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Décision n° 449554
22 juillet 2022
Conseil d'État

N° 449554
ECLI:FR:CECHR:2022:449554.20220722
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Cyril Martin de Lagarde, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SARL CABINET BRIARD, avocats


Lecture du vendredi 22 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le grand port maritime du Havre (GPMH) a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties, de taxe d'enlèvement des ordures ménagères et de taxe foncière sur les propriétés non bâties auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2017 dans les communes d'Oudalle et Saint-Jouin-Bruneval, et d'autre part des cotisations de ces mêmes taxes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2018 dans les communes de Gonfreville-l'Orcher, La Cerlangue, Le Havre, Oudalle, Sandouville, Saint Jouin Bruneval, Saint-Vigor-d'Ymonville et Tancarville.

Par un jugement n° 1901866 du 9 décembre 2020, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 février et 10 mai 2021 et le 4 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (GPFMAS), venant aux droits du GPMH, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des ports maritimes ;
- le code des transports ;
- la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 ;
- le décret n° 2008-1032 du 9 octobre 2008 ;
- le décret n° 2008-1037 du 9 octobre 2008 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. A... B... de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la Sarl Cabinet Briard, avocat du grand port maritime du Havre ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le port autonome du Havre a été transformé en un grand port maritime par décret du 9 octobre 2008 et a pris le nom de grand port maritime du Havre (GPMH). En réponse à plusieurs réclamations déposées par le GPMH et tendant au dégrèvement de cotisations de taxe foncière et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères mises en recouvrement dans dix communes du département de la Seine-Maritime au titre des années 2017 et 2018, l'administration a prononcé le dégrèvement total des impositions dues dans deux de ces communes. Elle a en revanche maintenu, partiellement ou totalement, le surplus des impositions contestées. Le grand port fluvio-maritime de l'axe Seine (GPFMAS), venant aux droits du GPMH, se pourvoit en cassation contre le jugement du 9 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes de décharge des taxes afférentes aux biens dont il est propriétaire dans les communes d'Oudalle et Saint-Jouin-Bruneval au titre de l'année 2017 et dans les communes de Gonfreville-l'Orcher, La Cerlangue, Le Havre, Oudalle, Sandouville, Saint-Jouin-Bruneval, Saint-Vigor-d'Ymonville et Tancarville au titre de l'année 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, en jugeant que l'administration avait à bon droit estimé que l'établissement public requérant était, de plein droit, le redevable légal des taxes locales afférentes à ces propriétés, le magistrat désigné a implicitement mais nécessairement jugé que les parcelles en litige n'étaient pas concernées par les décisions de dégrèvements antérieures. Par suite, eu égard à l'argumentation dont il était saisi, son jugement est exempt d'insuffisance de motivation sur ce point.

3. En deuxième lieu, si l'établissement soutient que le magistrat désigné a insuffisamment motivé son jugement en ne répondant pas au moyen tiré de ce que la simple mention par l'administration fiscale des actes publiés n'était pas suffisante pour justifier du montant de la taxe non dégrevée, de sorte que le GPMH n'était pas en mesure de vérifier la taxe foncière réclamée en l'absence de précision sur la valeur locative des parcelles considérées, le tribunal ne s'est pas mépris sur la portée des écritures dont il était saisi en estimant qu'il ne s'agissait pas d'un moyen autonome. Le tribunal a par ailleurs suffisamment répondu au moyen soulevé, qui avait trait à l'existence même de ces publications antérieures à la création du GPMH, en jugeant que l'ensemble des parcelles concernées par les impositions non dégrevées avaient fait l'objet d'une publication. Ce moyen doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. D'une part, en vertu des articles 1380 et 1415 du code général des impôts, la taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties situées en France d'après les faits existants au 1er janvier de l'année d'imposition. Aux termes du I de l'article 1400 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles 1403 et 1404, toute propriété, bâtie ou non bâtie, doit être imposée au nom du propriétaire actuel. " Son article 1402 dispose : " Les mutations cadastrales consécutives aux mutations de propriété sont faites à la diligence des propriétaires intéressés. Aucune modification à la situation juridique d'un immeuble ne peut faire l'objet d'une mutation si l'acte (...) n'a pas été préalablement publié au fichier immobilier. " Aux termes de son article 1403 : " Tant que la mutation cadastrale n'a pas été faite, l'ancien propriétaire continue à être imposé au rôle, et lui ou ses héritiers naturels peuvent être contraints au paiement de la taxe foncière, sauf leur recours contre le nouveau propriétaire. "

5. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 101-6 du code des ports maritimes, en vigueur à la date de création du GPMH : " Lorsqu'un grand port maritime est substitué à un port maritime relevant de l'Etat, l'Etat et, le cas échéant, le port autonome ou l'établissement public délégataire lui remettent les biens immeubles et meubles nécessaires à l'exercice de ses missions autres que ceux relevant du domaine public maritime naturel et du domaine public fluvial naturel. Cette remise est gratuite et ne donne lieu à paiement d'aucune indemnité, ni d'aucun droit, taxe, salaire ou honoraires. / Sous réserve des dispositions de l'article L. 101-5, le grand port maritime est substitué de plein droit à l'Etat et, le cas échéant, au port autonome ou à l'établissement public délégataire, dans tous les droits et obligations attachés aux biens remis et aux activités transférées, en particulier dans le service des emprunts contractés par le port autonome, ou le délégataire pour le financement de l'activité déléguée et de ses participations aux travaux maritimes. (...) " En vertu de l'article 1er du décret du 9 octobre 2008 instituant le grand port maritime du Havre : " L'établissement public dénommé " Port autonome du Havre " est transformé en un grand port maritime régi par les dispositions du titre préliminaire du livre Ier du code des ports maritimes. Il prend le nom de grand port maritime du Havre. "

6. Il résulte des dispositions citées au point 5 que lorsqu'un port autonome est transformé en un grand port maritime, cette transformation n'emporte pas une mutation de propriété au sens et pour l'application des dispositions du code général des impôts citées au point 4. Dès lors une telle transformation ne nécessite pas la publication d'un acte translatif de propriété au fichier immobilier.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est sans erreur de droit que le magistrat désigné a jugé que, lorsqu'un transfert de propriété à un port autonome a fait l'objet d'une publication, le bien immobilier concerné peut faire l'objet d'un avis d'imposition établi au nom du grand port maritime sans publication préalable au fichier immobilier, et en en déduisant que l'administration avait à bon droit désigné le grand port maritime comme redevable légal des impositions en litige.

8. Par suite, le GPFMAS n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en conséquence obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du grand port fluvio-maritime de l'axe Seine est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au grand port fluvio-maritime de l'axe Seine et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.