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Ariane Web: Conseil d'État 447898, lecture du 25 mai 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:447898.20220525

Décision n° 447898
25 mai 2022
Conseil d'État

N° 447898
ECLI:FR:CECHR:2022:447898.20220525
Inédit au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Carine Chevrier, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER ; SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES, avocats


Lecture du mercredi 25 mai 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

L'association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier d'une part, sur le fondement des articles L. 554- 11 et L. 554-12 du code de justice administrative et L. 123-16 et L. 122-2 du code de l'environnement et, d'autre part, sur le fondement de 1'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision implicite du 24 août 2020 du préfet de l'Hérault de non-opposition à la déclaration déposée par le président du département de l'Hérault pour le projet " Jardins de la Méditerranée " au titre des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision. Par une ordonnance n° 2005093 du 30 novembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un autre mémoire, enregistrés le 16 décembre 2020, les 4 janvier et 22 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Carine Chevrier, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de l'association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon et à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du département de l'Hérault ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'en vue de l'aménagement du terrain d'assiette du projet dit des " Jardins de la Méditerranée " dans le domaine de Bayssan, situé sur le territoire de la commune de Béziers, dont il est propriétaire, le département de l'Hérault a déposé une déclaration portant sur le rejet des eaux fluviales, au titre de la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature mentionnée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, dont le préfet de l'Hérault lui a délivré récépissé le 8 juillet 2020. Une décision implicite de non-opposition à cette déclaration est née à l'expiration d'un délai de deux mois suivant le dépôt de cette déclaration. Par une ordonnance du 30 novembre 2020, contre laquelle l'association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté, tant sur le fondement des articles L. 554-11 du code de justice administrative et L. 122-2 du code de l'environnement que sur celui de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la demande de suspension de l'exécution de cette décision formée par l'association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon.

2. Aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'environnement: " Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d'approbation d'un projet visé au I de l'article L. 122-1 est fondée sur l'absence d'étude d'impact, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ".

3. Selon le 1° du I de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, constitue un projet au sens de ces dispositions " la réalisation de travaux de construction, d'installations ou d'ouvrages, ou d'autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l'exploitation des ressources du sol ". Aux termes du II du même article : " Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale ". La rubrique 39 b) de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement prévoit que sont soumises à évaluation environnementale systématique les opérations d'aménagement dont le terrain d'assiette est supérieur ou égal à 10 hectares.

Sur le pourvoi :

4. Pour écarter l'argumentation dont il était saisi relative au caractère nécessaire en l'espèce de la réalisation préalable d'une évaluation environnementale, le juge des référés s'est borné à relever qu'il ne résultait pas de l'instruction que le projet en cause, compte tenu de sa nature, de son assiette et des conséquences résultant de son exécution, notamment sur les milieux aquatiques ou sur les espaces forestiers, nécessitait une telle évaluation, sans rechercher si la dimension du terrain d'assiette de ce projet, eu égard à sa nature, excédait le seuil prévu à la rubrique 39 b) de l'article R. 122-2 du code de l'environnement. Ainsi, en l'espèce, l'association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon est fondée à soutenir que l'ordonnance qu'elle attaque est, eu égard à l'argumentation qui était soumise au juge des référés, insuffisamment motivée et à en demander l'annulation pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande de suspension dirigée contre la décision implicite de non opposition :

6. Il résulte des éléments versés au dossier que le projet des " Jardins de la Méditerranée ", présenté dans la déclaration déposée par le département de l'Hérault comme une opération d'aménagement, a pour objet la création de jardins destinés à accueillir 300 000 visiteurs par an et la construction de divers bâtiments, comprenant notamment un aquarium, une géode, un bâtiment administratif, un restaurant, un pavillon des vins, des équipements d'accueil et des sanitaires, ainsi que des voies d'accès et des terrassements sur l'ensemble du terrain d'assiette, dont la superficie, selon les indications figurant au dossier de déclaration au titre de la loi sur l'eau, est de 19,31 hectares. Il résulte des dispositions énoncées au point 3 que ce projet doit ainsi, en l'état de l'instruction, être regardé comme une opération d'aménagement dont le terrain d'assiette est supérieur ou égal à 10 hectares, soumise par suite à une évaluation environnementale systématique en vertu de la rubrique 39 b) de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, la circonstance alléguée que ce projet soit susceptible de donner lieu ultérieurement à un permis d'aménager de moins de 5 hectares et à différents permis de construire étant sans incidence sur la qualification de cette opération.

7. Il suit de là que, aucune évaluation environnementale n'ayant été réalisée, l'association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision litigieuse, sur le fondement de l'article L. 122-2 du code de l'environnement.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. II y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Hérault la somme de 4 000 euros à verser à l'association requérante au titre des frais engagés pour l'ensemble de la procédure devant le juge des référés du tribunal administratif et devant le Conseil d'Etat. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 30 novembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : L'exécution de la décision du préfet de l'Hérault du 24 août 2020 est suspendue.
Article 3 : Le département de l'Hérault versera à l'association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du département de l'Hérault présentées devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association France Nature Environnement Languedoc-Roussillon, au département de l'Hérault et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 11 mai 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, Mme Isabelle de Silva, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et Mme Carine Chevrier, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 25 mai 2022.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Carine Chevrier
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain