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Ariane Web: Conseil d'État 452955, lecture du 10 octobre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:452955.20221010
Decision n° 452955
Conseil d'État

N° 452955
ECLI:FR:CECHR:2022:452955.20221010
Publié au recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Agnès Pic, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SARL DIDIER-PINET ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats


Lecture du lundi 10 octobre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° M. et Mme B... et E... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 juillet 2017 par lequel le maire de Lyon a délivré un permis de construire à la société en nom collectif Cogedim Grand Lyon en vue de l'édification d'un immeuble de trente-neuf logements, de locaux commerciaux et de la création de trente-quatre aires de stationnement. Par un jugement n° 1706997 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande.

Par une décision n° 427408, 427618 du 13 mars 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Lyon.

Par un nouveau jugement n° 2003234 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 25 juillet 2017 en tant seulement que le dernier étage du projet excède le tiers de la surface moyenne des étages (rez-de-chaussée non inclus), a imparti au pétitionnaire un délai de trois mois pour solliciter un permis de construire modificatif régularisant le projet sur ce point et a rejeté le surplus de la demande de M. et Mme C....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai et 25 août 2021 et le 18 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce dernier jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lyon et de la société Cogedim Grand Lyon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Par une ordonnance n° 2202941 du 6 mai 2022, enregistrée le 9 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente du tribunal administratif de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 19 avril 2022 au greffe de ce tribunal, présentée par M. et Mme B... et E... C....

Par cette requête et par un mémoire en réplique, enregistré le 7 septembre 2022, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel le maire de Lyon a délivré à la société Cogedim Grand Lyon un permis de construire modificatif du permis délivré le 25 juillet 2017 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Lyon la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................



Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de M. et Mme B... et E... C..., à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la ville de Lyon et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Cogedim Grand Lyon ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 25 juillet 2017, le maire de Lyon a délivré un permis de construire à la société Cogedim Grand Lyon en vue de l'édification d'un immeuble collectif de trente-neuf logements, de locaux commerciaux et de la création de trente-quatre aires de stationnement. À la demande de M. et Mme C..., voisins du projet, le tribunal administratif de Lyon a annulé ce permis de construire, par un premier jugement du 29 novembre 2018 que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a toutefois annulé par une décision du 13 mars 2020. Statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Lyon a, par un nouveau jugement du 23 mars 2021, annulé l'arrêté du 25 juillet 2017 seulement en tant que le dernier étage du projet excède le tiers de la surface moyenne des étages (rez-de-chaussée non inclus), en méconnaissance des dispositions du a) de l'article 10.3 UC du règlement du plan local d'urbanisme, a imparti, sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, au pétitionnaire un délai de trois mois pour solliciter un permis de construire modificatif régularisant le projet sur ce point et rejeté le surplus des conclusions de M. et Mme C..., qui se pourvoient en cassation contre ce jugement sous le n° 452955.

2. Ultérieurement, le 9 novembre 2021, le maire de Lyon a délivré à la société Cogedim Grand Lyon le permis de construire modificatif qu'elle avait sollicité à la suite de ce jugement. M. et Mme C... ont saisi le tribunal administratif de Lyon d'un recours pour excès de pouvoir contre ce permis de construire modificatif. par une ordonnance du 6 mai 2022, la présidente du tribunal administratif, se fondant sur l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, a transmis ce recours au Conseil d'Etat où il a été enregistré sous le n° 463843. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de joindre le pourvoi et le recours de M. et Mme C... pour statuer par une seule décision.

Sur le pourvoi dirigé contre le jugement du 23 mars 2021 :

3. L'article 10.2 UC du règlement du plan local d'urbanisme, relatif aux niveaux des constructions, dans sa rédaction applicable le 25 juillet 2017, date de délivrance du permis de construire attaqué, détermine un nombre maximum de niveaux de la construction en fonction de la hauteur de façade autorisée. Aux termes de l'article 10.3 UC du même règlement, relatif au couronnement des constructions, dans sa rédaction applicable à la même date : " Outre les niveaux définis ci-dessous, le couronnement de l'édifice doit faire l'objet d'un traitement de qualité conformément aux dispositions de l'article 11. / Ce couronnement peut comporter un volume habitable, dans les limites suivantes : / a. la surface hors oeuvre nette de ce volume ne doit pas excéder un tiers de la SHON moyenne des étages (rez-de-chaussée non inclus) ; / b. ce volume de couronnement ne peut comporter plus d'un niveau habitable. Les faces verticales extérieures de ce niveau ne peuvent excéder 3 mètres de hauteur (pignons non compris) dans le cas où le couronnement est surmonté d'une charpente, 4 mètres dans le cas d'une toiture terrasse ; / c. les parties de construction situées dans le couronnement doivent être au minimum en retrait de 1,50 mètre par rapport au nu général de la façade. "

4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal a regardé le dernier niveau de la partie du projet donnant sur la rue du docteur D..., pour laquelle le règlement du plan local d'urbanisme autorise une hauteur de dix-neuf mètres permettant six niveaux, comme un couronnement et pris en considération, pour le calcul de la surface admissible de ce couronnement, une autre partie du projet, donnant sur la rue des Tuileries, pour laquelle est autorisée une hauteur maximale de treize mètres avec un nombre de niveaux limité à quatre.

