandé à l'administration fiscale la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au cours de ces années. Sa demande ayant été rejetée, il a saisi le tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement du 19 décembre 2018, a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 14 janvier 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes qui a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) ". Pour l'application de ces dispositions, telles qu'éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 1976 modifiant les règles de territorialité et les conditions d'imposition des Français à l'étranger ainsi que d'autres personnes non domiciliées en France dont elles sont issues, le foyer d'un contribuable célibataire s'entend du lieu où il habite normalement et a le centre de sa vie personnelle, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal de ce contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où il ne dispose pas de foyer.

3. Pour retenir que M. A..., qui travaillait pour le compte d'une société de construction en Arabie Saoudite au cours des années 2012 à 2014, avait son foyer en France au sens du a) du 1 de l'article 4 B du code général des impôts au titre de ces années, la cour a relevé que celui-ci, divorcé, était propriétaire d'un appartement à Rennes, qu'il y disposait d'un logement dans lequel il séjournait lors de ses congés et qu'il versait une pension alimentaire à ses deux enfants mineurs qui résidaient en France. En se fondant sur ces éléments, qui ne sont pas suffisants à eux seuls pour établir le lieu où le contribuable habitait normalement et avait le centre de sa vie personnelle, la cour a commis une erreur de droit. M. A... est en conséquence fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 21 janvier 2021 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 avril 2022 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Anne Egerszegi, conseillère d'Etat et Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 11 mai 2022.


Le président :
Signé : M. Thomas Andrieu
La rapporteure :
Signé : Mme Cécile Nissen
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam


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