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Ariane Web: Conseil d'État 460776, lecture du 10 octobre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:460776.20221010

Décision n° 460776
10 octobre 2022
Conseil d'État

N° 460776
ECLI:FR:CECHR:2022:460776.20221010
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
Mme Elise Adevah-Poeuf, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du lundi 10 octobre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 janvier et 1er septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération Sud Education demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la réponse, publiée le 6 janvier 2022 dans la rubrique " foire aux questions " du site internet du ministère de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports, apportée à la question : " quelles sont les recommandations concernant la tenue des réunions syndicales et les absences pour motif syndical ' " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982
- le décret n° 84-474 du 15 juin 1984 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, représenté par Me Maman, avocat de la Fédération Sud Education ;

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération Sud Education demande l'annulation pour excès de pouvoir des énonciations formulées dans une " foire aux questions " du 6 janvier 2022 relative au coronavirus Covid-19 publiée sur le site internet du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et précisant, en réponse à la question : " Quelles sont les recommandations concernant la tenue des réunions syndicales et les absences pour motif syndical ' ", que : " Face à une situation imprévisible qui empêche le fonctionnement du service, et sous les mêmes conditions de motivation, une autorisation de participation pourrait être retirée. Ainsi pourrait-il en être pour une autorisation de participation à un stage de formation syndical délivrée, conformément aux textes, au moins quinze jours à l'avance ".

2. Si le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse soutient que les énonciations attaquées ont été retirées du site internet du ministère le 24 août 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces énonciations n'aient pas reçu de commencement d'exécution antérieurement à ce qui doit être regardé comme leur abrogation. Dès lors, les conclusions tendant à leur annulation ne sont pas devenues sans objet.

3. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". Aux termes de l'article L. 242-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai :/ 1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ; / (...) ".

4. Aux termes de l'article 4 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique : " Les organisations syndicales peuvent tenir des réunions statutaires ou d'information à l'intérieur des bâtiments administratifs en dehors des horaires de service. Elles peuvent également tenir des réunions durant les heures de service mais dans ce cas seuls les agents qui ne sont pas en service ou qui bénéficient d'une autorisation spéciale d'absence peuvent y assister ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " I.- Les organisations syndicales représentatives sont en outre autorisées à tenir, pendant les heures de service, des réunions mensuelles d'information. / (...) Chacun des membres du personnel a le droit de participer à l'une de ces réunions, dans la limite d'une heure par mois. / Sous réserve des nécessités du service dûment motivées, les organisations syndicales peuvent regrouper leurs réunions d'information en cas, notamment, de dispersion des services. (...) Chacun des membres du personnel a le droit de participer à l'une de ces réunions, dans la limite de trois heures par trimestre. (...) / II. - Sans préjudice des dispositions du I, pendant la période de six semaines précédant le jour du scrutin organisé pour le renouvellement d'une ou plusieurs instances de concertation, chacun des membres du personnel peut assister à une réunion d'information spéciale, dont la durée ne peut excéder une heure par agent. " Aux termes de l'article 7 du même décret : " La tenue des réunions mentionnées aux articles 4, 5 et 6 ne doit pas porter atteinte au bon fonctionnement du service ou entraîner une réduction de la durée d'ouverture de ce service aux usagers. " Aux termes de l'article 13 du même décret : " Des autorisations spéciales d'absence sont accordées, sous réserve des nécessités du service, aux représentants des organisations syndicales mentionnées aux 1° et 2°, qui sont mandatés pour assister aux congrès syndicaux ou aux réunions de leurs organismes directeurs, dont ils sont membres élus ou pour lesquels ils sont nommément désignés conformément aux dispositions des statuts de l'organisation (...) ".

5. Aux termes, enfin, de l'article 4 du décret du 15 juin 1984 relatif à l'attribution aux agents de l'Etat du congé pour la formation syndicale : " Le bénéfice du congé ne peut être refusé que si les nécessités du fonctionnement du service s'y opposent (...) ".

6. En premier lieu, il résulte des dispositions citées aux points 3 à 5 que les autorisations mentionnées aux points 4 et 5, qui constituent des décisions créatrices de droits dont le maintien est subordonné à la condition que les nécessités du fonctionnement du service permettent l'absence effective de l'agent, peuvent être abrogées par l'administration dans les conditions prévues à l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, en prévoyant qu'une autorisation de participation à une réunion ou un stage de formation syndicales pourrait être retirée en cas de situation imprévisible, les énonciations attaquées de la " foire aux questions " du 6 janvier 2022 relative au coronavirus Covid-19 publiée sur le site internet du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, qui doivent être regardées comme rappelant que ces autorisations, qui ne produisent d'effet qu'au jour de l'absence effective de leurs bénéficiaires, peuvent être abrogées si les nécessités du fonctionnement du service s'y opposent à cette date, ne formulent pas, contrairement à ce que soutient la requérante, une règle qui méconnaît les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration citées au point 3.

7. En second lieu, une décision d'autorisation d'absence accordée sur le fondement des dispositions mentionnées aux points 4 et 5 ne peut être abrogée que pour un motif tiré des nécessités du fonctionnement du service, avec lesquelles doit être concilié l'exercice du droit syndical dans la fonction publique. Dès lors, en prévoyant que ces autorisations peuvent être abrogées en cas de situation imprévisible qui empêche le bon fonctionnement du service, les énonciations attaquées n'ont pas porté une atteinte illégale à la liberté syndicale.

8. Il résulte de ce qui précède que la Fédération Sud Education n'est pas fondée à demander l'annulation des énonciations qu'elle attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Fédération Sud Education est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération Sud Education et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 septembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bonhert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 10 octobre 2022.

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé

La rapporteure :
Signé : Mme Elise Adevah-Poeuf

La secrétaire :
Signé : Mme Nadine Pelat



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