5. En statuant ainsi, alors que le couronnement de la partie du projet donnant sur la rue des Tuileries devait être regardé comme un autre couronnement et donner lieu à une application distincte des règles fixées à l'article 10.3 UC du règlement du plan local d'urbanisme, le tribunal a commis une erreur de droit dans l'application de ces règles.

6. Il suit de là que M. et Mme C... sont fondés à demander, par ce moyen qui est recevable et opérant devant le juge de cassation, l'annulation du jugement qu'ils attaquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi.

7. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Cogedim Grand Lyon :

8. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... sont voisins immédiats du projet litigieux. Ils font état de l'importance du projet autorisé, comportant trente-neuf logements pour une surface de plancher totale de 2 558 m² et font valoir qu'il est, compte tenu de sa hauteur, supérieure à vingt-deux mètres, et de son implantation, en limite sud de leur propriété, susceptible d'affecter les conditions de jouissance de leur habitation géo-climatique, qu'il est de nature à la priver de l'ensoleillement indispensable à sa performance énergétique, et sur laquelle le projet crée d'importantes vues. Ils justifient, ainsi, de leur intérêt pour agir. La fin de non-recevoir opposée à leur demande ne peut, par suite, être accueillie.

Sur la légalité du permis de construire délivré le 25 juillet 2017 :

11. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 (...) ". L'article R. 431-7 de ce code dispose que : " Sont joint à la demande de permis de construire : / (...) b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12 ". L'article R. 431-8 du même code prévoit que : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 : " Le projet architectural comprend également : / (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche (...) ".

12. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

13. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire était assortie de deux documents graphiques montrant l'insertion du projet dans son environnement du côté de la rue du docteur D..., où se situe l'habitation des requérants, et qu'une vue aérienne faisait apparaître la proximité de l'habitation des requérants, peu perceptible depuis la rue, dont la présence et l'intérêt architectural sont en outre signalés dans la notice. M. et Mme C... ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que les insuffisances du dossier de demande de permis, s'agissant des documents graphiques, auraient été de nature à fausser l'appréciation du service instructeur quant à l'insertion du projet par rapport à leur habitation. Le moyen fondé sur les articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme doit, par suite, être écarté.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Et l'article 11 UC du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la date de l'arrêté litigieux dispose que : " Chaque construction nouvelle participe à la construction du paysage de la ville. Elle doit être conçue dans le souci de permettre à l'architecture contemporaine de mettre en valeur les qualités du tissu urbain dans lequel elle s'insère. / Dans cet objectif, la demande de permis de construire doit s'appuyer sur un volet paysager complet, comportant notamment la description du paysage existant et exposant et justifiant les dispositions prévues pour assurer l'insertion dans ce paysage de la construction, de ses accès, de ses abords (...) ".

15. Les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme permettent de rejeter ou d'assortir de réserves les seuls projets qui, par leurs caractéristiques et aspect extérieur, portent une atteinte visible à leur environnement naturel ou urbain. La circonstance que l'implantation du projet aurait pour conséquence, en raison d'une baisse de l'ensoleillement, d'altérer les conditions de fonctionnement d'une maison, implantée à proximité, réalisée en 1987 selon des principes architecturaux dits bioclimatiques, est, dans ces conditions, sans incidence sur la légalité du projet au regard de ces dispositions.

16. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé dans un environnement architectural hétérogène comprenant de manière prépondérante des immeubles collectifs d'habitation de construction récente. Ainsi, alors même que l'habitation de style contemporain des requérants ainsi qu'une habitation bourgeoise plus ancienne se trouvent à proximité, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la construction d'un immeuble contemporain de six étages, dont l'architecture ne traduit aucune rupture particulière avec le bâti environnant apprécié dans son ensemble, méconnaîtrait les exigences découlant des articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et 11 UC du règlement du plan local d'urbanisme.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-34 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Le règlement peut ne pas imposer la réalisation d'aires de stationnement lors de la construction : / 1° De logements locatifs financés avec un prêt aidé par l'Etat (...) ". L'article L. 151-35 du même code dispose que : " Il ne peut, nonobstant toute disposition du plan local d'urbanisme, être exigé pour les constructions destinées à l'habitation mentionnées aux 1° à 3° de l'article L. 151-34 la réalisation de plus d'une aire de stationnement par logement. / Toutefois, lorsque les logements mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 151-34 sont situés à moins de cinq cents mètres d'une gare ou d'une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre et que la qualité de la desserte le permet, il ne peut, nonobstant toute disposition du plan local d'urbanisme, être exigé la réalisation de plus de 0,5 aire de stationnement par logement. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 151-36 du même code : " Pour les constructions destinées à l'habitation, autres que celles mentionnées aux 1° à 3° de l'article L. 151-34, situées à moins de cinq cents mètres d'une gare ou d'une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre et dès lors que la qualité de la desserte le permet, il ne peut, nonobstant toute disposition du plan local d'urbanisme, être exigé la réalisation de plus d'une aire de stationnement par logement ". Doivent être regardés comme situés à moins de cinq cents mètres d'une gare ou d'une station de transport, au sens des dispositions rappelées ci-dessus, les projets se trouvant à l'intérieur d'un rayon de cinq cents mètres calculé à partir de cette gare ou de cette station.

18. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux est situé à moins de cinq cent mètres à vol d'oiseau de la station de métro Valmy desservie par la ligne D, dont la qualité de desserte n'est pas contestée. par suite, il entre, au titre des trente logements en accession de propriété et des neufs logements locatifs sociaux qu'il comporte, dans les champs d'application respectifs des articles L. 515-34 et L. 151-36 du code de l'urbanisme, qui font obstacle à ce que lui soient opposées les dispositions du plan local d'urbanisme conduisant à imposer la création d'un nombre de places de stationnement supérieur. Ainsi, dès lors qu'il est constant que le projet comporte les trente-quatre places de stationnement requises en vertu des dispositions des articles L. 515-34 et L. 515-36 du code de l'urbanisme, compte tenu des règles d'arrondi prévues à l'article 12.1 UC du règlement du plan local d'urbanisme, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le nombre de ces places serait inférieur à celui résultant des dispositions de l'article 12 UC de ce règlement.

19. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3. (...) / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ".

20. Si M. et Mme C... se prévalent de ce que le projet litigieux compromettrait l'exécution des dispositions du futur plan local d'urbanisme métropolitain, en cours d'élaboration à la date de délivrance du permis attaqué, relatives à la protection des éléments de bâti patrimonial remarquables, dès lors qu'il a été envisagé de faire figurer leur habitation au nombre de ces éléments remarquables, ni la circonstance que le projet litigieux serait susceptible d'affecter le fonctionnement bioclimatique de leur habitation, ni celle que, de par sa hauteur et son style architectural, il contrasterait de façon nette avec cette habitation ne permettent de regarder la réalisation de ce projet comme étant de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme, lequel, au demeurant, n'a en définitive, lors de son adoption, pas retenu l'habitation des requérants parmi les éléments de bâti patrimonial remarquables. Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en s'abstenant de surseoir à statuer sur la demande de permis de construire dont il était saisi, le maire de Lyon aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

21. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, le projet bénéficie au regard de l'article 10.2 UC, compte tenu de la hauteur de façade de 19 mètres autorisée sur la rue du docteur D..., de six niveaux autorisés en surface, incluant le rez-de-chaussée. Le dernier de ces six niveaux autorisés n'a donc pas, alors même qu'il présente la configuration d'un attique, à respecter les dispositions applicables au couronnement, dès lors qu'elles ne s'imposent qu'aux étages qui excèdent les niveaux autorisés. En revanche, le dernier étage de ce bâtiment en R + 6 relevait des dispositions citées au point 3 relatives aux couronnements. Il en va de même pour le dernier étage en R + 4 de la partie du projet donnant sur la rue des Tuileries. Il ressort des pièces du dossier que le dernier étage présente un seul niveau habitable, sans que les faces verticales de ce niveau recouvert d'une toiture terrasse excèdent une hauteur de 4 mètres, et que la distance de retrait imposée est respectée. Toutefois, la surface des deux couronnements que comporte le projet, l'un de 146 m² et l'autre de 62 m², excède le tiers de la surface moyenne des autres étages, rez-de-chaussée non inclus, de la partie du projet au sommet de laquelle ils se trouvent. Les requérants sont, dès lors, fondés à soutenir que l'arrêté du 25 juillet 2017 méconnaît, en ce qu'il autorise ces couronnements, les exigences découlant de l'article 10.3 UC du règlement du plan local d'urbanisme.

Sur la régularisation du projet par le permis de construire modificatif délivré le 9 novembre 2021 :

22. Ainsi qu'il a été dit aux points 1 et 2, après que le tribunal administratif de Lyon, par son jugement du 23 mars 2021, eut annulé partiellement, en faisant application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, le permis de construire délivré le 25 juillet 2017 en tant que le dernier étage du projet méconnaissait les dispositions du a) de l'article 10.3 UC du règlement du plan local d'urbanisme et imparti au pétitionnaire un délai de trois mois pour solliciter un permis de construire modificatif régularisant le projet, le maire de Lyon a délivré à la société Cogedim Grand Lyon, le 9 novembre 2021, un permis de construire modificatif, dont M. et Mme C..., par des conclusions enregistrées sous le n°463843, demandent l'annulation pour excès de pouvoir.

