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Ariane Web: Conseil d'État 460679, lecture du 29 novembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:460679.20221129

Décision n° 460679
29 novembre 2022
Conseil d'État

N° 460679
ECLI:FR:CECHR:2022:460679.20221129
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Joachim Bendavid, rapporteur
M. Maxime Boutron, rapporteur public


Lecture du mardi 29 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 juin 2021 par laquelle la commission de médiation du Bas-Rhin a rejeté son recours amiable tendant à ce que sa demande de logement soit reconnue prioritaire et urgente, et d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois. Par un jugement n° 2106706 du 23 novembre 2021, la magistrate désignée par le tribunal administratif a annulé la décision de la commission de médiation du 15 juin 2021 ainsi que le rejet du recours gracieux du 14 septembre 2021 et a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de reconnaître la situation de M. B... comme prioritaire et urgente dans le délai d'un mois.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier et 29 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la transition écologique demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 29 mai 2019 fixant la liste des titres de séjour prévue aux articles R. 300-1 et R. 300-2 du code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 15 juin 2021, la commission de médiation du département du Bas-Rhin a rejeté le recours amiable formé par M. B..., résidant en France en foyer depuis plus de vingt ans et bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés, tendant à ce que sa demande de logement soit reconnue prioritaire et urgente, en application des dispositions du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation. La ministre de la transition écologique se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 novembre 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision ainsi que le rejet du recours gracieux de M. B... du 14 septembre 2021 et a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de reconnaître la situation de l'intéressé comme prioritaire et urgente dans le délai d'un mois.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le droit à un logement décent et indépendant [...] est garanti par l'État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'Etat, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. / (...) ". Aux termes du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation : " La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement (...) ". Aux termes de l'article R. 300-2 du code de la construction et de l'habitation : " Remplissent les conditions de permanence de la résidence en France mentionnées au premier alinéa de l'article L. 300-1 les étrangers autres que ceux visés à l'article R. 300-1 titulaires : / 1° Soit d'un titre de séjour d'une durée égale ou supérieure à un an, sous réserve que celui-ci ne soit pas périmé ; / 2° Soit d'un titre de séjour d'une durée inférieure à un an autorisant son titulaire à exercer une activité professionnelle ; / 3° Soit d'un visa d'une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à un titre de séjour. / Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre en charge du logement fixe la liste des titres de séjour concernés ". L'article 2 de l'arrêté du 29 mai 2019 dispose que : " Les titres de séjour visés à l'article R. 300-2 du code de la construction et de l'habitation sont les suivants : / 1. Carte de résident ; / 2. Carte de résident permanent ; / 3. Carte de résident portant la mention " résident de longue durée - UE " ; / 4. Carte de séjour pluriannuelle ; / 5. Carte de séjour " compétences et talents " ; / 6. Carte de séjour temporaire ; / 7. Certificat de résidence de ressortissant algérien ; / 8. Récépissé de demande de renouvellement de l'un des titres numérotés de 1 à 7 ; / 9. Récépissé de demande de titre de séjour valant autorisation de séjour portant la mention " reconnu réfugié " ou " a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire " ; / 10. Titre de séjour délivré à un ressortissant andorran ou à un ressortissant de pays tiers membre de sa famille mentionnant la convention signée le 4 décembre 2000 entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à l'entrée, à la circulation, au séjour et à l'établissement de leurs ressortissants ; / 11. Passeport monégasque revêtu d'une mention du consul général de France à Monaco valant autorisation de séjour ; / 12. Visa de long séjour valant titre de séjour dès lors qu'il a fait l'objet de la procédure prévue au 17e alinéa de l'article R. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; / 13. Autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 316-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ".

3. D'autre part, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 441-14-1 du code de la construction et de l'habitation : " Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d'urgence en application du II de l'article L. 441-2-3 les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d'accès au logement social (...) ". Il résulte des dispositions des articles L. 441-1 et R. 441-1 du code de la construction et de l'habitation que les conditions réglementaires d'accès au logement social sont appréciées en prenant en compte la situation de l'ensemble des personnes du foyer pour le logement duquel un logement social est demandé et qu'au nombre de ces conditions figurent notamment celles que ces personnes séjournent régulièrement sur le territoire français et qu'elles y aient leur résidence permanente. Il résulte de la combinaison de l'ensemble des dispositions mentionnées aux points précédents que la commission de médiation refuse ainsi légalement de reconnaître un demandeur comme prioritaire et devant être logé d'urgence au motif que les personnes composant le foyer pour le logement duquel il a présenté sa demande ne séjournent pas toutes régulièrement sur le territoire français ou n'y ont pas leur résidence permanente.

4. Il ressort des termes du jugement attaqué que, pour annuler la décision de la commission de médiation du Bas-Rhin mentionnée au point 1, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir constaté que l'épouse et les enfants de M. B..., pour lesquels il envisageait un regroupement familial, ne séjournaient pas sur le territoire français, a jugé que cette circonstance n'était pas de nature à faire obstacle à sa demande de logement social. En statuant par ces motifs, alors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la résidence permanente en France des membres du foyer au titre duquel une personne présente une demande est au nombre des conditions réglementaires d'accès au logement social qu'il appartient à la commission de médiation d'appliquer, la magistrate désignée a commis une erreur de droit qui justifie, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'annulation de son jugement.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 23 novembre 2021 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Strasbourg.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à M. A... B....


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