En ce qui concerne la compétence du Conseil d'Etat pour statuer sur la demande d'annulation de ce permis modificatif :

23. Aux termes de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. "

24. Dans les circonstances de l'espèce, alors qu'il règle l'affaire au fond après cassation, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, et statue ainsi définitivement sur le litige portant sur la légalité du permis de construire initial du 25 juillet 2017, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de statuer, en qualité de juge de premier et dernier ressort, sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du permis de construire modificatif qui a été délivré le 9 novembre 2021 à la société pétitionnaire en vue de régulariser le permis de construire initial, en statuant sur les moyens propres présentés contre ce permis modificatif par M. et Mme C... et en appréciant si ce permis modificatif permet la régularisation du vice, entachant le permis initial, retenu au point 21 de la présente décision.

En ce qui concerne la légalité du permis de construire modificatif délivré le 9 novembre 2021 et la régularisation du projet :

25. Aux termes de l'article 2.5.4.3 du règlement du plan local d'urbanisme métropolitain approuvé le 13 mai 2019, applicable à la zone URm1 dans laquelle se situe le projet litigieux à la date de délivrance de la mesure de régularisation, relatif aux règles applicables à l'ensemble des volumes enveloppes de toitures et de couronnement (VETC) : " Lorsque le VETC forme un niveau en attique, l'emprise de ce niveau ne peut excéder 60 % de celle de l'avant-dernier niveau situé avant le point haut de la mesure de la hauteur de façade de la construction ou de la partie de construction. Le respect de cette règle s'apprécie par rapport à l'intégralité du projet faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'urbanisme, y compris lorsque ce projet comporte plusieurs constructions. (...) Lorsqu'il est réalisé, en lieu et place du dernier niveau courant hors VETC, un niveau partiel dont l'emprise est inférieure à celle de l'avant-dernier niveau de la construction, l'emprise cumulée du VETC et du dernier niveau de la construction ne peut excéder la valeur correspondante à l'emprise de l'avant-dernier niveau, augmentée de celle de l'attique, soit 160 %. Cette emprise est répartie librement entre le dernier niveau et le niveau du VETC ".

26. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux, tel que modifié par le permis délivré le 9 novembre 2021, comporte deux niveaux en couronnement, l'un, en R + 6, du côté de la rue du docteur D..., édifié au-dessus d'un étage partiel, l'autre en R + 4, du côté de la rue des Tuileries. L'emprise du premier de ces couronnements, qui correspond à la projection verticale du bâti à ce niveau, soit 128 m², n'excède pas 160 % de l'emprise du niveau situé, dans la partie du bâtiment qu'il surplombe, sous le niveau partiel. L'emprise du second couronnement, soit 59 m² dans le dernier état du projet, n'excède pas 60 % de l'emprise du dernier niveau de la partie du bâtiment qu'il surplombe, soit 135 m². Il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le permis modificatif délivré le 9 novembre 2021 n'aurait pas régularisé le vice dont les couronnements prévus par le permis initial, délivré le 25 juillet 2017, étaient entachés.

27. Enfin, les requérants ne peuvent utilement faire valoir ni que les modifications apportées au projet ne permettraient pas de le rendre conforme aux dispositions du plan local d'urbanisme en vigueur à la date du permis de construire initial, dès lors que ces dispositions n'étaient plus en vigueur à la date du permis modificatif à laquelle s'apprécie la légalité de celui-ci sous réserve des droits que le pétitionnaire tient du permis initial, ni, eu égard à ces droits détenus par le pétitionnaire, que les éléments du projet demeurés inchangés lors du permis modificatif méconnaîtraient les dispositions du nouveau plan local d'urbanisme.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation du permis de construire modificatif délivré le 9 novembre 2021. Ce permis modificatif ayant régularisé le vice entachant le permis de construire initial délivré le 25 juillet 2017, les conclusions tendant à l'annulation de ce permis initial doivent, par suite, être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Il n'y pas lieu de faire droit, dans les circonstances de l'espèce, aux conclusions de la commune de Lyon et de la société Cogedim Grand Lyon présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Lyon et de la société Cogedim Grand Lyon, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 23 mars 2021 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. et Mme C... tendant à l'annulation des permis délivrés les 25 juillet 2017 et 9 novembre 2021 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... et E... C..., à la commune de Lyon et à la société en nom collectif Cogedim Grand Lyon.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 10 octobre 2022.


Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Agnès Pic
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber


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